LOCRIAN (usa) - Return To Annihilation (2013)
Label : Relapse Records
Sortie du Scud : 25 juin 2013
Pays : Etats-Unis
Genre : Noise Atmosphérique
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 51 Mins
Il eut été difficile pour un label comme Relapse, qui n’a de cesse depuis sa création de repousser les limites de la création musicale, de passer à côté d’un groupe aussi atypique et expérimental que LOCRIAN. Agitant la scène US Noisy ambiant depuis 2009, et avec cinq albums à son actif, le trio n’a plus rien à prouver depuis longtemps, et se contente de faire son job, de mieux en mieux.
Et après une première signature célébrée comme il se doit avec l’énorme double The Clearing/The Final Epoch qui résonne encore de ses échos funèbres, LOCRIAN entérine son contrat avec un nouvel effort cet année, judicieusement intitulé Return To Annihilation.
Je parle de Noise Ambiant pour planter le décor ne vous y trompez pas. Car la musique de ces trois musiciens/bruiteurs/arrangeurs de Chicago est bien plus que ça, elle est beaucoup trop riche et complexe pour se contenter d’une vulgaire étiquette apposée à la hâte. Elle est viscérale, vitale, et apte à se poser comme épitaphe des espoirs que nous aurions pu placer en l’humanité. Elle décrit un cycle, celui de la vie, que l’être humain observe avec toujours plus de crainte, se demandant quand viendra son tour de laisser sa place.
Et si tout débute par le déchirant et effrayant « Eternal Return », ça n’est pas par hasard. Les américains ont voulu la démonstration claire, et on de suite adopté un ton grave, emphatique, qui pèse sur l’âme comme le poids d’une direction salvatrice que nous n’aurons pas su prendre.
Guitares acides en avant, frappe qui cogne les murs et rebondit, hurlements lointains, tout est en place pour le carnaval de la déchéance, et la séance de thérapie réaliste peut commencer.
Et comme toute boucle représentative, le schéma enchaîne sur une longue digression de plus de huit minutes, durant lesquelles des guitares cristallines et discrètes ondulent sur un rythme tribal répété à l’envi, tout juste agrémenté de quelques effets sonores qui tournoient sans jamais envahir l’espace sonore. Quelques rares variations de percussions, pour une vraie pièce méditative qui peut autant captiver que rebuter. Mais il serait dommage d’occulter les six premières minutes, au risque de manquer ce final gigantesque, lorsque la machine instrumentale classique se met en route et avale tout sur son passage. Rappelant les travaux les plus perturbants de NEUROSIS ou ISIS, irritant, déstabilisant, le trio fait clairement comprendre avec « A Visitation From the Wrath of Heaven » que rien ne sera facile, et que l’environnement sera intentionnellement hostile.
« Two Moons » se pose en havre de paix, dilue le propos et entremêle le Post Rock et l’électronique sur un canevas analogique. Quatre minutes de régularité harmonique, et souffle indispensable pour la suite du voyage. On peut prendre ça en tant qu’intermède, mais la force de la subtilité mélodique en fait un titre à part entière. Le travail de sape reprend sur le morceau éponyme, qui pendant près de sept minutes s’autorise à peu près tout, des chœurs décharnés à la basse subsonique, en passant par des guitares atonales et grondantes, longues plaintes hurlées au-delà de toute humanité, harmonies discordantes, pour un épilogue Janovien qui fait froid dans le dos.
Et comme après chaque avertissement sur ce LP, vient une progression douce, contrepartie obligatoire d’une saillie carnassière. « Exiting the Hall of Vapor and Light » est donc basé sur la même structure initiale que « A Visitation From the Wrath of Heaven », sans pour autant lui emprunter le même aspect statique.
« Panorama of Mirrors » nous offre le kaléidoscope de notre propre déchéance, et déverse un torrent de bile, de haine, de violence, que la plus grande tolérance aura bien du mal à contenir. Les influences COIL, ISIS percutent de plein fouet les brouets sonores d’ABRUPTUM avec une rare violence, et nous projettent loin dans le temps, en spectateurs d’une fin inéluctable annoncée depuis des années.
Et cette fameuse fin, LOCRIAN nous la dépeint avec minutie, tout au long du progressif et hypnotique « Obsolete Elegies », qui tout en gardant son identité propre, se permet d’être allusif et de convier au banquet de la désolation les spectres du Doom, du Néo Folk, de l’Indus et de l’Ambiant. Quinze minutes de conclusion qui pourtant passent comme dans un cauchemar/rêve, et qui ponctuent la volonté déterminée du trio d’un point final amer. Et si la quasi-totalité de ce morceau épique laisse place aux nuances, ses trois dernières minutes se vautrent dans un Black aux harmonies sombres et à la vélocité infernale, comme si aucune place ne devait être laissée au doute, avant de revenir aux lancinances striées d’écorchures vocales, qui relancent une dernière fois la puissance des guitares.
Dans la plus pure continuité de ses travaux précédents, les musiciens de LOCRIAN développent une formule éprouvée qu’ils maîtrisent à merveille, et continuent d’en explorer les moindres recoins. Si leur musique peut rebuter la majorité d’entre vous, si les non initiés trouveront leurs expériences roboratives, les fans de musique « complète/concrète » sauront discerner les détails, apprécier la mise en scène, et se régaler d’une interprétation hors norme et d’arrangements parfaits.
Avec Return To Annihilation, LOCRIAN ajoute une pierre de taille à son édifice qui commence à culminer à des hauteurs impressionnantes, et qui pourtant semble continuer de défier le ciel. La construction par la destruction, l’amour par l’acceptation de la haine, la paix par l’assimilation de la violence.
Quelle autre porte de sortie pouvons nous attendre que celle d’admettre ce que nous sommes ?
Ajouté : Mercredi 28 Août 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Locrian Website Hits: 6382
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