Petit oiseau deviendra grand. Très grand. Immense. Un planeur. AMOEBA n'allait certainement pas en rester là. Souvenez-vous de ce mois d'octobre 2011, de Day In Black. Pour ratisser large, la France découvrait à cette époque les visages poupons des mectons du pays de Bitche. On devinait presque le lait suintant encore derrière les oreilles. Et la claque. Ce Death Metal façon panzer, ode incontrôlable aux fluides corporels : du sang, de la sueur, pour ces messieurs de la semence, pour ces dames de la cyprine. Un joyeux cocktail shaké dans tous les sens par des minots même pas en âge de boire en toute impunité, faisant passer en 11 minutes les précoces allemands d'HACKNEYED pour des joueurs expérimentés de touche-pipi. Un peu plus de deux ans après, on observera avec Counterweight que les traits n'ont pas encore subi la rudesse de la vie, mais que la punition est toujours aussi sévère. Humiliante presque.

AMOEBA chérit son Death Metal comme autant d'hommes chérissent leurs femmes après X années de mariage dans l'espoir de s'en tirer à bon compte avec une petite pipe. Sauf que si la manœuvre des seconds est chaotique car intéressée, celle des premiers est autrement plus authentique. Ces garçons ont foi en leur talent, et j'imagine qu'on leur aura assez rabâché ce détail majeur durant ces deux dernières années. Quel plaisir alors de repartir pour un tour avec "Mind Coercion" ! C'est à la fois moderne, carré (tout en étant préservé de la stérilité clinique actuelle d'un WHITECHAPEL) et dérangé, brinquebalé dans tous les sens par une section rythmique remuante et nerveuse, avec notamment ce petit côté chien-fou qu'ont les guitaristes respectifs de NECROPHAGIST ou d'HOUR OF PENANCE. D'ailleurs, pour l'anecdote qui n'en est pas une, Counterweight est passé par les mains expertes de Stefano Morabito (producteur attitré d'HOUR OF PENANCE et de FLESHGOD APOCALYPSE), ceci expliquant surement l'austérité d'une production dépouillée de tout artifice mais qui sied parfaitement à la nervosité ambiante de leurs compositions. Tous les instruments se trouvent, se répondent, mais je trouve que les guitares tiennent une place particulièrement centrale dans cette œuvre. Ce sont elles qui font des premières secondes de "Plague Mongers" un moment pas loin d'être crabby (ouh le gros mot). Ce sont elles qui composent la folie presque Grind d'"Abnegate". Et ce sont toujours elles qui provoquent le déroulement ramollo de "By Lawful Violence". Un jeu de textures, de nuances est progressivement mis en place par AMOEBA, ce qui valide une vieille théorie selon laquelle ces mecs seront tout aussi bon sur 3 morceaux que sur 9 (même si "Martyrdom" est tirée de Day In Black). Mon seul vrai grief concernera finalement un moment très succinct de "Depths Of Deceit". Alors que cette piste trahissait merveilleusement bien leur aptitude à superposer les chants, il a fallu quelques secondes de trop avec une troisième voix très poussive, pas très intense. Un peu à l'image d'un bon resto, la vision qu'on a d'un repas peut se retrouver tronquée par des approximations sur le dessert. L'esprit humain n'est plus capable d'analyser la félicité sur le long terme, préférant retenir l'infime pourcentage de médiocre comme gage d'imperfection.

Je ne dis pas que sans ça, Counterweight eut été parfait. Bien sur qu'il est perfectible, et d'autant plus perfectible qu'AMOEBA n'en est qu'au début de sa carrière. Mais avec de telles dispositions, un tel sens de l'efficacité, un tel instinct de tueur, comment s'imaginer une seule seconde que la cohésion qui désinhibe (déjà) leur Death Metal puisse s'évaporer dans la nature, nous laissant dès lors orphelins de ces petits prodiges ? AMOEBA est aujourd'hui vivant, et ce ne sera peut-être pas le cas demain, alors tâchons au moins de tirer quelques enseignements de cette véritable déculottée.