Lorsqu'on fait de la musique et qu'on préfère la colère, il vaut mieux voir le jour du côté de Detroit (quoique maintenant les naissances doivent s'y faire rares...), Brooklyn, du Brésil, de certaines banlieues anglaises, ou, si l'on reste dans notre beau pays, de la région parisienne ou du Nord... Mais on peut aussi répéter à Montpellier et avoir la haine...
Ca vous parait difficile ? Trop de soleil, de possibilité de détente ? Le sud de la France ne serait donc pas région idoine pour répandre des effluves de souffre et de sueur ?
J'ai pourtant un contre exemple flagrant sous la main. Et très probant qui plus est.

Quartette montpelliérain, MORSE à rudement bien choisi son patronyme. On connaît bien ce mammifère marin débonnaire, gras et à la moustache sympathique. Mais on connaît aussi ses attaques soudaines et violentes, ses défenses pointues, et sa lourdeur pachydermique. Animal ambivalent, aussi lourd que dangereux, il symbolise à merveille ce que Beliefs Destroyer cherche à exprimer. Car MORSE, le groupe, bouffe à tous les râteliers Core, mais avec justesse. Et du coup, se glisse dans la peau du nageur gras avec un mimétisme flagrant.

Hard Core Noise. Je ne suis pas contre, c'est plutôt un de mes créneaux de prédilection. Et ça définit assez bien les contours de l'affaire. Car MORSE fait du boucan, beaucoup. Ni Crust, ni D-Beat, et encore moins Grind, assez éloignés des considérations Post Hardcore, les quatre de Montpellier ont opté pour l'option pas vraiment franche du Hard Core moderne et touffu, un peu dans la veine de COILGUNS ou UFOMAMMUTH. Alors ça oscille, ça virevolte, et ça passe d'une rythmique étouffante de lourdeur à des envolées speedcore du meilleur cru, sans jamais s'éparpiller. Ca réveille les morts, c'est mi figue mi raisin, c'est puissant et bordélique, mais sans jamais abuser du n'importe quoi artistique. C'est en tout cas une grosse mandale dans la tronche, compacte, concise et qui laisse de sacrées traces.

Avec seulement trois titres sur neuf qui passent la barre des deux minutes, MORSE joue la carte de l'attaque surprise et rapide, et choisit la bonne option. Evitant ainsi la redite, leurs morceaux gagnent en "surprise", et vous prennent à la gorge sans relâcher l'étreinte. Et pour une fois, l'accroche promo du groupe ne tombe pas dans l'hagiographie déplacée, et trouve les mots justes. "Un Hard Core Noise avec des riffs aussi lourds que l'animal qui a donné le nom au groupe. Des parties rapides, incisives et saccadées comme le code qui a donné le nom au groupe". C'est ainsi. Une description fidèle de ce qui vous attend. Pour vous en persuader, écoutez avant tout autre le titre "Guided By Evil". On démarre avec un Stoner tirant légèrement sur le Sludge, lorsque tout part soudain en vrille sur un tempo instable, avant une reprise finale plus lourde qu'une chape de plomb. Trois minutes de savoir faire, et c'est plié. Mais MORSE, ce sont aussi ces courts morceaux acrobatiques, durant lesquels le batteur se permet à peu près tout, avec l'aide précieuses de guitares acides et abrasives.

Ne manquons pas d'évoquer bien sur le chant si particulier de Jean Marc Garcia, qui vitupère comme un beau diable au milieu de ce maelström, et qui reste un monstre de violence gestuelle on stage. La prod ad hoc respecte la ligne de conduite du groupe, avec un son étouffé, une basse caverneuse et un chant mixé en retrait. Et l'artwork superbe signé View From The Coffin offre au projet la note finale qui le rend difficilement perfectible.

Alors OK, à Montpellier, y'a du soleil. Mais dans les caves, certains soirs, on entend rugir de drôles d'animaux qui préfèrent la pénombre, pour mieux hurler leur opinions, et se montrer tels qu'ils sont. Je ne pensais pas y croiser un MORSE un jour, mais la nature est facétieuse.

Et violente.