Le XXIème siècle sera lumineux ou ne sera pas. Même DIMMU BORGIR est récemment passé au blanc immaculé. Alors voir débarquer vaillamment les guerriers de CALLING OF LORME dans leurs loques neigeuses n'est pas qu'une douce hérésie. L'hérésie, c'est surtout que le blanc de leurs costumes ne tranche pas assez à mon goût avec le blanc d'une camisole de force. C'est cette prison de tissu dans laquelle ce groupe devrait se retrouver enfermé. Pas pour avoir enfanté un Black Metal aussi malsain et aliéné que celui de SILENCER, mais pour ce Pygmalion, qui proposera au monde sa "proclamation des préceptes indéfectibles de la Pupille", l'équivalent de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen pour la Lorme Corporation. Onze titres (qui, s'ils avaient été dix, auraient été des commandements), ou plutôt onze articles, "dictés par la Corporation lors des tenues de la 6ème et 7ème Lune après Henka" qui vont régir la société parallèle bricolée dans l'imaginaire de ces cinq Marseillais. On ne manque pas de fadas sur le Vieux Port...

Pourtant, même si je ne me suis pas vraiment senti concerné par le délire, j'aime la profondeur du concept, ainsi que l'application que met CALLING OF LORME à le rendre vivant. J'aime à penser que cette formation a un but, et qu'aussi loufoque soit-il, il va rendre l'expérience plus singulière. Alors sans apriori, si ce n'est qu'un peu de folie ne serait même pas dommageable en ces temps bien rangés, je débute l'écoute de Pygmalion. Première bonne surprise : "Layman" évoque sans détour le RAMMSTEIN de la période Mutter, moins brodé que Reise, Reise, moins brut de décoffrage que Sehnsucht. L'équilibre parfait entre le martial, l'austère et la poésie, la modernité, l'électro. De plus, l'univers glacé et toxique du groupe cadre avec cette musique, donc la cohérence est de mise. Malheureusement, ça s'éparpille par la suite. Le riff se fait moins rugueux, le motif électronique plus présent, plus redondant, et CALLING OF LORME perd de sa rondeur, de sa charpente. "Dust" viendra timidement rééquilibrer la balance mais le mal est déjà plus ou moins fait ! De RAMMSTEIN, référence costaude et indiscutable, on dégouline sur les seconds couteaux que sont SCORNGRAIN, OOMPH !, EISHEILIG (époque Elysium) voire carrément sur certains des aspects les moins glauques d'un DAS ICH quand "Away The Grim Stars" s'essouffle. Pygmalion perd progressivement de sa pigmentation et de sa saveur, aura besoin d'une présence féminine sur l'enchainement "1720" / "Hindsight" pour retrouver la pêche, deviendra à maintes reprises écœurant de samples, nappes de claviers, arrangements futuristes ("Hindsight" ou l'éponyme...). Si le concept est à mon goût bien manié, il s'enfonce trop souvent dans certains retranchements inutiles qui désorientent l'auditeur. CALLING OF LORME aurait beaucoup à gagner à simplifier son jeu, à se concentrer sur ces riffs en béton armé absolument imparables ("Child Ebony", qui plait au fan de YouPorn que je suis) et à laisser aux claviers leurs vertus décoratives sans en faire un élément aussi central. Peut-être qu'il est déjà trop tard, que leur dessein est trop avancé pour faire machine arrière, mais la richesse huileuse de cet album en fait de facto un album perfectible.

Mais, bonne nouvelle, CALLING OF LORME, à défaut d'autorité, dispose au moins des clés intéressantes au cœur d'une scène qui n'est pas trop fréquentée. Les influences sont palpables, peut-être trop dans la mesure où elles éclipsent légèrement la personnalité haute en couleur des Marseillais qui disposent, chose rare, d'un concept, d'un visuel et d'une musique vraiment atypique. Alors tout n'est pas parfait, et le contraire serait même effrayant, mais au bout de cette œuvre complexe brille une lumière. D'ailleurs, il parait que le XXIème siècle sera lumineux ou ne sera pas.