BREACH (se) - Friction (1995)
Label : Burning Heart Records
Sortie du Scud : 27 octobre 1995
Pays : Suède
Genre : Post Hardcore
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 37 Mins
Il est toujours amusant de prendre le temps à rebrousse poil... Imaginez vous un peu vivre votre vie à l'envers. Commencer l'existence avec le savoir, l'expérience, la connaissance, puis apprendre à oublier, à "déconnaître", à redécouvrir des choses que vous saviez déjà, à faire des erreurs pour en tirer des leçons, et penser au passé qui serait en fait le futur... Flippant quelque part non ? De "sage", redevenir un enfant, aux instincts et besoins primaires, aller à l'essentiel, et perdre toutes ces années de formation intellectuelle et physique...
Concept philosophique, diablement intéressant, et que j'ai en quelque sorte appliqué lorsque j'ai commencé à traiter la discographie de BREACH.
Je suis parti du meilleur, du plus affiné, du plus personnel pour revenir petit à petit aux racines, à la gestation, à la recherche du chemin à suivre. Bien sur, le compte à rebours n'est pas encore fini, puisque après cet album il me restera encore un petit chapitre à traiter, mais j'ai fait le plus gros, et surtout, le plus important. Je suis parti du chef d'oeuvre Kollapse pour revenir petit à petit vers ce Friction, premier longue durée du groupe, qui n'a rien, mais alors rien en commun avec le reste de leur parcours. Et c'est un euphémisme.
Certes, les bases étaient là, le chant de Tomas était déjà âpre, rauque, les riffs s'entrechoquant aussi, mais ce ne sont là que des éléments fondamentaux, pas des composantes identifiantes. BREACH avait déjà rejoint l'écurie Burning Heart, mais rien que le fait de savoir que la production de l'époque avait été assurée par Fred Estby aux Sunlight Studio de Stockholm devrait vous mettre sur la piste. Estby était en effet plus réputé pour son travail avec la crème Death old school de l'époque (DISMEMBER notamment) qu'avec la clique Post Hardcore et Punk Hardcore naissante en Suède. Et bien que la musique présentée sur Friction n'ait pas eu grand chose à voir avec GRAVE, ENTOMBED et consorts, certaines similitudes sont assez troublantes, et disparaîtront bien vite par la suite.
D'abord le son, le plus clair de toute l'existence du groupe. Une batterie à la grosse caisse épaisse, des guitares aussi graves que celles d'Alex Hellid et Uffe Cederlund sur Left Hand Path (inutile d'aller chercher plus loin la comparaison stupide entre les deux groupes) une basse en arrière... Soyons clair, Friction est l'album le plus Heavy de BREACH, presque Metal d'ailleurs en bien des points. Outre ce son atypique, les compositions étaient encore très loin de la folie furieuse de It's Me God, du chaos affolant de Venom, ou de la méchanceté sournoise et vicieuse de Kollapse. Ici, tout était carré, propre, et... presque trop à vrai dire. A l'image de "Time Can Not Replace", dont l'intro carrée à outrance semblait lancée par un groupe de Hardcore Metal lambda à la BIOHAZARD, et dont les choeurs guerriers sonnaient plus MADBALL qu'un vieil immeuble du Bronx. Un genre de sous REFUSED en costume trop serré, qui aimerait bien se révolter, mais qui n'ose que timidement, sans faire trop de bruit. Un comble quand à posteriori, on connaît le goût immodéré du combo pour hurler sa rage sur des structures alambiquées... <rb>
Le disque n'est pas mauvais attention. Loin de là même. Mais le mariage contre nature entre la virulence core brute de BREACH et ces lignes créatives trop timorées, qui plus est dotées d'un son aussi métal que la clique Death des pays nordiques à un je ne sais quoi de gênant, de frustrant même. Comme si les musiciens avaient été bridés, comme si on les avait castrés musicalement, en les empêchant de tomber dans leurs travers les plus naturels. Certes, des indices étaient là et laissaient alors présager d'une éventuelle ouverture vers un style moins figé, comme cette basse brillante qui allait bientôt devenir une trademark du groupe, ou ce chant pas encore passé au papier de verre mais déjà bien véhément, mais ce n'étaient alors que des indices comme je le disais...
Il n'empêche qu'en faisant abstraction du futur (que bien sur personne ne connaissait en 1995), Friction était un bon album de crossover Hardcore / Metal, plus construit et authentique que les superficiels BIOHAZARD par exemple, sans pour autant déclencher des vocations de fan à tout va.
Je cite, pour une meilleure compréhension. Des riffs sympathiques, mais classiques. Des morceaux solides, mais peu inventifs, et qui ont tendance à tous se ressembler et à tourner en rond. Une inspiration à la peine, qui mise plus sur l'efficacité que sur la surprise ou l'attaque de front. A titre d'exemple, la plupart des passages lourds empruntaient plus vaillamment les chemins sombres du Death des années 90 que ceux tortueux du Post Hardcore naissant. Les breaks restaient polis, ne cherchaient pas encore à déstabiliser, mais étaient surtout prévisibles...
Seule trace d'un futur hors norme, le bienvenue "Curfew" teigneux à souhait et qui aurait pu sans problème figurer sur It's Me God, et encore en faisant abstraction de ce pont convenu qui vient un peu gâcher l'ensemble. Le reste déroulait, sans déplaisir mais sans passion, comme une copie bien relue sans aucune faute, mais sans aucune réflexion susceptible d'élargir les débats. Oui c'est ça, scolaire, c'est le mot. Mais il faut bien commencer par quelque chose, il faut bien fouiller, défricher, pour finalement trouver le bon endroit où planter.
Il n'empêche que comme carte de visite, on pouvait rêver mieux. Bien sur me direz vous, certains groupes majeurs n'avaient pas fait mieux. Les premiers FAITH NO MORE n'avaient rien de transcendant. Les premiers SONIC YOUTH, bien que pernicieux, ne faisaient pas encore étalage de la folie disharmonique de Thurston Moore. Et des exemples comme ça sont comme les feuilles mortes, on en ramasse à la pelle.
Mais il faut écouter Friction/i>, car il est important à son niveau. Il permet en effet de mesurer le travail accompli, les progrès qui le séparent d'une oeuvre éternelle comme It's Me God, pourtant paru deux petites années après.
Et puis c'est assez amusant de découvrir un des plus grands groupes de Post Hardcore se laver les mains proprement dans une production trop Metal.
Mais c'est ça de prendre l'histoire à l'envers. Après tout, si je me réécoutais il y 20 ans, je trouverais mes propos et mes idées bien fades. Peut être le sont elle encore aujourd'hui, pour l'homme que je serai dans 20 ans...
Ajouté : Mercredi 20 Août 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Breach Website Hits: 8640
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