L'an dernier, Timo Tolkki lançait un nouveau projet sur le site de Pledge Music, qui permet aux internautes de financer les artistes de leur choix jusqu'à la sortie d'un cd. Alors que les 120% du total nécessaire étaient dépassés, Timo abandonnait, avouant qu'une nouvelle opportunité s'était présentée, qu'il ne pouvait pas refuser. La voici cette opportunité, un deal avec Frontiers Records pour un Metal opéra entièrement pensé par l'ancien guitariste de STRATOVARIUS, et enregistré avec une pléiade de voix illustres : Michael Kiske (UNISONIC, ex-HELLOWEEN), Russel Allen (SYMPHONY X), Sharon Den Adel (WITHIN TEMPTATION) mais aussi Elise Ryd d'AMARANTHE et Toni Kakko de SONATA ARCTICA. Avec Timo à la guitare et à la basse, Alex Holzwarth (RHAPSODY OF FIRE) à la batterie, et Jens Johansson (STRATOVARIUS), MIKO HÄRKIN (ex-SONATA ARCTICA) et Derek Sheridian (ex-DREAM THEATER, BLACK COUNTRY COMMUNION) se partageant les parties de clavier, la distribution est plutôt réussie et cohérente.
Quand on parle de Metal opéra, on pense évidemment au plus fameux, AVANTASIA, auquel Timo Tolkki a d'ailleurs contribué au tout début, mais aussi à une brochette de disques plus ou moins foireux, ayant sombré dans l'oubli, malgré un casting de stars au moins équivalent à celui proposé sur ce The Land of New Hope. On pense à Aina de Sascha Paeth ou la série des Genius de Daniele Liverani. On est d'autant plus en droit de se poser des questions, que depuis son départ de STRATOVARIUS, Tolkki a beaucoup galéré, accumulant les déceptions : REVOLUTION RENAISSANCE a fini en eau de boudin et SYMFONIA n'a été qu'un feu de paille. Entre déclarations maladroites, multiples changements d'humeur et épisodes maniaco-dépressifs, Timo a beaucoup détruit, et s'est créé une réputation désastreuse, mais tente de retrouver la lumière avec ce cd dont on n'attend pas des masses, mais qui a le potentiel d'une bonne surprise.
Le concept de cet album repose sur un poncif de la science-fiction. La planète a été ravagée par des catastrophes naturelles en séries, et quelques survivants guidés par un puissant oracle, partent en quête du The Land of New Hope, duquel seul un aventurier au cœur pur pourra ouvrir les portes. On est à mi-chemin entre Le jour d'après et Indiana Jones : la dernière croisade, et si on devait s'arrêter au synopsis, on ne donnerait pas cher de la peau du gros Timo, qui n'aurait pas passé la première épreuve (rappelez-vous, le pénitent). La pochette est à peine plus engageante, on notera simplement que la fleur de lys, qui lui est si chère et qui a orné si longtemps les visuels de STRATOVARIUS, avant de seoir sur les logos de REVOLUTION RENAISSANCE et SYMFONIA, est bien là. Souvenons-nous tout de même que le thème de la fin du monde avait déjà été abordé sur Visions en 1997, basé sur les prédictions de Nostradamus...
Côté musique, ne vous attendez pas à de la double-pédale à gogo et à des soli à la pelle. Si les premières mesures du disque sont assez speed ("Avalanche Anthem"), l'ensemble est bien plus posé, et alterne entre le Hard Rock et un Metal assez soft, très accessible. La démonstration instrumentale n'est pas à l'ordre du jour, c'est plutôt la panoplie de voix qui est mise en avant, avec Elize Ryd, très demandée depuis l'avènement de son groupe AMARANTHE (on la trouve notamment sur scène et sur cd avec KAMELOT) se taillant la part du lion. La soprane, par ailleurs compatriote de Tolkki, réussit de belles prestations et amène beaucoup de fraîcheur à un line-up qui ne manque pas de testostérone. Lui qui n'a jamais nié affectionner les voix féminines (on se souvient... ou pas... de Saana, Warrior of Light), offre à Sharon Del Adel quelques titres, dont la jolie balade "I'll Sing You Home" en entier.
On peut parfois trouver trois guests sur chaque piste, et on est surpris de la complémentarité qu'ils affichent. Timo tire le meilleur parti chaque voix, et des registres de chacun, y compris sur les chœurs, très soignés. Il connaît la voix de Michael Kiske depuis Hymn To Life, son deuxième album solo (il chantait sur "Key To The Universe"), et lui laisse plusieurs morceaux sont le "The Land of New Hope" final. S'il n'a plus l'organe cristallin de ses débuts, l'ex-retraité du Metal apporte une sacrée classe à l'interprétation du disque, tout comme Rob Rock qui s'arrache sur "The Magic of the Night" au refrain ravageur. Au fil de ce AVALON, on se prend à lui trouver des qualités certaines : justesse des mélodies, variété des atmosphères, et beaucoup d'intelligence dans la composition. Car si "A World Without Us" ou le tranchant «To The Edge of The Earth" jouent la carte speed, les mid-tempos tels "The Name of the Rose" ou "Enshrined in My Memory" n'ont rien à leur envier, et la structure globale de l'album avec des titres calibrés de 4 à 5 minutes, n'inflige aucun moment d'ennui. Les quelques soli de claviers et guitares, distillés çà et là avec une ingénieuse parcimonie, sont à la hauteur des grands musiciens qui mènent cette glorieuse quête. Des orchestrations et arrangements de bon goût donnent au son de ce cd des allures symphoniques, et une vraie identité assumée qui rebuteront ou conquerront les fans de STRATOVARIUS qui ne manqueront pas de se pencher sur cette galette. Ils seront peut-être sensibles à l'ultime solo de guitare, qui reprend une partie de la mélodie vocale de "Destiny", clin d'œil appuyé à un groupe qui l'a aujourd'hui oublié.
Alors au moment d'enterrer un artiste dont la carrière aussi brillante que chaotique lui cause aujourd'hui du tort, on est heureux de mettre à son crédit ce Metal opéra qui sera peut-être sans suite, et ne restera dans aucune annale, mais qui relancera sans doute Timo dans d'autres perspectives musicales. Et le contraire aurait été un immense gâchis.