Il y a ARKAN, ARKANAN, ARKANIA, ARCAN et maintenant, ARCANIA. Dans ce gloubi-boulga linguistique, on retiendra surtout que ce sont ces derniers qui feront aujourd’hui l’objet de toutes les attentions. Et avec plus de deux ans de retard s’il vous plait ! Sorti en juin de l’année 2010, ce premier album intitulé Sweet Angel Dust et dédié à la mémoire de Gaby, membre fondateur du groupe décédé en 2003, introduisait jadis un tout nouveau combo dans le paysage Thrash français. Ceux qui auront volontairement délaissé les grosses planches du Hellfest 2012 au profit du Metal Corner auront peut-être d’ailleurs aperçu ces Angevins s’y produire. Mais l’essentiel va désormais à l’analyse de cette œuvre qui voit la participation de David Potvin (LYZANXIA, ONE-WAY MIRROR) à l’enregistrement et de l’immense Peter In De Betou (DIMMU BORGIR, ENSLAVED, ARCH ENEMY) au mastering.

Autant dire qu’ARCANIA a vu les choses en grand. Et ce, à tous les niveaux. Avec une chanson de dix minutes, une de huit, deux de sept et une de six, Sweet Angel Dust peine terriblement à dissimiler ses nuances progressives. Le Thrash de nos amis français s’inscrit dans une logique de foisonnement. La base structurelle est incontestablement classique, avec ces riffs coupants et ces rythmiques galopantes (« Against My Fear »). Mais tout autour s’incrustent des éléments qui vont d’arômes Thrash old-school à des intonations Death technique (peut-être l’influence de Nico, également guitariste chez GOROD) en passant par un Metal moderne teinté de spleen et un Heavy fougueux mais pas téméraire. Très éclectiques et très ouvertes, les compositions proposées par le combo ont le chic de ne jamais sombrer dans la granulosité. Au contraire, c’est la douceur angevine décrite par Du Bellay qui prime. Il y a une finesse, une attention, un soin particulier dont font preuve ces musiciens pour leur public. Une composition comme « As We Fall » (ou même « Leave My Mind ») est capable de moments d’une grande musicalité et d’accélérations brusques et violentes. Le tout est porté dans la stratosphère par la voix d’écorché vif de Cyril, dont le timbre n’est pas sans évoquer les premières frasques vocales d’un James Hetfield qui aurait laissé tomber ses liasses de dollars pour vivre son improbable romance avec Jonathan Devaux (HORD). Oui, la musique est capable d’exciter le naturel imaginatif de chacun comme aucun autre art. Et dans le cas d’ARCANIA, je trouve que les rêveries provoquées par ce disque sont un excellent point. C’est la preuve que la formation est parvenue à raccourcir la frontière entre vie réelle et monde virtuel. Et même si certains titres souffrent de la qualité d’un « Memento » ou d’un « No End » (je pense à « This Man Failed » qui rame un peu), ça ne sera pas suffisant pour ôter à Sweet Angel Dust sa force de caractère, son côté virtuose et sa musicalité progressive très bien écrite. On sent à la fois la rage et l’honnêteté dans ce Thrash travaillé au marteau et au burin. L’œuvre qui en résulte est violente au premier regard, mais d’une beauté magnétique. On ne détourne jamais le regard ni l’attention, afin d’en capter les détails les mieux cachés. Et c’est tout naturellement qu’on pensera au « Threnody To The Victims Of Hiromisha » en écoutant l’intro stridente de « My Funeral », conclusion épique longue de dix minutes.

A vrai dire, je ne soupçonnais pas le Thrash Metal de pouvoir être aussi mélodique et aussi harmonieux. Mon amour inconditionnel pour SODOM m’a probablement mis des œillères durant trop de temps et aujourd’hui, la découverte d’un groupe de très fins musiciens comme ARCANIA remet beaucoup de choses en questions. Généralement dubitatif quand il s’agit de donner un coup de jeune à des styles qui vieillissent bien (Thrash et Death en tête de file), je me suis laissé piéger par ce Sweet Angel Dust qui mérite définitivement les éloges qui lui ont été adressées.