WANING (se) - Population Control (2008)
Label : Eerie Art Records
Sortie du Scud : 23 décembre 2008
Pays : Suède
Genre : Black Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 51 Mins
Parler de Black Metal sans le faire rimer avec la Norvège, c’est rare. Et pour cause, c’est le pays qui lui a donné toute son essence maléfique. Alors, qu’à côté, la Suède versait dans le Death Mélodique et la Finlande dans la mélancolie de ses contrées hivernales. Toutefois, plus d’une fois les Suédois ont marché sur les plates-bandes du malin et, toujours en y posant de nouvelles conventions qui n’ont pas manqué de marquer le genre. On pourrait citer les ténors que sont BATHORY, DARK FUNERAL et MARDUK, mais aussi les suicidaires de SHINING ou les occultes WATAIN. Des noms désormais emblématiques du style, qui ont su proposer une musique novatrice. WANING a beau arriver quinze ans plus tard, il ne déroge pas à la règle avec ce premier album, Population Control, qui respire l’inventivité suédoise.
Le son du quintet est froid, industriel, comme l’annonce « (Mensch) » et ses diverses samples. Les compositions, longues, laissent ressortir le penchant Progressif du groupe qui prend le temps de construire ses atmosphères sans avoir le blast facile pendant une heure. Et ce, sur un fond de guitares saturées, grésillantes, qui contribuent à amener cette ambiance implacable. Les suédois arpentent plus les terrains d’ENSLAVED et SECRETS OF THE MOON, avec des morceaux intelligents, imprévisibles, qui passent d’une monotonie hypnotique à la force brute en l’espace d’une seconde (« Left To Hate »), décontenançant l’auditeur. C’est avec pesanteur que les pistes se meuvent, alternant les breaks fatalistes et ambiances lourdes, ponctuées d’une basse incommode. Sans suivre aucun code, ni un timing précis, les sections rageuses, aux percussions brutales, succèdent à celles étouffantes, créant des pièces variées, et toujours maitrisées. La basse n’est pas toujours décelable, tant les accords graves fourmillent, mais l’on ressent sa présence menaçante, damant le pas à des conclusions extrêmes où la combinaison de riffs dissonants et blast beats inhumains, sur des structures parfois techniques, laisse pantois. À savoir que l’instrumentation se voit affubler de longs passages pour s’exprimer seule et tisser ces atmosphères nébuleuses et tragiques.
Le machinisme des percussions renvoie également ce côté très mécanique, orchestré par un déferlement de frappes à la noirceur organique, mais sans toutefois partir dans tous les sens pour l’amour du chaos. L’instrument n’est pas surexposé et laisse la grosse caisse légèrement en retrait, ce qui n’empêche pas la double pédale d’imposer son agressivité, en s’envolant sur des cadences impossibles, tandis que les riffs saturés emplissent le spectre de leurs complaintes grinçantes. Que ce soit sur l’instrumentale captivante « Population Control » où les frappes se font dantesques avec le renfort de basse, ou bien sur le dévastateur « Crowning Apathy », le batteur prouve qu’il n’a pas besoin de taper fort pour descendre l’auditeur plus bas que terre. Sa précision chirurgicale en fait une machine effrayante parmi ces sections viles qui mettent les sens à nu (« Shades Of Grey »). Martial, le boulot est achevé avec un coup de poignet mordant, alors que les riffs se déversent, abrasifs, renvoyant cette image d’insalubrité, d’insécurité. Le chant ne s’accorde également guère d’émotions. Puissante, intransigeante, c’est une voix rocailleuse qui déverse les paroles avec une aversion palpable. Minoritaire sur les pistes, le chant est guttural, éraillé, et posé avec parcimonie pour accompagner cette aura lourde. Pas de questions, pas de fioritures. Les vocaux sont là, à l’instant présent. Ils personnifient la puissance de l’instrumentation, jouant sur les cadences et sonorités pour rendre l’exécution plus sensorielle encore. Peu nuancé, le frontman se place parfaitement dans les compositions, sans trop en faire, et distribue la juste dose de rage, et désolation (« Further Down The Strain »).
Des explosions intenses amplifiées par le travail des guitares. De leurs riffs extrêmes, granuleux, elles densifient l’ambiance obscure, avec quelques accords stridents qui se perdent dans cette masse grouillante, renforçant le malaise du moment. Les cordes saturées parviennent à s’imprégner des sentiments négatifs des paroles, spécialement sur les tempos ralentis lorsqu’elles tournoient sur un ton dévasté, et semblent glaner une dimension dépressive. On pourrait reprocher l’homogénéité globale, et le fait que certains morceaux, tel « Swarm », malgré ses invectives secouantes, n’aient pas la même puissance évocatrice à cause de certaines longueurs. Mais il s’agit tout de même d’une production léchée, pertinente, qui nous propulse dans les coins sombres de la pensée humaine ; une épopée interne rageuse et accablante. Et, suite à trois quarts d’heure inhumains, éprouvants, ce sont les accords acoustiques de « Hollow » qui accrochent l’oreille. Une pommade finale que nous passe le groupe, une mélodie d’adieu où la basse résonne dans les entrailles. Puis les saturations se greffent, avec des riffs phénoménaux, et une voix rauque colossale. Une ultime piste magistrale, neuf minutes desquelles l’on ne peut se détacher, où une pointe d’émotion perce et transcende la musique des Suédois. Une composition à la fois belle et bestiale, à couper le souffle.
Le déclin, c’est ce que propose WANING en huit mesures, la dernière gagnant une telle intensité qu’il vous sera difficile de vous relever après coup. Pourfendeurs de la condition humaine moribonde et désespérée, ils déversent leurs pensées cinglantes dans un Black Metal minutieux et parfaitement ambiancé. S’il est peut-être difficile de complètement rentrer dans leurs univers glacial, très compact, il l’est encore davantage de sortir de cette tourmente. Moderne, méthodique, et racé, cet album n’a que pour unique but de vous abandonner, dépouillés.
Ajouté : Mercredi 10 Octobre 2012 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Waning Website Hits: 7914
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