TERRA TENEBROSA (se) - The Purging (2013)
Label : Trust No One Recordings
Sortie du Scud : 22 février 2013
Pays : Suède
Genre : Avant Garde Metal
Type : EP
Playtime : 10 Titres - 48 Mins
Après les tunnels, la purge. Le massacre continue en Suède, et la population est réduite à la portion congrue, dérisoire vestige d'une humanité décimée, et hantée par des spectres bien réels à masques grotesques et intentions malveillantes.
L'étau se resserre sur les derniers espoirs, à mesure que le ciel s'assombrit et que les étoiles meurent avant d'avoir brillé. Ca pourrait être avoir été écrit avant hier et ne toujours pas avoir été compris demain. Tel est le sort funeste d'individualités refusant l'évidence et regardant uniquement devant elles.
Pourtant, le Coucou les avait prévenus. Pas de salut dans l'ignorance, point de vertu dans la suffisance. Continuant sa mutation, il évolue inhumainement, apprend a déguiser ses actions pour les rendre imprévisibles, et choque, meurtrit dans la chair, avant de repartir, loin, longtemps, pour mieux revenir.
Car le Coucou s'approprie la terre, son espace, ses rares arpents viciés encore aux mains des autres. Il frappe fort, vite, et ne manque jamais sa cible, quelle qu'elle soit. C'est le plus dangereux prédateur que la terre ait connu, et son cri effrayant résonne à des kilomètres à la ronde, avant de s'abattre sur vous, l'oeil éteint et le faciès dissimulé derrière un masque de haine.
Assez.
Les ex BREACH de TERRA TENEBROSA avaient gravement secoué la planète musicale avec leur premier essai, The Tunnels. Musique novatrice, ambiances travaillées et ténébreuses, arrangements électroniques, utilisation purement instrumentale (ou presque) de l'expression sonore, tous les ingrédients mélangés sur leur séminal et initial LP avaient fait mouche. Les longues harangues lourdes et agressives avaient conquis un public avide de nouveauté dérangeante, et le terme d'avant garde qui leur fut accolé retrouvait grâce à eux ses lettres de noblesse. Car il faut l'avouer, le trio étrange était gravement en avance sur la meute, y compris sur ses propres influences, qui malgré leur indéniable talent, n'avaient jamais accouché d'une oeuvre aussi forte et surprenante.
On parlait de NEUROSIS, de CULT OF LUNA (mais d'une manière péjorative pour ces derniers...), mais aussi proche de la vérité fut on, nous en étions encore très loin.
Et deux ans plus tard, les trois nordiques revenaient dans leur costume pour nous narrer la suite des aventures du fascinant Coucou, avec une trame similaire pour un résultat presque complètement différent.
Nombreux sont les fans de BREACH à n'avoir pas su en reconnaître la pérennité à travers TERRA TENEBROSA. Déçus du décorum, de l'attitude, voire même du groupe live. Ils se sont regroupés dans le giron de THE OLD WIND, le second projet d'anciens BREACH (avec le leader de THE OCEAN), beaucoup plus... pragmatique, osons le terme. Je ne condamnerai pas leur choix, mais j'ai choisi mon camp depuis longtemps. La phénoménale inspiration de l'ex porte parole du Post Hardcore suédois se retrouvait aujourd'hui chez ce Coucou si imprévisible, et The Purging allait appuyer mon affirmation.
Si The Tunnels privilégiait les longues avancées pesantes, les contrastes marqués, si les pistes savaient attendre le bon moment pour déstabiliser et briser la ligne, The Purging ose la frappe frontale, l'efficacité optimale et la violence la plus drue.
Certes, les analogies entre les deux thèses musicales sont nombreuses. Même rythme synthétique heurté et cassant, même symphonie bruitiste en arrière plan, mêmes guitares déviantes et magnétiques. Mais si The Tunnels utilisait l'absence de chant aussi totale qu'un silence d'outre tombe, son successeur ose les incantations malsaines et les répand comme autant d'effluves menaçantes et toxiques. Certains morceaux pourraient avoir été composés à l'époque du premier effort, mais il eut été dommage de les divulguer si tôt. Car le trio en à peine deux années à parcouru tant de terrain que leur musique ne souffre plus d'aucune critique stylistique. Leur formule n'approche plus la perfection, elle l'incarne corps et âme damnée, les deux poings tendu vers le sol.
"The Compression Chamber" ne surprend certes pas. Les reliefs et motifs sont connus, mais restitués avec une précision diabolique. Morceau court et définitivement organique, il place les pièces du puzzle avant l'assemblage.
Il faut en effet attendre le sidérant "Black Pearl In A Crystalline Shell" pour commencer à comprendre à quel point le Coucou et ses deux sbires sont devenus létaux. Mid tempo faussement entraînant, riff presque mémorisable, chant hurlé et traité au paroxysme des moyens disponibles, c'est presque l'hymne du morbide grotesque en soi. Les trois musiciens se permettent tout, et torturent leurs guitares, font passer des borborygmes abjects à travers la cellule du micro, et explosent les basses à grands coups de booster pour lui permettre d'envahir l'espace. Une telle démonstration de puissance (encore ce mot, inévitablement) à l'entame d'un album est un gage de confiance totale en ses moyens, et la suite ne fait que confirmer cet état de fait.
"The Nucleus Turbine" aurait pu être composé par NEUROSIS, à l'époque de Enemy Of The Sun. Mêmes percussions tribales grondantes, même utilisation pertinente et insidieuse des samples, même développement progressif... mais qui ne débouche sur aucune explosion. Là ou Scott Kelly et les siens laissaient la violence éclater après de longues minutes d'introspection névralgique, TERRA TENEBROSA n'offre aucune catharsis, et laisse l'auditeur plongé en lui même, dans une prison dont on ne s'évade pas.
La violence est pourtant bien présente, mais sur la piste suivante, la traumatique "The Purging". Elle prend la forme d'un gigantesque ballet de l'étrange, avec des exhortations vocales réellement glaçantes, une caisse claire qui claque dans les tempes et qui martèle un tempo précis, pour un rendu qui frise pourtant le chaos pur, comme dans les pires moments de The Tunnels ("Guiding The Mist/Terraforming", vous souvenez vous ?).
"Disintegration" termine la curée avec le même nihilisme, la même absence de culpabilité, en injectant une dose de mélodie dans le carnage. Mais le crescendo horrifique abandonne rapidement toute volonté de diluer le message dans le nuancé du langage, et progresse à travers le cerveau comme un virus incurable, avant de jaillir dans la boîte crânienne comme un diable qui rentre dans sa boite. A quelques nuances près, ce final symbolise toute la pertinence de l'option bruitiste du groupe, et nous laisse nous consumer sur les braises de l'épilogue "The Reave", qui comme "The Tunnels" clôt l'aventure d'une manière abrupte, stridente et paralysante.
Fin du second chapitre.
Faisons court je vous prie. The Tunnels était parfait d'une certaine manière. Parfait pour moi, parfait dans son approche novatrice, parfait dans son traitement de la misanthropie sans en avoir l'air.
The Purging l'est aussi, tout en affinant la colère, sans arrondir les angles. Je citais des courants lors de ma chronique précédente. Pour situer, donner quelques repères. Mais ne pensez en aucun cas que TERRA TENEBROSA arpente les chemins tortueux du Post Hardcore, du Black Metal, de l'Industriel ou de l'Ambient. Non, ils suivent leur propre chemin, et vous savez quoi ?
Ils sont peut être le pire cauchemar qu'un esprit humain ait jamais pu imaginer.
Ajouté : Mardi 29 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Terra Tenebrosa Website Hits: 6024
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