SONIC AREA (FRA) - Music For Ghosts (2012)
Label : Ant Zen / Audiotrauma
Sortie du Scud : 7 septembre 2012
Pays : France
Genre : Metal Industriel
Type : Album
Playtime : 14 Titres - 54 Mins
Arnaud Coeffic est décidemment un musicien à part. Acteur de premier plan de la scène Indus européenne, seul, ou avec son frère sur le projet CHRYSALIDE, il triture les sons, dénature les mélodies, tord les arrangements pour à chaque fois, aboutir à un résultat unique et personnel.
Peu de groupes/artistes peuvent se targuer de disposer de la même science de la combinaison, de la même inventivité, et c’est cela qui le rend si précieux.
Avec six albums en douze ans et de multiples collaborations, l’homme est prolifique, et pourtant concentré. Son œuvre étale une cohérence que beaucoup pourraient lui envier, et ça n’est pas ce nouveau chef d’œuvre qu’est Music For Ghosts qui va contredire ce postulat.
Music For Ghosts, c’est un peu l’univers de David Lynch qui percute celui du Carnival Of Souls de Herk Harvey. Découpé en deux parties bien distinctes, cet album dépeint un univers très malsain, sombre, et pourtant rassurant à la fois.
Comme un voyage initiatique déployant son arsenal de craintes, tout en tendant une main apaisante à travers les ténèbres.
La première moitié de l’effort se concentre sur un mélange de sonorités début de 20ème siècle, et évoque volontiers les fêtes foraines chamarrées, lorsque des hommes en habit de gala riaient en galante compagnie. L’ambiance développée est bien sur grandiloquente (« The Living Carousel »), mais sait aussi se faire plus compacte et poisseuse (« The Infernal Clockwork »), un peu comme si la musique des premiers LAIBACH était filtrée à travers un vieux piano mécanique.
Arnaud prouve encore une fois qu’il est bien le grand sorcier des rythmiques atypiques avec le syncopé et inquiétant « The Endless Staircase », entièrement bâti sur des samples tronqués qui heurtent l’écoute et déséquilibrent encore plus le périple.
Il alterne jusqu’à l’overdose les sonorités délicates et aigues et les grondements menaçants (« Eureka »), et offre ainsi à Music For Ghosts une transition rêvée vers sa seconde moitié qui va à son tour offrir des climats délétères et symphoniques.
Et après l’intermède « Dead Muse », le décor change radicalement, tout en gardant ses bases « mécaniques », et « Inframonde » développe un nouveau paysage, plus aérien, plus grandiloquent, sans toutefois verser dans l’emphase hors sujet.
Les arrangements se teintent de cordes, de chœurs féminins éthérés, de longues digressions sur un même thème, avec toutefois une palette de nuances infimes qui rendent l’écoute captivante. Arnaud, à ce moment précis, sait qu’il a gagné notre adhésion, et se lâche, tout en restant focalisé sur sa thématique initiale.
Et les percussions à la Reznor de « Haunted Hall Motel Ballade » résonnent dans la nuit, alors qu’une Mary Henry soudain devenue brune essaie d’échapper aux spectres qui la poursuivent.
Le vieil orgue voit ses touches frappées par une entité invisible, et l’onirisme décadent envahit l’esprit embrumé de notre pauvre héroïne déjà trépassée sans le savoir.
Et même si la noirceur de « The Magic Storytellers » nous ramène plus ou moins de force au début de l’histoire, ça n’est que pour mieux annoncer le déferlement cauchemardesque des trois titres de clôture, « Once More Unto The Breach Dear Friends », son tempo martial et son décorum instable, à peine équilibré par quelques notes de piano heurtées, le monumental « Middle Night Ballet », sa pluie triste, sa mélodie revenant de l’au-delà, et son final robotique, et bien sur l’épilogue grandiose « Funeral March Of An Empire », qui offre à cet album à part une signature unique. Il résume à lui seul la démarche authentique et envoûtante d’un artiste qui ne supporte aucune limite, qui ne s’impose aucune barrière et qui, en fin de compte, nous embarque dans son monde sans que nous ayons jamais eu l’impression de douter de notre libre arbitre.
Arnaud Coeffic est décidemment un musicien à part.
Son Music For Ghosts se pose en oeuvre essentielle de la scène Indus, respecte les codes dressés il y a bien longtemps par son auteur même, tout en s’ouvrant à des horizons nouveaux, et hypnotiques.
Véritable bande son d’un film qui ne verra jamais le jour, sa musique fait apparaître aux quatre coins de la pièce des silhouettes anciennes, revenues d’un autre monde, pour nous apporter un message sibyllin, et pourtant si clair.
La vie est faite de sons, certains assourdissants, d’autres difficilement perceptibles, qui forment en un tout une symphonie de l’étrange, de l’absurde, de l’évidence, et de l’introspection. Le passé au service de l’avenir, auquel il convient de rendre hommage en se livrant sans retenue au présent.
Ajouté : Samedi 02 Mars 2013 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Sonic Area Website Hits: 8020
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