J'aime bien le Grind, je trouve que c'est une façon formidable de dire aux autres "Ah, tu veux de la musique, bien mélodique et tout ? Bah mange toi ça batard !". Une manière de s'en taper, de jouer à la vitesse de la lumière, de faire ce qu'on veut sans se faire chier. Mais attention, le Grind n'est jamais aussi fameux que lorsqu'il est joué par de vrais amoureux du genre. Et puis, j'ai une inclinaison particulière pour celui de tradition. Intelligible, carré, un peu furieux mais bien joué... Par de vrais musiciens, capables, qui pourraient très bien faire autre chose si l'envie leur en prenait.
Et puis j'aime bien Lyon aussi, c'est joli. Grande ville, mais sympa.
Le rapport ?

Il est simple. De cette cité nous viennent deux furieux bien nerveux, Nico (Guitare, chant) et Mak (Batterie), qui sortent leur deuxième album (après The Weak & the Wicked il y a deux ans) sur le label polonais spécialisé extrême EveryDayHate Records, et le moins que l'on puisse dire en considérant mon préambule d'introduction, c'est que je suis servi.

Car d'une, ils jouent du Grind bien sur. Sinon, pourquoi en aurais-je parlé ? De deux, ils le jouent bien, très bien même. De trois, c'est du Grind solide, analogique, sec comme un coup de trique, le meilleur en somme. De quatre, ils sont inventifs. Et dans ce style, c'est salvateur. Rien de pire que les blasts à répétition sans queue ni tête qui se contentent de chercher une sortie qui n'existe pas. Non, WARFUCK, c'est la classe au dessus, la furie structurée, construite et efficace. Et ça marche, vraiment. Et en plus, ils sont lyonnais. Mais bon, aucun rapport, sauf que c'est une jolie ville.
Mais ils se chargent eux mêmes de vous prévenir. Ecoutez la première piste et si vous le sentez, parcourez les vingt cinq minutes du bouzin. Et ensuite, vous verrez.
J'ai écouté "Till The Bones", j'ai aimé, et je suis donc allé jusqu'au bout. Et j'ai aimé aussi. Quinze chansons, en moyenne moins de deux minutes chaque, parfait.

Ils citent PIG DESTROYER et INSECT WARFARE. Je ne peux que cautionner. Ils font tous partie de cette catégorie de musiciens qui refusent de se cantonner au minimum et qui cherchent toujours une approche inventive. Un break imprévu, un passage Heavy bien senti, une rythmique ludique, enfin tout ce qui peut enrichir leur musique et la pousser vers le haut. Déjà bien servie par une production puissante et claire, leur attaque sonique n'en est que plus précise comme ils aiment à le déclarer (mais point de fanfaronnade, juste la vérité), et même les passages les plus sauvages restent propres, et n'excusent en aucun cas des débordements incontrôlés dus à des approximations de jeu. Je souligne au passage le travail phénoménal de Mak au kit, toujours à la recherche d'une approche différente, qui n'hésite pas à se lancer dans des accroches et des pattern inhabituels pour ce style, tout en étant solide le reste du temps.

Nico riffe et grogne bien sur, mais intelligiblement, pas comme un cochon, s'exprime dans sa langue natale (bien que les textes soient difficilement déchiffrables...), mais aussi en anglais, et au vu des titres, ne semble pas cracher sur un brin d'humour ("Vivre d'Arnaque et d'Eau Fraîche", "Route, Bloody Route", "Rondelle" "Apprendre à Plaire").

"Rondelle (Featuring UROBEN on saxophone & vocals)" est d'ailleurs une fort belle conclusion à ce LP, et exhale même une vieille odeur de John ZORN/Mick HARRIS avec son sax bordélique et hystérique. Un peu comme si les mecs de SWEET SMOKE bien raides défoncés s'étaient enfoncé leur flûte insupportable dans le cul pour tenter d'y apporter un son plus chaud.

Sinon pour le reste, c'est du brutal comme dirait Bernard. Mais du brutal futé, rodé. Sans pour autant manquer de ce fameux grain de sable qui sait quand il faut rouer la machine pour la faire dérailler. Et en un mot comme en cent, de Lyon ou d'ailleurs, ce genre de Grind me sied. A merveille. Et Nico et Mak on beau dire qu'ils vivent d'arnaque et d'eau fraîche, je n'ai vu aucune arnaque dans ce Neantification. Et même si ça dézingue, c'est tout sauf le néant.

Vous avez vu messieurs, j'ai fait attention à ce que j'ai écrit. Ca vous va ?