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SOILWORK (se) - The Living Infinite (2013)






Label : Nuclear Blast Records
Sortie du Scud : 1er mars 2013
Pays : Suède
Genre : Death Metal Mélodique
Type : Album
Playtime : 20 Titres - 84 Mins





Inutile de vous refaire une biographie de SOILWORK, ni même un historique du genre, dignes d'articles tirés de Wikipédia. Il sera juste bon de préciser que, depuis que le groupe a compris que la qualité primait sur la quantité, et s'octroie des périodes de trois ans au lieu de sortir un album chaque année, comme à leurs débuts, ce sont des Suédois nouveaux qui portent l'étendard des travailleurs. Malgré une marche de transition un peu loupée (Sworn To A Great Divide), ils étaient parvenus à ramener pas mal de fraicheur avec The Panic Broadcast, en 2008 ; un succès en partie mis sur le dos de Peter Wichers. A tort, car en dépit de son nouveau désistement, The Living Infinite propulse les capacités du sextet bien plus loin, affichant une formation clairement arrivée à maturation, prouvant sans conteste la réussite d'une orientation vers un Death Mélodique moderne ingénieux, sensé, et extrêmement aguicheur.

A l'instar de son artwork splendide, tout en sobriété de symboles complexes dans le détail, ce double-disque est une réussite absolue, à tous les niveaux. Une œuvre terriblement soignée et grouillant d'une maîtrise artistique réfléchie, reflet de l'essor créatif exceptionnel qui eut émané de chacun des membres. Tous ont mis la main à la pâte, qu'il s'agisse de l'écriture des compositions ou bien des paroles, et ce melting-pot de personnalités s'entremêle parfaitement sur ce nouvel album. Tel l'océan, dont il tire son nom, The Living Infinite s'épanche en une étendue démesurée de vingt pistes, et s'appréhende comme une entité vivante quatre-vingt-cinq minutes durant. S'écoulant d'une plage à l'autre, les disques se meuvent au gré des houles et marées, souvent emportés en ondes et déferlantes qui entraînent l'auditeur sur des rivages musicaux vierges, et considérablement variés. Le groupe ne remploie jamais les mêmes artifices de structures, ni d'agencements, rendant ainsi chaque piste vraiment différente. En fait, les Suédois ne se contentent tout simplement plus de balancer des refrains qui font mouche, en brodant comme ils peuvent autour, handicapant d'office certains morceaux qui n'ont rien d'intéressant en plus. Désormais, ils bâtissent les compositions dans leur entièreté, laissant transparaître leur génie que l'on soit sur un couplet, un refrain, ou même un simple riff de transition ; ce qui leur octroie davantage d'opportunités pour concevoir et surprendre. Un exploit pour ce genre considéré comme un des plus faciles du Metal actuellement.

La production est, bien entendu, éblouissante, et permet à l'atmosphère générale de l'album de se perpétuer au travers de ses mélodies envoûtantes. Comme se plaisent à l'asseoir les deux pistes éponymes, cette ambiance d'esthète est construite de somptueux leads, emprunts d'une certaine mélopée, sans pour autant basculer automatiquement dans le Death Mélodique atmosphérique finlandais, comme l'ont fait les voisins d'OMNIUM GATHERUM (« The Living Infinite II »). En prime de ces riffs enivrants, ce sont les solos harmonisés qui finissent d'élever les compositions. Que ce soit Sylvain Coudret, ou David Andersson, les deux exposent une maestria phénoménale (« Rise Above The Sentiment »), et à trois reprises s'échangent les lignes le temps d'un double solo, comme celui issu du pont sensationnel de « Tongue ». On notera le doigté plus épique du Suédois. Cet ensemble de cordes mélodiques trouve son soutien dans la présence des claviers de Sven Karlsson, étonnamment très discrets. Pourtant toujours présents en larges nappes voyageuses, il suffit de se concentrer un tantinet pour appréhender le travail d'harmonisation d'orfèvre qu'ils installent pour octroyer sa richesse à l'album. Généralement dans la tonalité des guitares, ils s'ornent de quelques grains d'acoustique, de piano, et tirades au violoncelle pour parfaire ces épopées surréelles.

L'autre facteur déterminant de la puissance évocatrice de l'album, c'est la construction imparable des lignes vocales de Björn Strid. Il n'y a aucune règle de couplets extrêmes et refrains clairs qui tienne ; parfois ce sont juste des bouts de phrases d'une sorte, d'autres un morceau entier, d'autres encore sont irrégulières. Björn a posé sa voix au ressenti, assurant des refrains majestueux de par un growl éminent (« The Living Infinite I »), et une voix cristalline enjôleuse sur la pseudo-ballade « Antidotes In Passing » qui, malgré son élégie initiale entre acoustique et claviers endeuillés, part très vite sur des scissions agitées. Sur cet album, la multiplicité vocale atteint des sommets ; jamais les agencements vocaux ne sont similaires sur les vingt pistes. Pour ce qui est des voix extrêmes, elles sont nuancées sur presqu'une dizaine de niveaux, d'éructations saisissantes à un growl tiré des entrailles monstrueuses du frontman, en passant par la voix éreintée, le semi-hurlé classique mais ravageur sur les tempos fébriles, les vocaux plus mordants, ou ceux davantage diffus, ainsi que les nombreux overdubs en ombrage du chant clair. Ce dernier affiche tout autant de tonalités, allant des refrains ultra-mélodiques, presque Pop, aux tirades savoureusement catchy, jonglant avec des passages clairs parlés, et d'autres plus plaintifs - sans être niais - ou bien plus burnés. Et j'en passe. Une réelle mosaïque vocale qui fait que Strid donne à chaque composition une saveur singulière différente. Qui plus est, « The Windswept Mercy » voit la participation de Justin Sullivan (NEW MODEL ARMY) qui s'ajoute à la palette de subtiles couleurs vocales qui définit l'œuvre.

Et pour l'accompagner, et magnifier l'impact de ce chant kaléidoscopique, la volubilité de la rythmique est de mise, au travers de structures formidablement dynamiques, des cadences aguerries et nombre de plans inventifs, même sur les titres les plus directs tels que l'accablant « Let The First Wave Rise ». Dirk Verbeuren a assurément eu toute la liberté nécessaire pour laisser sa folie se dévergonder, se plaçant ainsi sur tous les fronts pour offrir un jeu d'une rare variété pour le genre. Au détour de « Leech », sa batterie implacable bastonne les riffs carrés, et siège sur une rythmique juste et ténue, très réfléchie dans ses changements de tons aux moments opportuns. Ses tempos ultra-vitaminés et évolutifs donnent des allures progressives à des pistes comme « Vesta », avec son intro Western et sa prolongation tendue en un Death Mélodique haut de gamme. C'est évidemment sans compter le travail titanesque apporté pour diversifier le riffing et proposer des jeux de guitares opulents, tout en étant accrocheurs. Ainsi, même lorsque l'emphase est sur les refrains, les riffs mélodiques se déversent sans discontinuer en un fond diffus qui recèle une écriture suffisamment minutieuse pour allouer toute leur profusion et saveur aux morceaux. Comme exemple, « Realm Of The Wasted » pourrait se développer infiniment tant il surprend sans cesse de son incroyable créativité, même lorsque l'on pense l'avoir cerné. Les six cordes rythmiques sont groovy et impressionnantes, explosant dans les viscères d'une basse d'horloger, guidée d'une main martiale par un Ola Flink qui hypnotise de sa maîtrise (« Memories Confined »), et s'épanche à merveille sur le second disque.

Quid de l'intérêt d'avoir fait de The Living Infinite un double album ? Précisons d'emblée qu'il a bel et bien été travaillé comme tel, et non comme une simple excuse paresseuse de faire du remplissage. Alors que certains groupes se servent de cette opportunité pour proposer deux facettes différentes de leur propre musique (MOONSPELL, BLACK SUN AEON,…), SOILWORK s'inscrit davantage dans la continuité d'un même ensemble. D'aucuns diront que le premier disque est plus mélodique, et le second plus sombre - impression pérennisée par l'ouverture et l'instrumentale « Loyal Shadow », deux pistes très lourdes où la basse jubile. Ce n'est pas totalement faux. Le fait étant que le disque 1 est davantage constitué de hits instantanés - « Spectrum Of Eternity » en est le parfait exemple, marquant directement l'auditeur - sans pour autant être pauvres en écriture, à l'image du fourmillant « This Momentary Bliss ». De son côté, le disque 2, bien qu'il ait également son pesant de guitares entêtantes (« Parasite Blues »), arpente davantage les sentiers de la créativité comme le montrent « Long Live The Misanthrope », assurément un des plus gros tubes du groupe avec son tempo infernal et son riffing incroyable, ou encore « Drowning With Silence », qui prend totalement vie entre nos oreilles, évoluant entre de nombreux états cohérents et saisissants. Le découpage a donc été fait très judicieusement puisque les deux supports possèdent leurs différences tout en conservant la même optique, et vont jusqu'à lorgner vers un semblant de symétrie avec les deux plages finales, surprenantes d'inventivité, que sont « Whispers And Lights » et « Owls Predict, Oracles Stand Guard ». Toutes deux s'exposent en pied-de-nez de leurs disques, accalmies low-tempo des déferlantes des neuf pistes précédentes et s'abattent avec une puissance retenue pachydermique. C'est clairement une autre facette de SOILWORK qui voit le jour, une démarche plus progressive dans la veine de KHONSU, où scissions Death carnassières et alternances rythmiques schizophréniques s'invitent sans prévenir. Que d'idées géniales à travers ces expérimentations. Finalement, mon seul reproche parmi cette quantité hallucinante de titres de haute volée, aurait été de placer « Entering Aeons » en intro globale, puisqu'elle en a la teneur et que la deuxième partie de l'album possède déjà une piste instrumentale.

SOILWORK est un grand groupe, de ceux qui savent encore surprendre alors qu'on les pensait condamnés à la médiocrité. Sur The Living Infinite, les Suédois surpassent des codes qu'aucune formation n'avait jamais vraiment réussi, ni même tenté, de dépasser. Tout en conservant un apparat accessible à leur musique, ils parviennent à proposer un ensemble puissant, riche et unique, qui s'écoule sans lasser. On ne peut clairement en dire autant de tous les groupes. IN FLAMES, par exemple, qui étaient pionniers de ce style qui a inspiré leurs confrères, auraient clairement des leçons à tirer de cette renaissance au lieu de subir les mouvances, et de mal vieillir. Désormais, SOILWORK ne peuvent plus être considérés comme des seconds couteaux ; ce nouvel album fait d'eux une entité majeure, définissant à leur tour un standard dans l'histoire du genre. Et, comme ce fut le cas avec l'uppercut The Panic Broadcast, ils devront probablement aborder une approche musicale sensiblement différente s'ils veulent un jour égaler The Living Infinite. Chef d'œuvre, et paroxysme certain, qui les place très loin au-dessus de toute concurrence actuelle. Ce n'est pas la note maximale de la perfection, ni du fanboyisme aveugle, ni même de l'exagération - ou que sais-je d'autre - que j'attribue ici. C'est la valorisation méritée d'un album complet et accompli sur tous les points ; un travail prodigieux et royalement achevé.



Ajouté :  Mercredi 15 Mai 2013
Chroniqueur :  CyberIF.
Score :
Lien en relation:  Soilwork Website
Hits: 12294
  
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