EXIST (usa) - Sunlight (2013)
Label : Auto-Production
Sortie du Scud : 1er décembre 2013
Pays : Etats-Unis
Genre : Death Metal progressif
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 56 Mins
Bah voilà, pile au bon moment. Nickel. J'avais envie d'écouter quelque chose de neuf aujourd'hui, et je suis bien tombé. Et pourtant, tout ce qui touche au Death me laisse plus ou moins indifférent. Certes, j'ai adulé à la fin des années 80, début des années 90 tous les ténors du genre, MORBID ANGEL, DEATH, OBITUARY, SUFFOCATION, PESTILENCE, GRAVE, ENTOMBED et j'en oublie des dizaines, mais depuis, j'ai lâché l'affaire. Trop de redite, trop de batteries triggées, et surtout, trop de Deathcore, style que j'abhorre par excellence.
Oui, il faut aérer les gars, aérer, sinon, ça sent le renfermé. Alors, histoire de me réconcilier un peu avec la mort, j'ai adhéré ce soir à l'optique biaisée d'EXIST. Comme ça, sans réfléchir. Mais c'est un bon choix, vous verrez.
Le nom ne vous dit peut être rien. Pourtant, le frontman d'EXIST, Max Phelps n'est pas un inconnu. Il a tourné avec CYNIC, une sacrée référence, et avec la bande du DEATH TO ALL, en hommage à Chuck Schuldiner, guitare et chant. Ca pose les bases. Avec ces précisions, vous déduirez de vous même assez logiquement que le trio mené par Max ne va pas se contenter du minimum syndical et grogner jusqu'à s'arracher le larynx, et vous aurez raison. EXIST, c'est un peu la collision entre le monde éthéré, spatial et paradoxal de CYNIC, l'univers sombre et complexe de MESHUGGAH, et la constellation Jazz mélodique d'Allan Holdsworth. On retrouve le désir d'explorer les humeurs des premiers, la puissance et le décalage des seconds, et les progressions d'accords du troisième.
Une telle combinaison n'a certes rien de novateur, d'autres sont déjà passés par là, mais la dualité musicale d'EXIST rend sa musique fascinante, tant l'ambivalence entre la violence et la douceur est prononcée. Parfois au sein d'un même titre, mais la plupart du temps exprimée sur l'ensemble, avec une opposition très nette de morceaux vraiment rauques, et de segments très harmonieux, qui se rapprochent d'ailleurs du CYNIC le plus apaisé.
Et les parallèles multiples ne sont d'ailleurs pas innocents, tant techniquement le trio US n'a rien à envier à ses glorieux aînés. Mais là où l'avancée est la plus nette - et ce qui permet d'ailleurs concrètement à EXIST... d'exister ! - c'est que Max et ses comparses ont su éviter le piège de la démonstration qui a englué bon nombre de leurs prédécesseurs, mais aussi qu'ils ont su ne retenir de leurs influences que la substance la plus essentielle. Les couleurs pures de CYNIC, les riffs précis et tendus de MESHUGGAH, et les digressions chromatiques les plus inspirées et pertinentes d'Holdsworth. Sur la première partie de l'album, il n'est d'ailleurs pas incongru de penser au DEATH le plus tardif, chapitres Individual Thought Patterns et Symbolic, qui aurait assimilé les attaques chirurgicales d'un Fredrik Thordendal. Imparable et compact, le style EXIST trouve ses marques dès les premières secondes de "Writhe", pamphlet technico-bruitiste funambule. Section rythmique en déséquilibre insistant, guitares volubiles juxtaposant riffs amples et courses évolutives, et chant massif sur plus de quatre minutes, avant que le ciel ne se dégage et que la lumière n'éclaire des volutes de guitares jazzy. Le groupe se lance alors dans une sarabande débridée, tirant sa trame des meilleurs moments progressifs des années 70 (KING CRIMSON, YES, ZAPPA pourquoi pas...), avant de mélanger les deux atmosphères pour obtenir un troisième calque hybride du meilleur effet. Si cette composition se trouvait déjà sur leur premier EP, In Mirrors, elle prend parfaitement sa place dans ce nouveau contexte et se révèle même sous un jour nouveau.
"Self-Inflicted Disguise" suit plus ou moins la même construction, et propose en son centre le genre de pont aérien relaxant qu'affectionne tant Paul Masvidal, avant de reprendre son souffle et de dégager une bourrasque de violence énorme.
"So We Are" prend en traître, avec une intro grondante, juxtaposant quelques lignes de guitares sinueuses et des arrangements sourds et rampants, avant de partir free sur un riff gras et un chant époumoné. Quelques parties vocales claires créent un décalage intéressant, et font de ce titre un des plus concis et percutant, mais aussi le plus court, ce qui aide indéniablement. Même si les parties clean de Max offrent un peu de fraîcheur, il faut admettre que l'homme ne reste pas toujours dans la tonalité, ce qui n'est pas véritablement gênant au demeurant...
Il faut attendre le sublime "Vessel" pour un changement de cap radical. C'est sans conteste la chanson qui se rapproche le plus de CYNIC, tant ses inflexions sont pures et harmonieuses. Plus de sept minutes de relaxation musicale, une exploration mélodique qui emprunte les accents sobres du DREAM THEATER de "Disappear" tout en évoquant même les évolutions les plus introspectives du FLOYD. Un moment de recueillement en douceur qui paradoxalement donne un gros coup de fouet à l'album.
Le groupe finit par tout lâcher sur le monumental épilogue éponyme, qui loin de se contenter de résumer l'affaire, se permet de faire encore plus avancer les choses en proposant du neuf. Les éléments déjà présentés le sont encore certes, mais poussés au paroxysme, comme ces parties de batterie hystériques, ces hurlements dignes du Black le plus haineux, ces riffs encore plus lourds, pour finalement atteindre un climax qui éclaire le reste du disque de rayons balayant les zones d'ombre. Véritable tour de force, autant technique que créatif, "Sunlight" est une tuerie sans nom, qui prouve définitivement qu'EXIST est tout sauf une association de techniciens sans âme. Les trois comparses se permettent même un final sur fond de chant féminin épuré du plus bel effet, juste après une montée en puissance sourde et hypnotique...
Si In Mirrors avait jeté les bases et fait montre du potentiel d'EXIST, Sunlight explose de mille feux et propose une musique riche, dense, qui nécessite de nombreuses écoutes avant de se révéler pleinement. Jamais démonstratif, rarement répétitif, c'est un disque rare, qui transcende la complexité du Jazz en lui offrant l'âpreté du Death, sans tomber dans le piège du déséquilibre, ni occulter les parenthèses décalées. Un vrai effort louable, qui ne cherche ni l'originalité à tout prix, ni le premier prix du conservatoire.
Mais qui le mérite quand même.
Ajouté : Lundi 28 Juillet 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Exist Website Hits: 11614
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