ACCEPT (de) - Metal Heart (1985)
Label : RCA
Sortie du Scud : 4 mars 1985
Pays : Allemagne
Genre : Hard Rock
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 40 Mins
Il y a des albums comme ça qui vous marquent à jamais et laissent une trace indélébile dans votre mémoire. Spécialement ceux que l'on a connu jeunes, et qui ont été à l'origine d'une véritable passion pour un style, qui des décennies après, vous colle encore à la peau.
Excusez moi de parler à la première personne, et de me sentir directement concerné par mes propres propos. Cette critique, bien qu'adressée à vous, émane de ma conscience, de mon vécu et de mon ressenti. Car l'album dont j'ai choisi de vous parler aujourd'hui fut un de ceux qui m'ont fait comprendre à quel point j'étais fait pour le Metal, et ce, jusqu'au bout. Que ce genre musical allait être plus qu'un compagnon, mais bien une deuxième famille, virtuelle et musicale la plupart du temps, mais aussi humaine, dans le partage et la fascination collective.
Des albums pierres angulaires, j'en ai connu un certain nombre il y a trente ans. The Number of the Beast de MAIDEN, Love at First Sting de SCORPIONS, Strong Arm of the Law de SAXON, Ride The Lightning de METALLICA, et la liste est loin d'être exhaustive. Tous m'ont offert leur lot de sensations fortes, ce sentiment d'être indestructible, de comprendre quelque chose que le plus grand dénominateur commun ne voyait même pas. L'impression d'être un surhomme, aux pouvoirs illimités, capable de tout balayer sur sa route. Ne mentez pas, vous l'avez aussi ressenti. En posant certains vinyles sur votre platine, en pratiquant le air guitar devant votre miroir, ou seul, dans la rue, le casque du walkman vissé sur la tête. Fuck it all, and fuckin' no regrets, n'est-ce pas James ?
Mais parlons musique, car nous sommes là pour ça. Dans les années 70, le Hard Rock/Heavy Metal connut sa première explosion. Sous l'impulsion de deux entités effrayantes de puissance et de certitudes, situées sur le même continent, la même île britannique, BLACK SABBATH et LED ZEPPELIN. Sous influence, des centaines de combos assoiffés de décibels virent le jour, principalement aux Etats-Unis et en Angleterre, prêts à répandre la bonne parole saturée à travers le monde.
Mais il était un pays qui restait à la traîne. Si ses usines sonores avaient laissé échapper quelques effluves torrides, il fallait pointer du nez du côté du Progressif et du Kraut Rock comme on se plaisait à le nommer. Mais de Hard Rock, nenni. En effet, le seul représentant allemand digne de l'époque se complaisait encore dans le Rock psychédélique sympathique, jusqu'au jour où son guitariste principal se fit la malle, obnubilé par Hendrix, parti fonder son ELECTRIC SUN. Alors, l'animal opéra sa mue, et SCORPIONS finit par sortir son dard vénéneux, et le monde éberlué constata que la vieille Europe avait des choses à dire, et tenait soudain un discours musclé.
De disques en concerts, SCORPIONS devint un monstre, qui influença ses concitoyens et contemporains au point de déclencher des vocations hardantes un peu partout dans le pays. Et le virus parti de Hanovre finit par atteindre Solingen, où il contamina trois jeunes musiciens, Udo D, Peter B et Wolf H.
Leurs débuts furent balbutiants. D'un premier LP éponyme sorti dans l'indifférence en 1979 jusqu'au chef d'œuvre dont je vais parler aujourd'hui, le chemin fut très long. Il fallu stabiliser d'abord le line-up, et recruter les bons musiciens pour les épauler. Ce qui fut fait lorsqu'ils tombèrent sur Stefan K et Jorg F, bien que ce dernier céda régulièrement sa place, à cause d'une instabilité notoire et d'une rigueur professionnelle aléatoire.
Mais en 1982, ce quintette était devenu lui aussi une solide machine de guerre. Et la même année, ACCEPT sortit ce que beaucoup considèrent comme leur premier «vrai" classique, Restless and Wild. Même si l'entame soit disant douteuse de ce LP fit grincer des dents ("Ein Heller und ein Batzen" vieille comptine allemande traditionnelle rappelait un peu trop l'affection que les hordes nazies lui vouaient...), "Fast as a Shark", teigneuse comme une armada de requins reniflant le sang, filait ventre à terre et suintait la violence par tous les pores. A tel point que certains critiques, à posteriori, y virent la naissance réelle du Thrash, paternité généralement accordé aux Californiens de METALLICA un an plus tard. Mais entre ce classique et l'éternel "Princess of the Dawn", tout le monde sentait bien que quelque chose d'énorme était en train de se passer. Si SCORPIONS se taillait la part du lion en matière de Hard Rock mélodique, ACCEPT allait s'octroyer la place de leader du Heavy Metal germanique, et le gang de Rudolf et Klaus ne semblait pas pouvoir y faire grand chose.
Balls to the Wall suivit en 1983, avec un succès toujours grandissant, du à la qualité sans cesse améliorée des sorties du groupe, et de la réputation en concert de ce dernier. Ce LP contenait aussi son lot de classiques hargneux, "London Leatherboys" en tête accompagné du titre éponyme. Mais tout cela avait un goût d'inachevé, d'imparfait. On sentait que le potentiel du groupe était gigantesque, mais trop de chansons ternes polluaient encore leurs travaux. Il leur fallait aller plus loin, et accoucher de l'album parfait, qui ne tolèrerait aucun reproche. D'aucuns me diraient que la perfection n'est pas de ce monde. Et je m'opposerai en faux à cette conclusion, tant certains artistes l'ont touchée du doigt à un moment donné de leur carrière. Et les exemples sont légion.
ACCEPT de toute façon, n'était pas de ce monde. Le leur était à part, et ils y évoluaient comme bon leur semblait. Mais en 1984, leurs rivaux nationaux frappèrent un grand coup et le tonnerre résonna jusque dans la guitare de Wolf Hoffmann. Les SCORPIONS commirent cette année là leur grand acte, et Love at First Sting leur permit enfin d'accéder à une reconnaissance internationale qu'ils méritaient depuis longtemps. Certes, les saillies purement Hard Rock ne manquaient pas à l'appel, mais ce fut une douce mélodie qui leur offrit les clés du paradis, et du haut des classements du monde entier. "Still Loving You" avait fait fondre les néophytes, les allergiques de la distorsion, et ce fut une leçon pour beaucoup. Il n'y avait plus à tergiverser, pour devenir un géant, il fallait se laisser pousser des ailes et injecter une bonne dose d'harmonie dans son agressivité. Et ce qu'on pensait impensable arriva, ACCEPT céda à la tentation, mais sans nous délivrer du mal. A leur manière.
1985. Grande année pour le Hard Rock. Live After Death de MAIDEN, World Wide Live des amis SCORPIONS, Sacred Heart (honteusement mésestimé) de DIO, The Last Command des saignants WASP, Marchin' Out du suédois épileptique Malmsteen, et bien sur, notre centre d'intérêt aujourd'hui, Metal Heart d'ACCEPT. Cœur de Metal ? Sans se douter, en associant ces deux mots, les allemands offraient au public la plus sincère description du contenu de leurs efforts cette année là. Rien ne résumait mieux l'orientation prise par le groupe pour gravir quelques marches supplémentaires, sans toutefois se trahir aux yeux des fans hardcore. Et pour s'assurer du soutien indéfectible de ces derniers, ACCEPT avait placé la barre très haute, dès le départ.
Oh bien sur, en réfléchissant bien, on doit pouvoir trouver plus. Plus emphatique que cette intro magistrale digne d'un péplum de la grande époque. Mais dès ses premières notes, "Metal Heart" fixait l'ambiance. L'album serait grand, très grand, ou ne serait pas. Arrangements pompeux, guitare grandiloquente, et puis soudain, un riff heurté qui démarre. Stefan fait tonner son kit, vite suivi par un Udo prophétique lançant à l'assemblé un sournois "It is 1999, the human race has to face it"... Couplets plombés, refrain aux chœurs s'échappant du Valhalla, "Metal Heart" était plus qu'un hymne, c'était un cri de ralliement, un avertissement tacite disant sans le dire avec des mots "Nous sommes prêts". Et le public l'était aussi. Outre les qualités intrinsèques d'un tel éclair, le solo historique de Wolf allait aussi s'inscrire dans la grande liste des interventions individuelles inoubliables. En empruntant à Beethoven sa "Lettre à Elise" et en l'envoyant à l'adresse d'Eddie Van Halen, Wolf H allait coucher sur bande un des plus beau solo de l'histoire du Metal. Qui ne l'a pas mimé, l'air pénétré dans sa chambre le volume à fond ? Je l'ai fait, et j'en transpire encore. Mais au delà de l'impact énorme de ce premier titre, ce qui était presque devenu la marque de fabrique du groupe, le reste du LP respectait les mêmes critères de qualité, sans exception. "Bound To Fail", exemple le plus évident, suivait la même ligne dramatique et présentait un final larger than life, à la mesure de son exact opposé de la face A.
Mais tout ceci, aussi grandiose soit il, n'était pas une surprise pour les aficionado du quintette. Ils les savaient capables de telles percées, et s'étonnèrent plutôt de deux, trois choses inhabituelles. Certainement influencés dans leur démarche par les compositions récentes de R. Schenker, Wolf, Peter et les autres osèrent cette fois ci injecter à leur mordant quelques instants mélodieux épars, spécialement sur "Midnight Mover", le premier single, et surtout "Screaming for a Love Bite", presque radiophonique dans l'esprit. Les plus fervents adeptes de l'église Acceptienne en furent d'ailleurs fort marris, et gardèrent ces deux "hits" en travers de la gorge. Mais pour faire trembler le marché US, il fallait bien faire quelques concessions, et la qualité des morceaux en question n'avait pas de quoi leur donner honte. Bien au contraire.
De même, l'étrange "Teach us to Survive" et ses atours légèrement jazzy avait de quoi provoquer l'étonnement. Mais sa construction toute en crescendo tendu était une autre réussite à porter au crédit des allemands, et une fois de plus, Hoffmann taillait un solo au scalpel comme lui seul en avait le secret, et se révélait être un des guitaristes les plus mésestimés de son temps. Heureusement, celui ci lui rendit justice, et il est maintenant honoré comme il se doit.
Si Udo modulait sa voix sur ces quelques exemples et adoptait des tonalités plus mélodiques et nuancées qu'à l'accoutumée, les bourrasques d'acier "Too High to Get it Right", "Dogs on Leads" et "Up To The Limit" lui permettaient d'évoluer dans sa sphère habituelle, parsemée de raclages de gorge intensifs et de cris rauques de premier choix. Bourrées de riffs chromés, ces trois morceaux assuraient une transition tranquille entre le passé de Restless and Wild et l'avenir proche, et rassasiaient les fans les plus féroces.
Seul bémol du LP, le très tiède "Living for Tonite", qui n'apporte rien et ne fait rien avancer, mais en tant que seul filler de Metal Heart, et à raison d'un point par morceau, il est la seule excuse que j'ai trouvée pour ne pas accorder la note maximale à ce disque de tous les maxima.
Et l'histoire de suivre son cours...
Metal Heart fut la détonation qui permit à ACCEPT de conquérir une grande partie du monde. Il fit l'unanimité parmi la presse et le public, et continue d'être fêté régulièrement comme le meilleur album du groupe. ACCEPT poussa la recette encore plus loin avec Russian Roulette et sa pochette parfois censurée, mais l'équilibre de 1985 fut rompu et pour beaucoup, ce disque n'était qu'une resucée du précédent, dans une version encore plus abordable. Lassé de ces compromis, et incapable d'adapter son chant à l'orientation voulue par le reste du groupe, Udo mit la clé sous la porte et partit fonder sa propre entité, signée de son seul prénom, U.D.O. Pas bégueules, ses anciens comparses lui composèrent son premier album, avant de connaître de grosses difficultés de line-up, et d'accumuler un retard conséquent pour la publication de leur effort suivant, le très controversé et très moyen Eat The Heat. CDD pour deux musiciens US, optique un peu le cul entre deux chaises, absence de titres vraiment forts, les dès étaient jetés, et le groupe en fit de même avec l'éponge, avant moult reformations dans les années 90/2000. On pourrait gloser des heures sur la pertinence d'ACCEPT en 2014 (et ce, malgré de très bons disques, comme le petit dernier Blind Rage, si bien nommé...), il n'empêche qu'avec Metal Heart, ils ont réussi à graver leur nom au canif sur l'autel des plus grandes réalisation Heavy de tous les temps, quasiment à la même hauteur que Powerslave, British Steel, ou Blackout.
Et malgré ce qu'éructait Udo D à l'époque, grâce à cet album, ils étaient devenu bien plus qu'une "Lifeless piece of Steel". Il n'étaient pas un morceau de Metal, ils étaient LE Metal. Qu'ils jouaient avec tout leur cœur.
Ajouté : Lundi 02 Février 2015 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Accept Website Hits: 6264
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