6:33 & ARNO STROBL (FRA) - The Stench From The Swelling [A True Story] (2013)
Label : Season Of Mist
Sortie du Scud : 26 avril 2013
Pays : France
Genre : Metal Expérimental
Type : Album
Playtime : 7 Titres - 50 Mins
Accouplez deux entités « normales », attendez l’accouchement, et avec un peu de chance – et de bonnes manières – vous obtiendrez une engeance polie, accomplie, et prête à accomplir de grands desseins.
Mettez deux flingués notoires dans la même pièce, sans capotes, avec en fond visuel un vieux film allemand avec beaucoup d’insultes, et la progéniture dès ses cinq ans dézinguera à tout va et crachera sur la bienséance.
Préambule péremptoire ?
Non, loin s’en faut. Et les exemples sont légion. Mike Patton & Buzz Osborne, Mike Patton & DILLINGER ESCAPE PLAN, John Zorn & Mick Harris, It & All, Bowie & Iggy, j’en passe et des plus sombres. C’est une question de gènes sans doute. Pas de question à se poser sur la viabilité d’un projet, on associe des idées à priori contradictoires et on fonce. Mais on fonce intelligemment. Sinon, c’est rapidement le chaos, l’horreur, et les décibels ne sont plus là que pour cacher la pauvreté créative de l’ensemble.
Mais aujourd’hui, festoyons, car tel n’est pas le cas.
Certes, avec d’un côté Arno Strobl, des allumés CARNIVAL IN COAL, et de l’autre les 6:33 responsables d’un Orphans Of Good Manners décrit dans ces colonnes et qui m’avait laissé sur le cul, il ne fallait pas s’attendre à un petit truc tranquille, genre « gentil délire entre potes ».
Hey, mise au point. Arno et les 6:33, c’est pas les Bisounours ni les Télétubbies. Alors, on s’assoit, on écoute, et on se tait. Mais il est effectivement humain d’avoir quelques suées avant de glisser l’objet en question dans son lecteur. On pourrait effectivement craindre la blague de potache, celle qui tâche les murs, mais non, décidemment non. Et ça confirme le pedigree des gus. Ils sont dingues, certes, mais lucides et doués. Certainement parmi les plus doués de leur génération d’ailleurs.
Je parlais de Patton plus haut, et il est en effet impossible de ne pas le nommer dans le cadre du projet The Stench From The Swelling [A True Story], parce que son fantôme plane en plus d’une occasion au dessus des compositions de cet album. Le Patton de FAITH NO MORE bien sur, mais aussi celui de TOMAHAWK, FANTOMAS, et même le roublard qui a déconstruit la déconstruction même avec Ben et les DEP. La voix d’Arno – avec celle de Rorschach en contrepoint bien sur – louvoie, s’immisce, se la joue crooner, pervers, psychopathe, rentre par la fenêtre et ressort par la porte en ayant bien pris soin de vous séduire, puis de vous flanquer la trouille de votre misérable vie.
The Stench From The Swelling [A True Story], c’est l’auberge espagnole du Metal "extreme". C’est électronique bien sur, mais aussi organique, fou, orgiaque, jouissif, terrifiant, le choc frontal entre deux conceptions de la liberté artistique. Une façon de prouver avec panache qu’on peut vivre sa musique et en vivre, sans pour autant accepter les codes inhérents au biz’, mais sans se foutre de la gueule du monde.
Ainsi, le groove infectieux teinté d’accélérations bruitistes et d’arrangements discoïdes de « (I Should Have Known) Her Name Was Boogie » séduira les fans de DIABLO SWING ORCHESTRA et de Devin TOWNSEND. Putain d’entrée en matière !! Ca pue le poumon artificiel du putois de Tex Avery à plein nez, et pourtant, on se complait à suffoquer…
Cartoon de l’impossible, The Stench joue sur tous les tableaux, et les agrémente en plus de petites touches de couleur vicieuses. En évoquant Townsend, je pourrais aussi lui juxtaposer l’impensable « Burn-In », qui n’aurait pas dépareillé sur Infinity aux côtés de « Bad Devil ». Mais si Devin reste souvent en terrain balisé, Arno et ses potes n’hésitent pas à franchir la frontière qui sépare l’absurde du sublime, comme cette guitare espagnole sortie de nulle part, et ces chœurs presque enfantins qui font planer le tout à des hauteurs incroyables.
Planer ? Le terme est juste, mais comme le disait Kassovitz dans La Haine, « Peu importe la chute, c’est l’atterrissage qui compte ».
Alors, on se la joue séducteur sur « I Like It » qui suinte Broadway et Las Vegas à cent bornes. Encore une fois, Patton – celui de « Just A Man », « Evidence » ou « Edge Of The World » – vient frapper à la porte pour nous vendre ses bonbons enveloppés dans son slip. C’est évident, mais encore fallait il le faire…Parce que c’est terriblement bien fait !
Et si le titre éponyme s’autorise toutes les exactions (stupre initial à la JESUS ON EXTASY, ambiance plombée et mélodico-malsaine dans la grande tradition de CIC, éclairages luxuriants mais ambivalents dignes de FAITH NO MORE, accélérations Black/Grind, etc….), que dire du diptyque final « Giggles, Garlands & Gallows » et son abracadabrante histoire d’affrontements de clowns cocus, de nains et de femme à barbe…
Vingt minutes de grand n’importe quoi ficelé comme un rôti, durant lesquelles les deux parties s’en donnent à cœur joie, mixant les chansons d’amour branques, les passages électro-technoïdes, les plombages Heavy/Grind, la tradition Métal la plus 80’s, la fusion, autant de courants sur lesquels Arno s’amuse à incarner une multitude de rôles en restant en tous points crédible…Il surfe sur toutes les vagues, garde l’équilibre, et c’est d’ailleurs certainement le maître mot de toute cette entreprise un peu folle.
L’équilibre.
Car en effet, pour marcher sur un fil de soie tendu entre deux immeubles ne faisant pas la même hauteur, il faut en avoir de l’équilibre. Parce que sinon, c’est la chute inévitable. Et la chute, en musique et dans un pareil contexte, c’est le grand n’importe quoi, l’esbroufe à tout va, l’écran de fumée étouffant qui cache le néant.
Mais Arno et les 6:33 sont beaucoup trop intelligents pour tomber dans un piège aussi grossier.
Et surtout, ils aiment ce qu’ils font, aiment la musique, et s’amusent à la désassembler pour découvrir des sons nouveaux, une autre approche, moins conventionnelle, mais tout aussi fédératrice, pour peu que l’on fasse l’effort de s’y intéresser. Pour beaucoup, The Stench From The Swelling [A True Story] restera pour toujours du grand n’importe quoi, comme les oeuvres des deux entités rassemblées ici. Pour d’autres, la confirmation de la qualité du EP sorti il y a quelques mois, agrémentés de quelques inédits indispensables, comme les oeuvres des deux entités rassemblées ici.
Alors choisissez votre camp, rentrez dans la pièce, mettez une capote et allez vous faire mettre.
Ajouté : Mercredi 19 Juin 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: 633 & Arno Strobl Website Hits: 9694
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