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OBITUARY (usa) - Slowly We Rot (1989)






Label : Roadrunner Records
Sortie du Scud : 14 juin 1989
Pays : Etats-Unis
Genre : Death Metal
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 35 Mins





Les légendes se construisent parfois à grands coups de boutoir, de ceux qui enfoncent les portes du bon goût comme autant de forteresses trop longtemps protégées.
Le tonnerre qui déchire le silence de la nuit. Un cri de douleur, digne d’un accouchement aux forceps qui dégénère et aboutit à la naissance d’un monstre difforme et hideux. On peut parfois le voir venir, on peut s’y attendre, on peut s’y préparer envers et contre tout, mais lorsque la paix le cède au chaos, il n’y a rien d’autre à faire que de constater l’évidence, d’accepter l’inéluctable.
Et l’histoire – petite ou grande – de changer, d’offrir un nouveau visage, déformé, grotesque, mais dont le reflet n’est qu’un effet de mimétisme d’une société gangrenée, d’un monde déliquescent, d’un conte de fée détourné qui ne fait plus peur aux enfants.

La Floride. Son soleil, ses plages, mais aussi sa violence, ses dealers, ses criminels. Une autre carte postale que celle envoyée par les boites de productions US qui se complaisaient à en faire un petit paradis pour flics en costard et voiture de sport.
De cet état côtier aussi trompeur que dangereux, surgira une des extensions musicale les plus radicales du Metal moderne.
Certes, celle ci avait déjà lancé un avertissement, et ses prémices avaient été ressentis bien plus tôt, au travers de groupes comme POSSESSED.
Et sa naissance officielle avait été célébrée en 1987, avec l’arrivée dans la nurserie d’une bête bruyante et incontrôlable, dont le patronyme ne trompait personne.

DEATH.

Son Scream Bloody Gore d’anthologie laissa plus d’une infirmière traumatisée sur le carreau. Des riffs poisseux, une voix caverneuse à l’extrême, des textes clairement orientés gore, de quoi laisser pantois bien des amateurs de vitesse et de violence instrumentale. Ce premier jet séminal sera suivi d’un effort encore plus abouti et violent, l’imparable Leprosy, avec sa superbe pochette signée Repka et sa production grave et puissante.
Mais tout ceci restait très localisé.
Et surtout, subjectif. Il nous fallait une autre vision, un autre avis, moins ciblé, et plus réaliste. Une description de la vie dans ce qu’elle avait de plus sombre, une analyse sans compromis, comme un aveu d’abandon signé d’une plume mal assurée.
Mais personne ne se doutait que cette déclaration allait naître d’un premier jet de bile acide…

Il faut remonter à 1984 pour trouver les origines d’un des premiers albums les plus choquants de l’histoire du Metal.
A cette époque, deux frères, John et Donald unissent leurs forces au sein d’un combo primitif d’abord nommé EXECUTIONER, puis XECUTIONER pour des raisons légales.
Leurs années 80 seront ponctuées de démos, dont la succession dessinera les contours d’un Metal sans concessions, qui finira par aboutir à l’enregistrement d’un premier longue durée, entre 1988 et 1989, sous la houlette du sorcier du gros son Scott BURNS.
Et pour assumer définitivement le statut « culte » à venir, les membres du combo décidèrent une fois de plus de changer de nom, pour adopter définitivement celui d’OBITUARY (notice nécrologique). La légende était en marche, et son aboutissement allait avoir des répercutions énormes.

Je me souviendrais toujours de ma « première fois » avec OBITUARY. Alerté par un ami qui animait une émission Metal à l’époque, fan de MÖTLEY CRÜE, et qui n’avait de cesse de se moquer du groupe en pastichant le refrain d’un de leurs morceaux, je commençais à sérieusement fantasmer sur ce qui semblait être un nouveau Graal de la lourdeur et de la brutalité, à hauteur de DEATH justement, mais aussi de CELTIC FROST et BATHORY.

Et si parfois une longue attente débouche sur une déception amère, ce ne fut pas le cas. Car un beau jour, par le truchement de la vente par correspondance, Slowly We Rot finit par arriver sur ma platine, et répandit ses effluves nauséabondes non seulement dans ma chambre, mais aussi dans ma tête.
Autant des disques phares comme Reign In Blood, Pleasure To Kill, ou encore Scream Bloody Gore n’avaient fait que conforter une impression déjà tangible (même si celle ci était d’importance), autant cet effort initial d’OBITUARY dépassa ce que je considérais alors comme « concevable ».
Pourtant, aucune limite individuelle déjà existante ne fut brisée. Car cet album n’était ni le plus rapide (privilège revendiqué par les anglais de NAPALM DEATH), ni le plus lourd (CANDLEMASS était déjà passé par là, bien après ST VITUS), ni le plus bruyant (la vague Speedcore, CRYPTIC SLAUGHTER en tête, ou même les balbutiements Black de MAYHEM restaient des références en la matière), mais il allait au delà d’un ensemble, et pour être plus concret, devenait de fait l’album le plus glauque de son ère, en osant briser les carcans standard de la production de l’époque, replaçant l’esprit primitif du premier BLACK SABBATH sous un éclairage contemporain.

Douze titres, trente cinq petites minutes, et une inscription définitive et inaltérable dans l’histoire. Sous une pochette au titre vert fluo dégoulinant (rappelant les débordements graphiques de la TROMA et plus spécialement ceux de l’anti-héros à la serpillière Toxic Avenger), et à l’illustration minimaliste mais pertinente, se cachait un des postulats les plus définitifs de l’anti-musicalité, enterrant pour l’éternité les facéties colorées des années 80.
Et dès les premières notes de « Internal Bleeding » dans l’air, le cauchemar était palpable. Et l’affiliation évidente.
OBITUARY n’était rien de moins que le fils illégitime des exactions de HELLHAMMER / CELTIC FROST, et de la brutalité franche des américains de POSSESSED.
Même amateurisme nauséabond que les premiers (avec une finition beaucoup plus précise et travaillée), et même agressivité sauvage et bestiale que les seconds. Le tout résultant en une engeance unique au parfum d’interdit, avec un certificat de baptême putréfié sortant des égouts de l’humanité.

Et même si l’opus pouvait s’appréhender comme une œuvre cohérente et homogène (non que l’on parle de concept, même si la mort reste un fil conducteur indéniable), certaines de ses parties s’imposaient en tant qu’individualités notables et traumatisantes.
Ainsi, le filage « ‘Til Death » - « Slowly We Rot » fait encore partie à ce jour du panthéon des diptyques cauchemardesques, et ceci pour plusieurs raisons.
Abordons en premier lieu un point crucial de l’identité d’OBITUARY, à savoir le chant si particulier de John Tardy.
Car si Chuck Schuldiner deux ans plus tôt, ou Jeff Becerra avaient déjà repoussé les limites « acceptables » du caractère guttural de vocaux inhumains, John en définit les excès de plusieurs manières, aussi définitives qu’impressionnantes.
En effet, outre la gravité rauque de ses interventions, l’adoption d’un phrasé unique, mélange de yaourt basé sur la rythmique vocale et de fragments de vers/mots, accentua cette sensation de spontanéité et d’urgence qui conférèrent à ces morceaux une ambiance délétère, sorte de constat désabusé sur une nature humaine condamnée à une fin inéluctable et consciente.

Pour beaucoup, Slowly We Rot était le pas de trop vers une radicalisation de l’extrême. Une simplification à outrance, une caricature de violence.
Bien sur, l’exagération du groupe avait un côté provocant, mais ceci relève presque du truisme. Ceci dit, il faisait partie intégrante d’une démarche logique, qui consistait à construire sur les fondations encore fraîches d’un style naissant un nouvel étage laissant libre court à tous les débordements, contrôlés au demeurant.
Et même si parfois les références se transformaient en emprunts directs (le final de « Slowly We Rot » est définitivement calqué sur un des riffs de « Morbid Tales » du FROST), il ne fallait y voir qu’un hommage, une pérennisation, et non un recyclage d’idées.
Car OBITUARY savait dégager la même essence de putréfaction de la vitesse (« Words of Evil », « Stinkupuss », « Godly Beings ») que de la lourdeur (le mythique « ‘Til Death »), voire du crossover entre les deux (le morceau éponyme), et c’est de ce caractère foncièrement outrancier qu’est né ce parfum si unique de mort.
Car outre le chant sépulcral de John, les guitares de Trevor Peres et Allen West accomplissaient un travail de sape phénoménal (le tout avec un accordage classique en mi, saluons la performance), en insufflant aux morceaux cette respiration hachée à la limite de l’étouffement. Grâce notamment à la production sèche et directe de Scott Burns, sans fioriture mais offrant une profondeur indispensable, mais aussi aux interventions en solo de West, percutantes, maladives, acides, comme une réminiscence d’un cri ancestral trouvant écho dans les profondeurs les plus insondables de la douleur.
Quant à la pulsation du frère Donald à la batterie, en parallèle du chant si caractéristique de John, elle agissait comme un électrocardiogramme irrégulier, cimentant tout en déstabilisant l’ensemble de ses variations soudaines.

Si Seven Churches de POSSESSED se posait en mise en garde, et Scream Bloody Gore de DEATH en jet initial, Slowly We Rot reste le parangon du Death Metal, le seul album ayant réussi à synthétiser tout ce que le genre avait de plus sauvage, de plus dangereux, et de plus putrescent. Aucun autre groupe n’a réussi à établir un tel équilibre entre toutes ses composantes, privilégiant soit l’aspect technique (MORBID ANGEL, NOCTURNUS, ATHEIST et même DEATH en milieu de carrière), soit la vélocité (SUFFOCATION), soit les expurgations gore (MORTICIAN, CANNIBAL CORPSE). On pourrait, à la rigueur avancer l’hypothèse AUTOPSY, dont le poisseux Severed Survival offrait plus d’une analogie avec le premier LP de la bande des frères Tardy. Mais je pense qu’il s’agissait là plus d’un simple minimalisme musical issu de la passion d’un seul homme, que d’un effort collectif résultant d’une longue maturation.
Et OBITUARY même ne parvint jamais à retrouver une telle candeur morbide, tout en accouchant de véritables classiques (le très bon Cause Of Death, le définitif et indispensable The End Complete), et finissant par se reformer pour des retrouvailles assez tièdes et dispensables.

Slowly We Rot validait donc à lui seul la corrélation entre un groupe et son œuvre. Aussi lugubre, funèbre, lapidaire et compact qu’une notice nécrologique.
La tristesse en moins.



Ajouté :  Samedi 02 Mars 2013
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Obituary Website
Hits: 8946
  
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