C’était en 1996. Le groupe Néerlandais BACKFIRE! sortait alors son album le plus incontournable, un certain Rebel 4 Life. Seize années plus tard, Dave, Pat, Wyb et Igor sont entrés dans la phase adolescente de leur carrière. A l’âge où les idées sont noires, où les propos sont volontairement provocants, il n’y aura rien d’étonnant à trouver en My Broken World, leur septième projet studio, un déchainement de violence incontrôlée et des ambiances sombres, qui éclipsent l’innocence des premiers balbutiements. Après une période de réflexion artistique longue de trois ans, le quatuor est revenu à la raison et sort enfin de la pénombre dans laquelle il s’était engouffré. A juste titre. My Broken World présente au Hardcore européen sa vision brutale de la situation. Et si le style n’a jamais été d’une grande tendresse avec la société actuelle, les mots très durs de BACKFIRE ! résonneront avec autant de sagesse et d’aura que les pensées de Confucius.

Les Pays-Bas ont toujours eu une affinité très particulière avec le Hardcore. Il peut être authentique, comme celui de BACKFIRE!. Ou encore déchainé, tel celui pratiqué par BORN FROM PAIN. Enfin, on en trouve également une mouture contemporaine à tendance nerveuse avec ALL FOR NOTHING, pour ne pas les citer. Mais quelle que soit la situation, ils ont tous un point commun. La pression qu’ils mettent sur l’auditeur. My Broken World est un album lourd, désespérant, rugueux. On se heurte à un mur de son qui s’abat sur nous dans un fracas monstre. « Broke, Bruised And Bitter » résume déjà parfaitement ce que sera ce CD. Expéditif (moins de deux minutes au compteur) avec des riffs corrosifs, des frappes de batterie très Punk mais surtout, un vocaliste, Pat, en forme olympique. Le bonhomme est une légende dans le milieu, parce que son chant est d’une singularité rare et qu’il n’y a pas mieux que le sien pour nous convaincre de rejoindre le combat. Dès qu’il ouvre la bouche, on se sent concerné. Certes, le débit avec lequel il vomit ses paroles acerbes n’est pas des plus sereins. Mais il y a tellement de haine dans son verbe, tellement de détresse dans ses beuglements qu’on est sur le cul. Le Hardcore possède un paquet de bons vocalistes. Mais Pat reste son maître-chanteur le plus énigmatique. Et il fallait bien ça, parce que musicalement, ça suit le mouvement. Il y a une forme de mystère qui émane de cette œuvre. D’où vient-elle ? A qui s’adresse-t-elle ? Et surtout, pourquoi tant de folie, de frustration et de rage ? Fidèle à sa réputation d’empêcheurs de tourner en rond, BACKFIRE! refuse l’innovation, concentrant toute son énergie sur des brûlots de Hardcore compacts, qui osent parfois l’un ou l’autre appel de phare à la scène New-yorkaise (« Guard Me », « Does It Hurt ? »). Derrière, on retrouvera également des créations moins inaccessibles, comme la pachydermique « Existence Is Punishment » qui marque une rupture rythmique importante dans cet opus. Il fallait bien ça pour pouvoir reprendre une bouffée d’oxygène entre « This One Is For Us » et « Choke On Regret », deux bombes atomiques qui défilent aussi vite qu’un time-lapse. Enfin, BACKFIRE! nous lâche la grappe avec « XX 13 ». Mais pas sans avoir pris soin de nous souhaiter d’aller « brûler en enfer ». Ils sont comme ça les Néerlandais. Pleins de charmantes attentions.

C’est d’ailleurs tout le paradoxe de cet album. Si on a la sensation qu’on s’occupe bien de nous pendant ces 15 morceaux (si vous voyez ce que je veux dire), on ne peut s’empêcher de grimacer devant la teneur résolument triste et négative qu’il dégage. BACKFIRE! est un groupe rempli de haine, qui ne semble plus du tout croire en un avenir radieux. Il sera impossible de nier qu’entre le Rebel 4 Life de 1996 et le My Broken World de 2012, l’atmosphère s’est détériorée. Au final, cette œuvre pose un constat difficile mais lucide sur quinze années de décadence. Et visiblement, ce n’est pas près de s’arrêter.