INCUBUS (usa) - Beyond The Unknown (1990)
Label : Nuclear Blast
Sortie du Scud : 1990
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Death Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 39 Mins
Dans la catégorie « Nous aurions du casser la baraque mais pas de bol personne n’a remarqué notre existence même dans le cercle très fermé des hommes avisés de bon goût », j’ai le plaisir d’aborder aujourd’hui le cas relativement obscur d’INCUBUS.
Non jeunot, pas celui là. L’autre. Alors range tes baskets et enlève ton survêt.
Il est certain qu’à la fin des années 80, la production pléthorique de Death/Thrash américaine n’autorisait pas une omniscience de tous les instants.
Il fallait bien se concentrer sur quelques groupes, au détriment d’autres, peut être plus méritants. Il fallait des noms, des images, des gimmicks.
CANNIBAL CORPSE et ses débordements graphiques. CARCASS et son attrait certain pour la barbaque disséquée. MORBID ANGEL et les obsessions Nietzschéennes de Trey. SLAYER pour la légende. Ainsi de suite, jusqu’à extinction des feux.
Les outsiders, même signés sur des labels d’importance, n’avaient que peu de chance de s’en sortir avec les honneurs. De DEMOLITION HAMMER a MORTAL SIN, en passant par SANCTUARY, beaucoup sont tombés au front et dans les oubliettes, tout en laissant trace d’albums impeccables que beaucoup auraient du leur envier.
C’est comme ça.
Mais heureusement, il reste encore des amateurs qui se souviennent avec émotion de ces albums sortis dans l’indifférence générale, et qui leur vouent un culte suffisamment puissant pour en exhumer le parfum d’injustice sur quelques blogs bien choisis.
Alors donc, nous y voilà. Parlons justement d’INCUBUS.
Le cas est d’école.
Après un premier album paru en 1988 sur l’adéquat label Brutal Records, Serpent Temptation, la réputation de ce trio venu de Louisiane prit une certaine ampleur.
Constitué des frères Howard (Francis M., guitare, Moyses M., batterie), et de Scot W. Latour à la basse et au chant, INCUBUS avait toutes les cartes en main pour réussir là où bien d’autres l’avaient déjà fait.
Pratiquant à l’époque un Thrash supersonique à la lisière du Death, le trio nous offrit un LP bourré ras la gueule de pépites furieuses, dont Hard Rock Magazine (via ce cher Phil Pestilence) dit qu’il « constituait la frontière entre SLAYER et…Le bruit ! ».
Et pour une fois, rien n’était plus vrai.
Cet album séminal aurait du constituer un événement, même mineur. Mais lâchés par Scot juste après sa sortie, le duo de frangins dut recommencer presque à zéro, et grâce à un petit coup de pouce du destin, Francis et Moyses finirent par se faire signer sur Nuclear Blast, label désireux d’étendre ses signatures Death, genre très en vogue à l’époque.
Scot out, il ne restait plus à Francis M. qu’à assurer les lignes de chant, ce qu’il fit avec brio et hargne. Ainsi naquit un des meilleurs albums de Death/Thrash de la fin des années 80, honteusement passé inaperçu, mais heureusement réhabilité depuis grâce à un noyau de fans purs et durs.
Beyond The Unknown reste encore aujourd’hui une très grosse réussite, et ce pour plusieurs raisons. Enregistré comme tout bon album de Death qui se respecte aux Morrisound Studios de Scott Burns, il était doté d’un son énorme, privilégiant clairement le chant et la batterie, tout en offrant à la guitare une patine claire et nette, chose relativement inhabituelle pour un album de cette brutalité.
Et même si la basse (jouée en studio par Francis M.) semble avoir été oubliée au mixage, une puissance énorme se dégage de l’ensemble des titres, qui finissent par prendre la forme d’une ode à l’ultra violence ininterrompue.
Les progrès accomplis depuis l’initial Serpent Temptation étaient énormes. Outre une concision indéniable, Francis et Moyses M. avaient considérablement affiné leur interprétation, et la précision clinique des morceaux les rapprochaient d’un SADUS, avec le même genre de riffs tirés au cordeau et joués au millimètre.
La structure des compositions étaient bien évidemment bâtie sur un moule quasi unique. Une alternance de passages furieusement rapides (durant lesquels la frappe claire et nette de Moyses tranchait avec les approximations de l’album précédent), et de digressions très Heavy, qui permettaient de relancer la machine à plein régime à l’occasion d’un refrain ou d’un pont.
Mais bien loin d’être un simple album de Death efficace, Beyond The Unknown se révélait d’une finesse assez impressionnante pour qui daignait lui porter suffisamment d’attention.
« Freezing Torment » reste un exemple frappant de cette démonstration de force. Construit sur un riff aux dimensions multiples, d’apparence simple et évident, ce titre développe une multitude de variations soufflant le chaud et le froid jusqu’à l’overdose, sans jamais paraître redondant ou répétitif.
Chaque couplet correspond effectivement à un segment bien particulier, possédant son propre rythme, son propre riff et ses propres intonations.
Le chant de Francis, saccadé, hyper rapide vous prend aux tripes dès le départ pour ne plus vous relâcher avant le hurlement final. Et le doublage des pistes vocales sur certains vers (« Shocked by the scars of terror ! ») se révèle particulièrement efficace, et prend des intonations à la Glen Benton du premier DEICIDE.
Mais à contrario du clown à la croix inversée, le choix des lyrics chez INCUBUS était plutôt orienté Christian Friendly, comme en témoignent les couplets de « The Deceived Ones » (« By being weak and blind, the fools disrespect the christian houses of God. They are the opposite of all that is holy, locked in cages of sins.
How can they reject the creator of all living things?”).
Et cette dualité rendait Beyond The Unknown encore plus surprenant, voire attachant, un peu à la manière de VENGEANCE RISING, qui opposait une fureur sonique assourdissante à des paroles louant le divin.
L’autre dualité captivante de cet album résidait dans l’opposition entre des couplets pleins de rage semblant incontrôlable, et une science du break hallucinante et précise à l’extrême. La meilleure illustration en est offerte par le morceau éponyme qui alterne les tempi et les ambiances sans jamais tomber dans l’approximation. Et de ces multiples cassures se dégageait une violence palpable qui rendait l’écoute de l’album fascinante.
Mais le duo, conscient qu’un LP se construit aussi sur la durée, savait distiller des moments particulièrement plombés, mettant l’emphase sur l’oppression Heavy, et la lourdeur rythmique. Et « Curse Of The Damned Cities » de constituer un autre moment fort du LP, grâce à ses 5’38 écrasantes.
Le mid tempo leur seyait aussi à merveille, comme le prouve le solide « On The Burial Ground », morceau le plus long de Beyond The Unknown.
Et « Mortify » de refermer avec haine le chapitre, avec ses trois petites minutes de furie, clôture digne de « Primitive Future » ou « Infected Voice » (ce qui ne fait que rapprocher un peu plus les frangins Cavalera des frères Howard, outre leur naissance commune au Brésil), et épilogue d’un album quasi parfait.
Si vous ne connaissez pas cet album, et que vous y jetez une oreille attentive après avoir lu cette chronique, vous aurez sans doute comme moi, du mal à comprendre comment il a pu passer inaperçu au regard de ses qualités évidentes et indéniables. Plusieurs explications pourraient être avancées.
D’une part, la production pléthorique de la fin des 80’s faisait obligatoirement des victimes. Surtout si l’on considère que le Death a connu cette année là des livraisons attendues de ses plus notables représentants (Spiritual Healing de DEATH, Cause Of Death d’OBITUARY, Left Hand Path d’ENTOMBED, Harmony Corruption, ou le virage Death/grind de NAPALM DEATH…), ainsi que l’émergence de nouvelles entités (Subconscious Terror de BENEDICTION, avec Barney au chant, Eaten Back To Life des bouchers de CANNIBAL CORPSE, Lost Paradise de PARADISE LOST).
Et même si INCUBUS fit partie des meilleurs ventes du label avec 30.000 unités écoulées, NUCLEAR BLAST n’était pas encore cet énorme indépendant qu’il est aujourd’hui.
Et puis il faut admettre qu’avec sa mixture de Death et de Thrash, INCUBUS avait le cul assis entre deux chaises.
Trop classique et formel pour les amateurs de Death, trop agressif et heurté pour les fans de Thrash (qui entamait là son long déclin…), il fut injustement ignoré par la plupart.
Et le fait que leur premier LP soit sorti plus que confidentiellement sur un micro label n’a pas arrangé les choses (il est depuis introuvable dans sa version d’origine et n’est disponible qu’en réédition digipack couplé avec Beyond The Unknown, en version réenregistrée qui plus est, sans les vocaux de Scot), car peu de gens étaient au fait de l’existence du groupe.
En résulte donc un LP qui rejoint la longue liste des disques cultes, que de très nombreuses personnes connaissent de réputation sans l’avoir jamais écouté. Mais qui du coup dégage une aura spéciale dont il serait dommage de se passer, ne serait ce que pour revivre une fois de plus le souffle brûlant de la scène extrême de la fin des 80’s. Avant les débordements des années 90/2000.
(NDR : A noter que le groupe existe toujours aujourd’hui, sous le nom d’OPPROBRIUM, et qu’il existe deux albums édités par les labels Nuclear Blast et Metal Mind, Discerning Forces en 2000, et Mandatory Evac en 2008. Pourquoi ont il changé de nom ? Oui jeunot, à cause de celui là. Alors range tes baskets et enlève ton survêt).
Ajouté : Lundi 04 Mars 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Incubus Website Hits: 9330
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