L'Antarctique. Ce désert glacé, ces terres dangereuses et inhospitalières pour l'être humain. C'est ce décor à vous glacer le sang qu'Howard Phillips Lovecraft a choisit pour son énigmatique mise en scène des montagnes hallucinées, recueil aujourd'hui connut par bon nombre d'amateurs du genre fantastique. Les français de THE GREAT OLD ONES quant à eux retracent depuis 2012 le funeste destin de ceux qui ont eût l'audace de s'aventurer sur ces étendues blanches et de percer au grand jour le mystère qu'elles recèlent. Tekeli-li sera donc le second récit compté par nos grands anciens, après Al Azif (2012).

Pour cette introspection, rien n'a été laissé au hasard. Une trame narrative nous explique brièvement ce à quoi nous devons nous attendre. Mais aucun être humain normalement constitué ne pourra dissimuler sa peur face aux abominations qui habitent cet endroit. Froid. C'est le premier mot qui me vient à l'esprit lorsque j'écoute cet album. Les guitares ne tarderont pas à se coller à vos tympans en exécutant un Black Metal impérial et infranchissable, telles ces barrières noires qui s'étendent à perte de vue, s'élançant sur des milliers de kilomètres et s'érigeant sur des hauteurs vertigineuses.

On comprend bien vite que Tekeli-li n'est pas un disque qui s'écoute, mais qui se vit. Il nous suffira d'arriver au violent blizzard qu'est "The Elder Things" et c'est le déclic. Le Post-Black Metal pratiqué par THE GREAT OLD ONES est bétonné, maîtrisé et surtout, hostile. Les vocaux s'immiscent tout à fait dans cette masse noire et informe sans pour autant être en arrière plan. Si le but de nos gaillards était de nous faire voyager, c'est réussi ! Mais personne ne sortira de cette expérience indemne.

En voyant cette empreinte sur le sol, je comprend. Elles n'étaient pas morte, juste endormies...
... et il les a réveillées...

Plus nous avançons dans l'excursion, plus la peur se fait sentir. L'horreur pointe le bout de son nez, et le malaise est à son paroxysme. Et le plus horrible dans tout ça, c'est qu'on ne peut s'en détacher. Notre âme est saccadée, tranchée, écrasée, dans l'impuissance la plus totale. Autour de nous, il n'y a que de la glace, de la neige, et ces hallucinations pas si irrationnelles que le bon sens humain le voudrait.

Nous arrivons sur "The Ascend", et constatons que le drame n'est pas encore terminé. Et tandis que la batterie ne cesse de frémir telle le cri de ce néant enneigé, les guitares se font plus hargneuses et sombres. Mon corps semble grelotter de froid, de faim et de fatigue, mais je ne m'arrêterais pas, oh ça non, pas si près du but. Quelle est donc cette acoustique qui vient caresser mes oreilles ? J'espère survivre encore quelques temps pour connaître le dénouement de cette histoire.

Cette ultime affrontement, "Behind The Mountains", est à présent face à moi. Comment aurais-je pu imaginer une seule seconde trouver ici un jeu de guitare aussi distordu et malsain ? De toute évidence, à quoi pouvais-je bien m'attendre ? Tout au long de ce morceau, les instruments ne feront qu'hurler de plus en plus et vous retranscrirons l'horreur vécue par ceux qui ont foulé la terre interdite. Une longue course effrénée contre la mort touche presque à sa fin, avant de s'éteindre lentement dans une lente agonie...

Je reprend mon souffle et constate que je suis revenu, abattu et apeuré, mais fort heureusement, en un seul bloc. THE GREAT OLD ONES nous offre avec Tekeli-li quelque chose d'unique. Le concept est tout ce qui a de plus alléchant et la totalité du contenu sonne juste. Je pensais pouvoir m'amuser à dénicher quelques trouvailles maladroites, mais force est de constater que c'est la formation qui m'a pris au piège dans son étreinte glaciale. Même une fois le silence revenu, cette atmosphère si oppressante ne cesse de me tourmenter l'esprit. Cette contrée cauchemardesque restera à jamais gravé dans ma mémoire.

Tout comme ces montagnes dont je tairais ce qu'elles cachent, ce qu'on y trouve derrière, et surtout, ce qu'elles abritent. Mon silence sera lourd, très lourd à porter. Néanmoins, j'accepte d'en payer le prix. Pour le bien-être de chaque être humain sur cette planète. Je ne peux que vous mettre en garde, car la menace peut surgir à tout moment. Et lorsqu'elle sera là, plus personne ne pourra rien faire. Ce sera la fin de notre monde.