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JERRY LEE LEWIS (usa) - Live At The Star Club, Hambourg (1964)






Label : Philips Germany
Sortie du Scud : 1964
Pays : Etats-Unis
Genre : Rock N'Roll
Type : Live
Playtime : 13 Titres - 37 Mins





Comme je le disais il n’y a pas si longtemps, pour bien comprendre le Hard-Rock, il faut d’abord se plonger dans le Blues, et son extension radicale, le Rock. Il convient régulièrement de citer le nom de pionniers sans qui rien de tout cela ne serait arrivé, ceux par qui tout a commencé. L’essence même de cette rébellion qui nous secoue encore les os en 2012, qui nous fait lever les poings comme un seul homme, et qui nous fait pratiquer l’air guitar at home, ou headbanger comme des malades dans les fosses et autre pits.
Dans le cas de notre musique favorite, les premiers noms venant à l’esprit sont le plus souvent LED ZEPPELIN, DEEP PURPLE, BLACK SABBATH, JUDAS PRIEST, AC/DC, BLUE OYSTER CLUB, KISS ou Alice COOPER.

Plus rarement seront cités CACTUS, PINK FAIRIES, BLUE CHEER, AMBOY DUKES, MC5, STOOGES et autres STEPPENWOLF. Et c’est bien dommage…
Et si l’on pousse son désir archéologique encore plus loin, il conviendra de parler un jour ou l’autre des KINKS, et de leur séminal « You Really Got Me », des YARDBIRDS, des STONES de la fin des 60’s/début 70’s, des SONICS et de leur garage dur comme l’acier, et même pourquoi pas, de THE REMAINS, qui a l’occasion d’un « I’m A Man » de génie, avaient repoussé les limites de l’agression sonore jusqu’à ses derniers retranchements. Tout comme Lennon avait fait se dresser les cheveux des techniciens du studio 2 d’Abbey Road lorsqu’il avait demandé une distorsion extrême pour son « Revolution » sauvage à souhait.

Tout ça reste bien sur justifié, et pertinent dans le cadre de Metal-Impact. Mais parlons justement un peu du live, car c’est bien en concert que nos héros favoris trouvent toute leur ampleur, et distillent l’adrénaline à haute dose pour notre plus grand plaisir. Les témoignages de bravoure ne manquent pas dans notre petit univers… De l’originel Made In Japan des DEEP PURPLE, en passant par l’homérique Live After Death de MAIDEN, ou encore Unleashed In The East de JUDAS PRIEST, les pièces maîtresses en concert sont légion, et ont toujours su nous rappeler au bon souvenir de toute cette sueur évaporée dans des salles surchauffés, et des slogans à l’emporte pièce criés à pleins poumons.
Mais bien avant tout ça, bien avant ces déflagrations rivalisant en niveau de décibels, avant que les systèmes de sonorisation permettent tous les délires assourdissants, il y avait des artistes qui savaient assurer avec le strict minimum. Leur énergie, leurs chansons, et la communion avec le public.
Soyons clair, il n’y a pas possibilité, même en étant d’une subjectivité crasse, de parler de meilleur album live. Mais si nous restreignons le cadre au Rock/Hard-Rock, la notion devient plus ciblée, et le jugement possible.

Vous ne voyez pas où je veux en venir ?

Patience.

D’aucuns vous diront qu’un concert se compose, comme un film ou un discours. Avec une entame/accroche furieuse, un passage plus calme pour redonner l’envie au public, des soli, si possible, mais facultatifs, et une fin de performance sur les chapeaux de roue. On ne s’improvise pas comme ça chef de meute, il faut le mériter, à force de travail et d’intelligence.
Ca n’est pas faux. Lorsqu’un artiste/groupe se retrouve sur scène pour une durée de deux heures (voire 3 ou cinq dans les cas de SPRINGSTEEN, SEGER ou d’autres furieux de la performance live), il lui faut bien évidemment distiller ses efforts d’une manière logique, sous peine de manquer de coffre au bout de quelques morceaux.
Mais, puisqu’il y a un mais… Certains s’en moquent, et foncent tête baissée, la bannière étoilée en avant, et sus à l’audience comme un Hun sur la piste des tribus adverses. On crame tout, et on revient après pour pisser sur les cadavres.
Citons.

Jerry Lee Lewis. Parler de lui dans les colonnes de Metal-Impact ? Mais pourquoi faire ? Qu’y a t-il de Heavy dans sa musique ?
Je vous comprends, mais je vous explique derechef les raisons de mon choix.
Certes, Jerry est avant tout Rock, un des pionniers même. Mais un des plus sauvages, un des plus méchants. Il ne fut pas surnommé « Le Killer » pour rien. Car Lewis ne jouait pas le Rock, il le vivait, le respirait.
En 1964, il est au creux…I l a vécu des 50’s flamboyantes, se posant en seul rival sérieux d’Elvis, et puis, la faute à un caractère un peu trop instable, le trou noir et la multiplication d’erreurs qui auraient du être fatales. Un mariage honteux avec sa cousine de 13 ans, Myra (avec qui il aura pourtant trois beaux enfants), des fans qui le lâchent, de quoi perdre pied.
Mais l’instinct de survie de Lewis fut plus fort que l’adversité. Il lui fallait prouver une fois de plus quel musicien extraordinaire il était, et il fallait le prouver de la plus belle des façons, en concert.

Avant de vous jeter dans l’écoute de ce Live At The Star Club de 1964, il me faut vous prévenir. Oubliez tout ce que vous avez entendu jusqu’à présent, car cet album en concert n’a pas d’équivalent. Je parlais tout à l’heure de la construction d’un concert. C’est bien le genre de concept dont Jerry Lee n’a cure. Trente sept petites minutes, et la salle est détruite, réduite à de fumantes fondations sur lesquelles personne ne reconstruira rien.
Et Jerry n’a pas choisi n’importe quelle ville, ni n’importe quelle salle. Il a choisi Hambourg, réputée pour son public dur, difficile, et sans empathie. Le genre de public dont il raffole. Et qu’il affole.
Et alors que les BEATLES, grâce à qui les anciens héros des 50’s reviennent à la mode, s’ennuient ferme dans des concerts de vingt cinq minutes alimentaires, Jerry lui explose les conventions et les compteurs. Et revit en direct ce qu’on vécu les fab four à l’orée de leur carrière, lorsqu’ils tenaient huit heures sur scène grâce aux amphétamines.

Treize titres, autant de massacres. Car sur ce live Jerry ne joue pas, il frappe son piano de toutes ses forces, hurle à plein poumons, multiplie les onomatopées, et les emprunts au répertoire des copains. Dés l’ouverture atomique de « Mean Woman Blues », la barre est fixée haute, très haute. Lewis joue son va-tout, et le sait très bien. Celui dont un PR de son label avait dit un jour « Emmène moi ce fils de pute à New York », va tout lâcher, et tout détruire. Epaulé par les légendaires NASHVILLE TEENS, soit Johnny Allen à la guitare, Pete Shannon Harris à la basse et Barrie Jenkins à la batterie, Jerry se sent indestructible, et enchaîne les Rock torrides jusqu’à ce que le dernier pore se débouche.
Réussissant à faire passer le « Money » originel de Barrett Strong pour une vulgaire bluette pour adolescents, et le « Matchbox » de Perkins pour une comptine de cour de récré, il ridiculise la concurrence, et renvoie les Beatles au vulgaire rang d’aboyeurs de Beatkeller. Mais que dire alors de sa version de « What I’d Say », qui ne sera jamais plus jouée avec autant de cannibalisme assumé ??
Et que dire aussi d’un chanteur qui se permet de placer son plus gros hit en plein milieu d’un set ? Que « Great Balls Of Fire » (qui failli être d’actualité deux ans auparavant à Cuba…) est peut être le postulat Rock définitif ? Qu’il est joué à une vitesse supersonique, inventant les RAMONES plus de dix ans avant l’heure ? Tout ça et tout le reste.

Seul morceau de tendresse de ce live, le très délicat « Your Cheatin’ Heart », qui prouve que Lewis, avant d’être un sniper, peut aussi parfois ressentir des émotions paisibles, et les restituer au public de la plus belle des façons.
Mais tout ça sent le coup fourré, car le Killer roule trop les « r » ce soir là pour ne pas cacher quelque chose. Et ce quelque chose, c’est le rapt du « Good Golly Miss Molly » de Little Richard, qu’il s’approprie comme un vulgaire bandit… Et fait passer le futur prêcheur pour un gentil petit caniche à la permanente improbable.
Sur « Hound Dog », il renvoie le grand rival de toujours Elvis dans les cordes. Les touches du piano sont en surchauffe, mais l’explosion n’est pas pour tout de suite.
Il faut d’abord relifter « Long Tall Sally », que Sir McCartney affectionnait aussi. Mais même si mon amour pour Paulo me pousserait à dire que sa version était sans doute une des meilleures au monde, il me faut reconnaître que celle de Lewis balaie tout sur son passage. Il y a déjà longtemps que ce concert n’en est plus un, c’est un règlement de compte, un combat par KO que Lewis gagne haut la main.

Mais tout duel à un final… Comme tout concert à une apothéose. Et Live At Star Club ne déroge pas à la règle, mis à part le fait que JAMAIS concert n’eut clôture plus orgiaque et jouissive. Car Lewis a gardé sa meilleure cartouche pour la fin, celle qui transperce le plus épais des blindages. Ne tournons pas autour du pot, « Whole Lotta Shakin’ Goin’ On » est certainement l’épiphanie la plus absolue d’un artiste en concert. Oubliez MAIDEN, SLAYER et METALLICA, aucun d’eux ne parviendra jamais à une telle folie on stage. Jerry ne joue plus, il martèle, s’amuse avec son public, avant que lui et son groupe ne plantent la banderille finale, celle qui nous achève tous. Moins de cinq minutes de totale folie rock n’roll comme on en a jamais connu, et qu’on ne connaitra plus jamais. Car comme Jerry le dit bien fort, « I’m not faking it baby »…Et c’est certainement ce qu’il faut retenir de cet album live…Jerry est toujours vivant, debout, et surtout, dangereux. Le plus grand des rockers. Point final.

Je vais affirmer quelque chose en ces lignes qui feront certainement se dresser bien des touffes sur les crânes. J’en ai bouffé du live, j’en ai vu des concerts de Metal et assimilés. Mais je donnerais tout ce que j’ai vécu pour être propulsé dans le temps et pouvoir assister à ce putain de concert en Allemagne, un soir d’avril 1964. Pour pouvoir dire que j’ai connu le souffle du Rock, le vrai, et les prémices du Hard-Rock à venir. Trente sept minutes de souffle rauque et chargé d’alcool, de guitares assassines, et d’un piano qui ridiculise en quelques notes 99% des gratteux du monde entier.
Vous qui vous prétendez rebelles en 2012, écoutez ce live et pleurez. Vous n’êtes que dalle. Si Mojo, Rolling Stone et autres bibles de la critique et du journalisme Rock ont désigné Live At The Star Club comme étant le plus grand album en concert de tous les temps, ça n’est pas par hasard, c’est parce qu’il l’est. Plus puissant ET authentique que n’importe quel autre.

Et finalement, je me pose la même question que toi mon cher Manœuvre. Est-ce que Jerry Lee jouait vraiment comme ça TOUS LES SOIRS ???



Ajouté :  Mardi 05 Juin 2012
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  Jerry Lee Lewis Website
Hits: 9432
  
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