Vingt-deux ans après Effigy Of The Forgotten, album culte s’il en est, bien malin celui qui peut dire si le sang n’a pas remplacé l’eau qui coule usuellement sous les ponts. Tenez vos ouailles en laisse, on parle de SUFFOCATION là. On parle de Frank Mullen, de l’incroyable Terrance Hobbs ou encore du Pierced From Within de 1995. Autant de sujets qui devraient inspirer de nombreux ronds de jambe. Tenace, increvable, le groupe en est désormais à son septième album. Sept bonnes raisons de croire au passé, au présent et au futur du Death Metal. On dit d’eux qu’ils sont des pionniers pour avoir si brillamment su juxtaposer jadis brutalité et technicité. Définitivement, ce constat a encore de beaux jours devant lui, même si le temps de l’innovation est révolu. En 2013, avec toute cette « concurrence », tous ces groupes prometteurs à défaut d’être originaux, Pinnacle Of Bedlam arrive encore à jouer des coudes et à casser quelques côtes flottantes, dans la plus grande impunité.

Il n’y a pas de secrets. Ceux qui apprécient SUFFOCATION connaissent la raison de cette intimité et ne risquent pas d’être chagrinés par une quelconque évolution, mot qui semble banni de leur vocabulaire depuis déjà quelques albums. Pinnacle Of Bedlam est le chaos, la sueur, le sadisme, l’asservissement et l’omnipotence. Oui, c’est une évidence, il ne trahit pas les préceptes enseignés par le serment du sang. C’était en 2009. Bon prince, il ne cherche pas à aller plus loin, il ne cherche pas à humilier, ni même à surpasser. En soi, il est petit bras parce qu’on dira de lui qu’il n’a rien d’une science, que ses enseignements sont minimes. Mais il est brutal, il est auguste, il est… suffoquant. Il suffit de « Cycles Of Suffering » pour le comprendre. Quatre minutes d’une intensité à vous retourner l’Aquila une seconde fois. Ça, c’est pour les présentations. Entre ce moment précis et la prise de congé, trente-quatre minutes plus tard avec « Beginning Of Sorrow » (réinterprétation du morceau éponyme issu de l’album Breeding The Spawn en 1995 avec en invité derrière les fûts le brillant Mike Smith), un déluge de riffs pointus, de lignes techniques défrisantes, de Frank Muller chaud cacao. Puis après tout, on n’était pas censé trouver ça beau, mais il y a quand même « Sullen Days », son intro épurée et son déroulement éléphantesque. Assurément, l’un des meilleurs morceaux jamais écrits par SUFFOCATION. Inspiré par « Bardo Thodöl », le livre des morts tibétain, Pinnacle Of Bedlam, sans vraiment être un concept album, suggère un drôle de clin d’œil à cet ouvrage dont le titre se traduit en français par « La grande libération par l’écoute dans les états intermédiaires ». Il est étonnant de constater à quel point ces mots très intellectuels semblent avoir été rédigés pour parler de cette œuvre. On est totalement dans ce contexte de libération, de catharsis, d’exutoire. C’est le propre d’un groupe comme SUFFOCATION qui n’a jamais été médiatiquement bruyant mais qui provoque à chaque fois la même émotion, sans jamais faire évoluer son Metal dans un sens plus que dans l’autre. Pour finir, on notera la prestation plus que proprette de Dave Culross à la batterie, lui qui effectue son grand retour au sein de SUFFO, quinze ans après avoir participé à l’enregistrement de l’EP Despise The Sun.

Quant à savoir si Pinnacle Of Bedlam est le meilleur album désormais inscrit dans la discographie du groupe, mon avis personnel est que je m’en branle. Ce que je sais, c’est qu’il dégage une sombre placidité et une maturité musicale qui atteste de l’envergure d’une telle formation. Il a les épaules et la poigne pour faire plus de ravages que n’importe lequel de leurs précédents efforts. Mais à l’instant T, on n’a pas franchement envie de réfléchir. L’apocalypse qui se déroule entre nos oreilles est un spectacle bien plus pervers.