SEPULTURA (br) - The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart (2013)
Label : Nuclear Blast
Sortie du Scud : 25 octobre 2013
Pays : Brésil
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 67 Mins
Amusant comme le temps qui passe change la donne. Il y a un peu moins de quinze ans, la sortie d'un nouvel album de SEPULTURA aurait déclenché un véritable tsunami populaire. Après le succès de Roots, le quartette était alors au centre de toutes les attentions, objet d'un véritable culte, et chacun de ses morceaux et apparitions scéniques étaient scruté, décortiqué, analysé et jeté en pâture à des fans toujours plus avides de nouveautés.
Mais comme je lai dit, le temps passe.
Depuis ce succès aussi imprévisible que planétaire, Max est parti, n'a plus adressé la parole à ses anciens amis, à créé SOULFLY, mené sa barque tant bien que mal. Puis Igor à quitté le navire à son tour, laissant Andréas et Paulo Jr seuls à la barre. Pour des décisions et des choix pas toujours heureux, mais toujours honnêtes. Le public a commencé à critiquer les options, les ventes ont chuté et même si les concerts du groupe ont toujours suscité l'enthousiasme, la passion a faiblit.
Les albums se sont enchaînés, souvent créatifs, parfois très osés, mais toujours intéressants. Le métissage entre le Thrash Européen et la culture indienne a laissé place aux parfums orientaux, et la puissance compacte de la rythmique a dérivé vers les heurts du Hard-Core.
Derrick Green s'est imposé comme frontman naturel, Andréas comme garant de la flamme, et la galère a continué de voguer.
Du SEPULTURA new look - bien que l'expression soit ridicule aujourd'hui - on a surtout retenu Nation, mais seulement a posteriori, et Dante XXI, considéré comme le meilleur LP post Max. Mais depuis Against, il faut avouer que l'attente fébrile a depuis longtemps fait place à l'indifférence à peine masquée, et l'attention en demi teinte polie, voire au mépris le plus total. Comme si le groupe n'avait toujours été que le jouet de Max (et de son frère dans une moindre mesure), devenu obsolète depuis son départ. Hors, penser ceci serait faire preuve d'une horrible condescendance envers Andréas et Paulo, qui ont toujours joué avec honnêteté, lucidité, et proposé la meilleure musique qui soit. Mais heureusement, The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart pourrait bien changer cet état de fait. Et ce, malgré un titre à rallonge qui rebute un peu.
Seul le temps saura dire si ce nouvel effort restera dans l'histoire comme le meilleur album de SEPULTURA post Roots. Ce que je peux affirmer ici et aujourd'hui, c'est qu'il est bien supérieur à bien de ses prédécesseurs. Mais aussi à certaines productions contemporaines qui émoustillent tant les médias par leur aspect "neuf et révolutionnaire". Que les morveux se mouchent, le groupe est toujours vivant et le montre d'une bien belle façon.
The Mediator est un album sombre, il faut le préciser. Même dans ses moments de folie pure, il reste dans des tonalités plombées qui n'incitent pas vraiment à festoyer. En témoignent les deux titres d'ouverture, très emprunts de furie Hardcore et d'accélérations foudroyantes, "Trauma Of War" et le poisseux "The Vatican". Le premier, aux riffs acérés comme la lame d'un canif, évoque ces salles des années 80 dans lesquelles se produisaient les combos cultes de l'époque. Aussi dangereuse qu'un pogo non maîtrisé, acide comme un pamphlet virulent balancé la rage aux dents, c'est une ouverture qui colore d'emblée de noir le reste du travail. "The Vatican", à la longue intro emphatique digne des films théologico-horrifiques des années 70 est un modèle de haine déclinée sous toutes les formes possibles. Après un démarrage en force sur un tempo que n'aurait pas renié Paul Bostaph, les contretemps s'accumulent, avant de se vautrer dans un laminage quasi Doom qui domine le reste de la chanson. Glauque, pesant, parfait.
"Impending Doom" garde cette patte pour nous livrer plus de quatre minute de pesanteur suintant la colère, sans se départir de cette analogie Core qui a fait la trademark de SEPULTURA depuis les années 2000.
"Tsunami" appuie encore là où ça fait mal, et livre un hybride de Hardcore malsain moderne et de classissisme Thrash avec un riff pointu et très sauvage (a noter que la guitare d'Andréas sonne tout au long de l'album très crue, ce qui n'est pas étranger à l'ambiance si particulière dégagée par le LP). La basse de Paulo, lourde, claquante, nous rappelle aussi à quel point il a été sous estimé durant tout ce temps. Il est le ciment rythmique qui permet à la batterie de s'autoriser à peu près toutes les libertés, tant ses trouvailles collent parfaitement aux compos.
"Grief" est aussi un des points culminants de l'album. Progressif, etouffant, il prend à la gorge dès les premières secondes, se permet des arrangements étranges, pousse le chant de Green au paroxysme de la catharsis vocale, se tapit sur près de cinq minutes en digressant sur le même thème rampant, avant d'exploser dans une éruption de rage trop longtemps contenue.
Admettons que la participation de Dave Lombardo sur "Obsessed" ne soit qu'un gimmick. Cela n'enlèverait rien à la puissance de ce morceau. Et la reprise finale du "Da Lama Ao Caos" de Chico Science et Nacao Zumbi, chantée en portugais par Andréas n'a rien non plus d'un remplissage de dernière minute. C'est un épilogue teigneux, comme seul ce groupe sait en offrir, sans concession, sans édulcoration.
Dans un désir d'exhaustivité, signalons l'excellente production de Ross Robinson qui a su offrir au quartette un son énorme et brut, à la hauteur de leurs ambitions, et répondant aux exigences de leur musique, et une prestation sans fautes du jeune et nouveau venu Eloy Casagrande, solide et inventif de bout en bout, se permettant même un solo de percutions final véritablement impressionnant.
Avec quatre musiciens aussi affûtés, aussi indépendants dans leur démarche, aussi prompts à laisser parler la sincérité au détriment de la validité commerciale, SEPULTURA perdure, laisse parler ses détracteurs, mais construit une seconde partie d'oeuvre unique et fascinante, qu'il faut aborder l'esprit ouvert, en faisant fi de leur glorieux passé.
Certes Max est parti, nous n'aurons plus jamais de "Desperate Cry" ou de "Inner Self", mais qu'en ferions nous au final ? Quel intérêt pourrait présenter une telle redite quinze ou vingt ans après les faits initiaux? Aucun, je vous le concède.
Il n'empêche que The Mediator Between Head And Hands Must Be The Heart pourrait bien faire revenir dans le giron du groupe pas mal d'anciens fans, tout en en attirant de nouveaux, tant sa férocité et son inventivité offrent le meilleur du passé accommodé à une sauce actuelle inédite. C'est le propre des grands créateurs après tout. De grands moments d'inspirations, et de grands faux pas.
Mais ils tentent, ils vivent, et là même est l'essence de la création. Et de ce point de vue, SEPULTURA est plus vivant et créatif que jamais.
Ajouté : Vendredi 09 Mai 2014 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sepultura Website Hits: 10406
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