[...] à la fin, c'est toujours l'Allemagne qui gagne.

C'était vrai pour le foot mais pas pour la guerre. C'est vrai pour le Black Metal. Quand on a ENDSTILLE dans son équipe, on se tait et on déguste. Les fins gourmets en témoigneront. Il n'y a pas meilleur remède au mal que le Mal, et le Mal de ces Allemands s'écrit avec un grand M, tant ils planent depuis plus d'une décennie au-dessus de tout soupçon. Ce que j'adore chez eux, c'est qu'ils sont toujours à la limite du politiquement correct mais que personne n'a jamais taupé le scoop en flag'. Les illustrations, les symboles, les photos qui enjolivent Frühlingserwachen ou Navigator, les textes, les titres ("Sick Heil", va expliquer aux ados tourmentés que le Black Metal c'est "apolitique" après), les samples, tout rapproche constamment leur univers musical de la guerre. Pas la guerre des boutons, mais la Grande Guerre. Sujet sensible donc, qu'il convient de gentiment contourner si on veut éviter de rentrer dans des polémiques à n'en plus finir. Un exercice d'autant moins périlleux qu'ENDSTILLE est, musicalement parlant, un spécimen sur lequel l'encre coule plus à flots que le sang.

Les témoignages convergent principalement vers un mélange de respect et de reconnaissance. Ces Allemands se cramponnent encore aujourd'hui à leur Black Metal comme un fou à ses illusions. Pas question de lâcher du lest, pas la moindre parcelle de terrain ne sera prise par l'ennemi. Ils ne le disent pas clairement mais c'est un sous-entendu ostensible. L'ennemi, c'est le Black Metal quand il devient progressif, ambiant, shoegazé, rock ou acoustique. Ici, pareil vocabulaire est prohibé. ENDSTILLE graisse généreusement les chenilles de son Panzer avec "Aborted", une entrée en matière directe façon parpaing-dans-ta-gueule. Pour les petits fours et les beaux discours, on repassera. Commencer fort, c'est une tradition dans la famille. Malgré ça, Kapitulation 2013 a beau être (déjà) leur huitième album, je trouve qu'il marquera leur discographie de son empreinte, plus que les autres, puisqu'il rompt légèrement avec la monotonie et le Black anarchico-m'en-foutiste des précédents. Il y avait un virage très "roue libre" engagé sur Endstilles Reich qui ne plaisait finalement qu'aux amateurs d'efficacité empotée. Ceux-là vont dévorer goulument Kapitulation 2013 pendant que les ouïes les plus fines remarqueront d'imperceptibles variations dans la voix de Zingultus (qui a parfaitement pris la place d'Iblis, dans un registre plus nuancé). A moult reprises, ENDSTILLE s'essaye également à de fantaisistes exercices de style. Il y a "KDF 511", un titre plus aéré (genre bloc d'emmental) mais au goût plastifié. Il y a ces voix sépulcrales sur "Nostalgia", autrement plus intenses et quelque étrange mélopée dans les derniers instants de "Monotonus 2013". Avec davantage de recul, ces ridicules aspérités sont à considérer comme un autre aveu. Elles interviennent toutes au cœur de la seconde mi-temps, sifflée après la géniallissime "Blasphemer" (reprise de SODOM sur laquelle est invité le rubicond Grave Violator, lequel faisait partie du line-up originel ayant pondu l'EP In The Sign Of Evil en 1984) qui vient clore une première partie placée sous le signe du Black thrashy et punky. Ce Kapitulation 2013 dispose donc de deux visages, l'un et l'autre entièrement dévoués, comme toujours, à la brutalité primitive de ce Black Metal plus inusable que jamais.

Les années passent mais tu restes le même, ENDSTILLE. Quand le temps se fait plus clément et que les bombardiers ne sillonnent plus le ciel tels des hirondelles folles, alors il se peut que tu sortes de ta tranchée pour respirer l'air frais et soulager tes pieds qui macèrent jour et nuit dans une eau croupie. C'est ce qui arrive durant les vingt dernières minutes de Kapitulation 2013. Mais la vie t'a appris à ne jamais laisser ta hargne, ta haine et ton sens du combat à la merci des asticots. C'est ce qui arrive durant l'intégralité de Kapitulation 2013, comme il en a toujours été et qu'il en sera à jamais.