SEMANTIK PUNK (pl) - Abcdefghijklmnoprstuwxyz (2013)
Label : Lado ABC
Sortie du Scud : 4 février 2013
Pays : Pologne
Genre : Post Mathcore
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 47 Mins
De Pologne viendra donc le salut ?
Et sur cette entame à l’emporte-pièce repose toute cette chronique ? Peut être…
On a toujours eu tendance à négliger l’apport des pays de l’Est en ce qui concerne les musiques amplifiées. Le même genre de condescendance dont on faisait preuve à l’égard du Japon dans les années 80, et qui est maintenant devenue injustifiée.
Certes, l’ex bloc de l’Est a surtout déployé ses forces sur des terrains dits « classiques ». Et on ne compte plus les formations Death, Grind, qui repoussent sans cesse les limites du bruit et de l’inaudible furieux. Les micro labels ont bourgeonné comme les vilains boutons sur la face d’un Geek en transition d’âge, et le marché a été envahi de sons incompréhensibles, répandus par des musiciens avides d’extrême, même non contrôlé.
Est-ce ou non un bon choix…
Comment répondre à cette question ?
Peut être en écoutant cet album.
SEMANTIK PUNK nous vient donc de Pologne, et nous narre ses vues expérimentales au travers de ce premier album, sobrement intitulé ABCDEFGHIJKLMNOPRSTUWXYZ. Mais ne vous fiez pas au raccourci de style emprunté lors de la présentation.
Certes, la musique développée à bien des points communs avec le Mathcore, le Post Hardcore voire le Hardcore originel, mais elle est jouée avec une telle intensité et un tel décalage que tout raccourci justement devient terriblement réducteur.
Un peu à la manière d’un M.BUNGLE ou d’un FANTOMAS dans son refus de toute convention de structure, le quartette expose ses idées à l’avenant, tout en gardant la main mise sur une interprétation qui – si elle semble parfois approximative – n’en reste pas moins un modèle de calcul spontané.
Du mal à suivre ?
Je comprends.
Faisons simple. Tous les ingrédients sont là. Le chant hystérique hurlé, la rythmique au centre de gravité si haut qu’elle peut se permettre toutes les envolées bancales, les guitares abrasives et acides, le tout brassant une myriade d’influences avec un panache non feint pour aboutir à une synthèse étrange et incroyablement personnelle.
Intrinsèquement, les morceaux font parfois penser, la plupart du temps même, à du CANDIRIA sous peyotl. Du CONVERGE débridé et décomplexé. Du DILLINGER sauvage, aux structures encore plus heurtées que sur leur séminal EP.
Sans pour autant afficher un découpage clair, il faut assimiler ABCDEFGHIJKLMNOPRSTUWXYZ en tant que diptyque. La première partie de l’album consiste en neuf titres concis, tournant autour du même thème, la déconstruction la plus totale.
Très homogène, ce premier chapitre tourne autour d’un rythme bancal, heurté, mettant en exergue un chant réellement écorché, soutenu par des guitares tournoyantes, dont les riffs roublards n’ont de cesse de vous déstabiliser.
Et si l’on met de côté (ce qu’il convient de faire) l’intro inquiétante, suintant le Jazzcore minimaliste le plus louche, et le premier morceau éponyme, qui joue à l’équilibriste fin saoul, avec ses accroches de caisse claire hésitantes, les sept titres suivants répètent la même recette à l’envi, sans jamais utiliser le copier/coller le plus élémentaire.
Et si parfois, certains riffs semblent s’attarder à reproduire un semblant de mesure (« Trzepak Drapak », le plus CANDIRIA du lot), si parfois la basse permet au navire d’arriver tant bien que mal à bon port (« Y Dopatrzenia », rempli de trouvailles rythmiques époustouflantes), et si parfois l’atmosphère étouffante et pourtant cristalline est privilégiée (« Nic Po Mnie » qui évoque les instants transitoires de DEP sur leurs derniers efforts), le tout est cimenté, calfeutré, colmaté pour ne laisser échapper aucun souffle, qui vous permettrait de reprendre le votre.
Et ceci jusqu’à l’accroche finale, le dantesque « Untitled », sur lequel le combo s’autorise à peu près tout l’espace de vingt trois minutes et quelques. Et puisque ce final occupe à lui seul la moitié de l’album, il faut bien en parler.
Il ne s’agit ni plus ni moins que d’une montée de guitares carillonnantes, venues du lointain, et y repartant de plus belle. Sur un mode mineur dissonant, celles-ci se contentent de répéter un leitmotiv intrigant, hypnotique, avec des sonorités NAPALM DEATH indéniables, le tout pendant plus de vingt minutes, sans variations, sans changement, le plus sérieusement du monde.
Et – à posteriori – en replaçant ce morceau de clôture parmi les autres, on en vient à repenser à la vague No Wave New Yorkaise de la fin des années 70/début des années 80, initié par Brian Eno via sa compilation No New York, sur laquelle on retrouvait les terroristes James Chance and the Contortions, DNA, Mars, et Teenage Jesus and the Jerks, et bien sur ce festival unique de 1981, le Noise Fest, durant lequel les SONIC YOUTH avaient joué pour la première fois.
Cette vague No Wave qui refusait les conventions et l’harmonie trouve donc écho en 2013, grâce aux Polonais de SEMANTIK PUNK, qui, sous couvert d’une éthique DIY leur permettant d’aller au bout de leurs envies, recycle des recettes trentenaires en les accommodant à leur sauce, bien relevée.
Beaucoup ne trouveront pas leur compte ici, tout comme les néophytes s’étant un jour jetés sur les œuvres de Glenn BRANCA ou Lydia LUNCH, ou même DARK DAY, mais l’intelligence des Polonais est d’avoir dilué leur anticonformisme dans une bonne dose de puissance apte à faire passer la pilule de la dissonance plus facilement.
En résulte donc un album qui explore toutes les facettes Punk modernes, du refus des structures posées aux sonorités dérangeantes et irritantes, mais qui pérennise l’héritage bruitiste des années 80 en l’intégrant au paysage sonore des années 2000.
On peut adorer (ce qui est mon cas, et j’espère le votre après écoute), on peut détester, mais on ne peut en aucun cas en nier la créativité.
Ajouté : Mardi 27 Août 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Semantik Punk Website Hits: 10340
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