A tous ceux qui croyaient dur comme fer que la crise du Deathcore ne toucherait jamais la sacro-sainte élite scandinave, vous devez écouter quelque chose. Et ça s’appelle AS YOU DROWN. Techniquement parlant, on ne peut pas vraiment ranger ces Suédois dans la catégorie Deathcore. Et à l’inverse, il n’y a pas un endroit où ils seraient plus confortablement installés que dans cette petite boîte de métal. Il est vrai que ces garçons ont bien profité de l’influence qu’ont pu avoir les « Masters Of Swedish Death Metal » que sont ENTOMBED, DISMEMBER, GRAVE et UNLEASHED. Mais de là à réduire ce mélange de Death Metal et de Deathcore a une décoction infâme préparée par d’authentiques suiveurs, il n’y a qu’un pas que je me refuserai de franchir. Metal Blade Records ne s’y est d’ailleurs pas trompé au moment de donner un coup de jeune à son catalogue. Et je défie quiconque ici de trouver un album de prétendu Deathcore qui sont encore moins Deathcore que ce Rat King, sorti au début de l’automne 2011.

La réalité est évidente et il semblerait qu’AS YOU DROWN soit toujours dans le déni. Mais plus pour très longtemps. Il y a des instants, comme sur les roulements de « You Should Be Paranoid » qui ne trompent pas. Ces quelques réflexions nous prennent à la gorge à l’instant même où elles germent dans le crâne des Suédois. « Conqueror » surgit de nulle part et à ce moment précis, on est conscient qu’on va prendre cher. De sa plus grosse voix, le maigrichon Henrik Blomqvist vocifère déjà des paroles qui sont une critique acerbe de la société. Ce genre de début tonitruant me rappelle fortement celui qu’à pu faire ROSE FUNERAL sur Gates Of Punishment ou un certain… AS YOU DROWN sur le brillant Reflection de 2009. C’est-à-dire que tout défile tellement vite qu’on se rend à peine compte de la gravité de la situation. Les bpm qui s’empilent nous hypnotisent et on reste véritablement scotché par un tel assaut. C’est remarquable de la part d’AS YOU DROWN, qui semble savoir exactement quel degré d’intensité donner à sa musique. Très peu mélodique, très peu avenant, Rat King est inscrit dans une logique de domination entre l’artiste et l’auditeur. Les Suédois nous tiennent en laisse tout au long de leur disque, s’amusent à nous désorienter en jouant un Death Metal si incisif et si véloce que les pôles s’inversent. Extrêmement attractif pour je-ne-sais quelle raison, cet opus, en libérant sur nous des pistes rageuses comme « Slaves To The Kingdom Of Fear » ou « Your Loyal Betrayer », met en relief nos penchants inavoués pour le cuir, le martinet, la pomme dans la bouche et le fist-fucking. On se prend au jeu très vite, pas parce que Rat King est d’une qualité technique impressionnante (même s’ils en tiennent une bonne couche), mais parce qu’il représente à peu près tout ce qu’on recherche dans un disque de musique extrême actuel. La sauvagerie à l’état pur. Après, il est tout à fait possible que le côté DxC de l’affaire passe au second plan derrière cette boucherie sonore. D’ailleurs, je crois que si AS YOU DROWN avait développé une image plus « gore » et moins « djeunz », on n’y aurait même pas fait attention. Oui mais voilà, leurs poses de coreux U.S tatoués trahissent sans le vouloir un penchant certain pour la mélodie insidieuse (« Bleeding Structure ») ou pour le break rythmique pachydermique (« Rabid Wolves in Sheep's Clothing ») qu’on retrouve chez des formations comme SUICIDE SILENCE ou WHITECHAPEL. Ils sont juste cent fois plus brutaux. Et ça suffit pour changer la donne.

Fort d’une agressivité démesurée qui frôle parfois l’homicide, Rat King est donc un album tout aussi convaincant que Reflection, à la seule différence que l’effet de surprise s’est évaporé. S’il ne tire pas son épingle du jeu grâce à son originalité, on peut quand même dire que le matraquage qu’il nous inflige mettra tout le monde d’accord. Alors parfois, quand on n’a pas le choix, il faut savoir accepter les priorités de chaque groupe. Celles d’AS YOU DROWN ne vont certainement pas à la musicalité. Et de ce fait, on peut s’estimer heureux d’avoir entre les oreilles un album d’aussi bonne facture, qui dépose désormais le nom AS YOU DROWN comme un gage de qualité. Sa silhouette laquée et son visuel graphique laissaient pourtant envisager le pire.