Qui ignore encore de nos jours l’éventualité que les pieds sur lesquels nous marchons aient jadis été des pattes ? Qui ignore que s’il n’y a rien de plus agréable que de vivre dans un logement cossu et aisé, nos ancêtres préféraient sans doute le confort minime d’un arbre. Autrement dit, plus personne aujourd’hui n’est sans savoir que l’Homme pourrait descendre du singe et que le singe lui-même descendrait d’une autre espèce et ainsi de suite. C’est grâce aux recherches de Charles Darwin qu’aujourd’hui, la Bible est décrédibilisée. Ce naturaliste anglais s’était attiré il y’a plus d’un demi siècle, les foudres de l’Eglise pour avoir osé contester une origine divine de l’Homme grâce à sa théorie de l’évolution. Il est à tout jamais enterré au panthéon de l’Histoire.
Pourtant, John Darnton avec son roman La Conspiration Darwin nous présente un Charles à des lieues du grand penseur dont tout le monde parle. Celui qui a remporté le prix Pullitzer pour ses travaux pour le New-York Times et qui a acquis une grande renommée grâce à son roman Neandertal semble prendre un malin plaisir à remettre en question les rouages du monde tel que nous le connaissons. Darwin est d’ailleurs, indirectement, un allié de nombreux groupes de Metal qui dénoncent avec véhémence l’ineptie de la Genèse. En contestant ouvertement le créationnisme, il se fait sans le vouloir, premier défenseur du Black Metal par exemple, qui réfute toute intercession de Dieu dans notre présence sur Terre. On peut voir en ses écrits une forme avancée et maladroite de négationnisme. Ce même négationnisme qui est de notre époque, une arme de destruction massive pour toutes ces formations obscures qui nous rabotent le tympan. Le discours de Darnton devrait d’autant plus leur plaire qu’il nous confronte dans son roman, à un biologiste à la double identité insoupçonnée. Pourquoi donc Darwin a-t-il attendu vingt-deux longues années après son retour des Galapagos pour rédiger son œuvre phare, De l’Origine Des Espèces ? Pour y répondre, cet ouvrage s’articule autour d’un personnage central, Hugh qui est tiraillé entre deux énigmes : la mort mystérieuse de son frère et sa découverte improbable concernant le naturaliste. Une découverte qui remet en cause les fondements de sa théorie. A côté de cela, notre hôte complète sa source d’information romanée sous la forme de lettres, rédigées de la main d’Elizabeth Darwin, qui nous en apprends beaucoup sur la santé fragile de son père et sur son passé, ainsi que des flashbacks qui narrent l’expédition de Darwin sur le navire de recherche « Le Beagle » et ses exploits dans ces contrées reculées du monde. D’un point de vue stylistique, ce roman est très dense mais absolument passionnant. Une fois plongé à l’intérieur, impossible de décrocher son nez du bouquin. Darnton parvient à nous tenir en haleine sur 380 pages et ne nous révèlera une chute ahurissante qu’aux dernières lignes. Son histoire est bien ficelée et doit être prise pour ce qu’elle est : une fiction. La Conspiration Darwin n’est rien d’autre qu’une fiction biographique de haut-vol. Notre écrivain met par la même occasion en avant l’idée que la science est depuis toujours corrompue par le besoin de reconnaissance et de pouvoir. Aussi génial qu’il pouvait l’être, Darwin n’aurait pas dérogé à la règle. Pire encore. Ce sont ces révélations haletantes qui font la force du livre. Ce final fracassant que personne n’aurait imaginé reprend le concept du Da Vinci Code ou d’Anges & Demons. L’enjeu, c’est la religion ! C’est l’idée que toutes les théories qui expliqueraient la création du Monde, la vie sur Terre soient erronées. C’est l’idée que l’Homme est une crapule qui se plait à vivre dans un environnement malsain et qui serait prêt à tout pour voir son nom inscrit de ce fameux panthéon de l’Histoire.
Avec ce roman, John Darnton remet en cause l’éthique humaine, bien plus que l’œuvre du naturaliste. La quête de la vérité est devenue un défi qui nous ferait commettre les pires atrocités pour le relever. Au cœur de la nature, de la faune et de la flore, élément dans lequel il été à l’aise, Darwin les a commises. Et Darnton à l’immense mérite de nous présenter un Charles Darwin loin du génie absolu mais tout simplement… humain.