YAMANTAKA // SONIC TITAN (ca) - YT // ST (2013)
Label : Suicide Squeeze Records
Sortie du Scud : 16 juillet 2013
Pays : Canada
Genre : Post Rock
Type : EP
Playtime : 7 Titres - 31 Mins
Et si SIOUXSIE AND THE BANSHEES étaient nés au pays du soleil levant ? Pénétrer l’univers de YAMANTAKA // SONIC TITAN revient à se glisser dans cette dimension de tous les possibles, où les frontières du Japon s’étendent jusqu’à Toronto en passant par Londres, où le même fond de teint blanc évoque simultanément rituels satanistes et théâtre Kabuki, où la notion même de groupe rock n’a plus cours ; l’art total ayant fait voler en éclats toute forme de frontières et de catégorisations qui emprisonnent la pensée.
Emmené par deux canadiennes d’origine japonaise ayant fait leurs premières armes en tant qu’étudiantes aux beaux arts, YT//ST se veut un collectif plutôt qu’un groupe. Ayant déjà à son actif un opéra et préparant actuellement un jeu vidéo, ce véritable ovni ne s’interdit aucune forme d’expression artistique. On s’en tiendra pour l’instant au seul aspect musical, qui constitue quand-même le cœur de leur processus créatif.
Sorti en 2011, leur premier EP a reçu un très bel accueil critique en Amérique du nord, au Japon et même en Angleterre. Mais en dépit de commentaires élogieux de la part de SPIN, The Guardian et même MTV (excusez du peu) ce mystérieux objet semble avoir oublié de faire escale dans notre beau pays. Comme tout bon ovni qui se respecte, YT//ST n’a sans doute pas jugé l’homo-franchouillus assez évolué pour comprendre sa forme avancée d’expression. Qu’à cela ne tienne, une réédition sur un nouveau label nous permet aujourd’hui de rattraper notre retard.
Alaska B. et Ruby Kato Artwood, respectivement batteuse et chanteuse, définissent leur musique comme de la « Noh wave », le Noh étant une variante chinoise de l’opéra. Rassurez-vous, il n’est aucunement question de vocalises qui pètent des verres mais plutôt d’un art-rock gorgé de culture et de sonorités asiatiques, puisant ses influences aussi bien dans les mangas que dans la mythologie (Yamantaka étant le nom d’une divinité bouddhiste). Quel rapport avec le Metal me direz-vous ? Et bien outre le fait que les deux fondatrices revendiquent fièrement leur amour pour tout ce qui touche au Black et au Doom, il est loin d’être évident au premier abord. On notera bien une légère tendance d’Alaska B à cogner plus fort que la moyenne des batteuses rock et le recours fréquent à une forme subtile et élaborée de brouillage sonore, mais on reste à des années-lumière des blast-beats en série captés sur un vieux 4 pistes pourri par une bande de psychopathes norvégiens. Et ce n’est pas la douce voix de Ruby qui infléchira la tendance, bien au contraire. Il y a bien un côté grinçant et inquiétant chez YT // ST mais il ne s’exprime qu’en fin d’album, sur le très garage « A Star Over Pureland », crasseux, tribal et hypnotique à souhait mais bien plus travaillé qu’il n’y paraît ; puis sur « Crystal Fortress Over The Sea Of Trees », à peine moins barré et tout aussi chiadé. Le reste de l’album témoignant d’un vrai travail de… titan au niveau des arrangements, est un melting-pot d’influences hétéroclites à l’extrême élégance et aux mélodies sophistiquées mais d’une grande douceur. Il y a là le potentiel pour de vrais tubes touchant un très large public. Il suffit pour s’en convaincre d’écouter « Hoshi Neko », qui avec son chant en japonais et ses accords naïfs au synthé sonne comme un générique idéal de manga et vous reste dans la tête toute la journée. Et il ne serait pas étonnant que les bobos-branchouilles responsables (et parfois coupables) de la programmation musicale du Grand Journal, ne s’emparent du fantastique « Queens » pour en faire la « nouvelle sensation électro-pop-rock-jesaispasdequoijeparle » du moment. Ils laisseront sans doute de côté le sublime « Oak of Guernica », trop planant pour une diffusion sur les ondes et le longuet « Reverse Crystal », seul faux-pas d’un EP sidérant de maîtrise et d’originalité.
Vous l’aurez compris, on n’a pas fini d’entendre parler d’YT//ST. Et ceci d’autant plus que leur premier LP sort le 29 octobre prochain. Après GHOST, voici une nouvelle preuve que le rock sait encore se réinventer et qu’il n’est pas obligatoire de choisir entre artistes de niche, trop abstraits pour le commun des mortels et « entertainers » sans âme ni profondeur.
Ajouté : Dimanche 15 Septembre 2013 Chroniqueur : Cyco_Nico Score : Lien en relation: Yamantaka // Sonic Titan Website Hits: 6306
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