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THE PRODIGY (uk) - The Fat Of The Land (1997)






Label : Maverick Records
Sortie du Scud : 30 juin 1997
Pays : Angleterre
Genre : Techno Metal
Type : Album
Playtime : 10 Titres - 56 Mins





Le Crossover, genre né dans les années 80, avait ouvert une brèche dans le petit monde sclérosé du Metal. Jusqu’ici, les seuls instruments autorisés restaient la sacro-sainte guitare, quasi métonymique, la basse bien sur, accompagnée de sa grande sœur la batterie, et éventuellement, mais d’une façon détournée et rarement assumée, les claviers, qui faisaient hurler au scandale les puristes fans accro d’AC/DC et autres monstres du Heavy Rock. Souvenez-vous de ces tournées de DIO, avec le pauvre Claude Schnell planqué derrière les amplis, comme si le public allait croire que ces nappes de synthé s’échappaient de nulle part… Mais tout ça partait d’une volonté d’adoucissement, de séduction…

On avait admis depuis longtemps la viabilité du Hard FM, qui arrivait à concilier exigences commerciales et énergie indispensable. BON JOVI en était le chantre, HONEYMOON SUITE, le JOURNEY des 80’s, et NIGHTRANGER ses plus fidèles suiveurs.
Mais lorsque à la fin des années 80, ANTHRAX fit entrer le psaume Rap dans la vénérable bible Metal, les headbangers ne voyaient pas ça d’un très bon œil. Certes, il y avait déjà eu AEROSMITH et RUN DMC, mais tout ceci n’était que récréation. La véritable révolution vint avec KORN et la vague Néo-Metal des 90’s, qui plongea de plein pied dans l’hybridation Hard/Hip-Hop, et qui fit se dresser les cheveux sur la tête des die-hard de l’ancienne génération.

Mais il fallait se rendre à l’évidence, la mutation était en marche, et sans essayer de faire le malin avec un parallèle osé, je dirais que la symbiose Metal/Rap était aux ados des années 90, ce que le Hard-FM était à ceux des années 80.
Notre petit monde évoluait et s’adaptait à la mondialisation. Les guitares saturées seules ne semblaient plus représenter un exutoire suffisant. Il fallait plus. Beaucoup plus. La leçon tirée de la fausse rébellion des chantres du Hair-Metal déchus avait suffit à comprendre que l’authenticité ne venait pas seulement d’un look ou d’une attitude, mais bien d’une façon de penser la musique. La penser différemment, pour être plus agressif et concis.

Il est assez amusant d’ailleurs qu’en cette même année 1997, soit sorti l’OST du calamiteux Spawn, adaptation horrible du comics de McFarlane dans lequel les groupes d’Alternatif/Néo-Metal et les DJ’s/Mixeurs s’affrontaient lors de joutes fortes en décibels. Comme dirait ce bon vieux Doc Brown, « Il est possible que cette année soit un point de convergence particulier du consortium espace/temps ». Car en 1997, une bombe fut lâchée sur les bureaux des rédactions du monde entier, les radios, et autres médias en mal de chair fraîche. Sauf que celle concentrée dans cet album était plutôt du genre rance et sortie de la chaîne du froid. Et surtout, qu’elle émanait d’un groupe issu d’une scène qui avait autant en commun avec la notre que l’humour de Florence Foresti et celui de Pierre Desproges.

The Fat Of The Land ? Il fallait que ça tienne chaud, c’est vrai, même à l’orée de l’été.
THE PRODIGY. Liam Howlett. Autant de noms inconnus par la plupart des metalheads. Et pourtant, avec cet album, Liam allait réussir le même braquage que son grand frère Johnny Rotten avait commis vingt ans auparavant. S’imposer en dérangeant. Bousculer les conventions, et ne tolérer aucune limite.
En 1997, THE PRODIGY, ce sont deux albums Techno pur jus, classiques dans leur conception, atypiques dans leur réalisation. Dès Music For The Jilted Generation, on sentait que la culture de Liam venait tout autant de la scène underground des clubs anglais que de l’héritage Punk/Pub Rock des 70’s. Gourou des platines, il mixait des samples infernaux sur un rythme épileptique, pour provoquer un effet maximal.
Il suffit de jeter une oreille sur les tribaux « Voodoo People » ou la digression « No Good » pour se rendre compte que sous le vernis technoïde se cachait une grosse couche de Hard-Core vénéneux et violent. De la Dance oui, mais pas n’importe laquelle.

Mais The Fat Of The Land, bien qu’issu du fruit de la réflexion d’un seul cerveau, était assemblé de manière à faire croire à un effort de groupe.
Dès le départ, Howlett change la donne. Ses deux danseurs showmen, Maxim Reality et Keith Flint, se voient bombardés chanteurs. Il faut modifier l’entreprise pour accéder à une plus large audience.
Envoyés en éclaireurs un an avant la sortie de l’album, les deux singles « Firestarter » et « Breathe » coupent le souffle par leur agression sonore et leur teinte résolument Metal. De l’APHEX TWIN version pugnacité anglaise. Ils trusteront tous deux les sommets des charts, et serviront de carte de visite de luxe à un album que tout le monde attendait avec une impatience non feinte. Avec en guise de lyrics, des pamphlets sombres et nihilistes ne laissant aucune place au doute, le PRODIGY à venir semblait prendre des allures de char d’assaut des nuits blanches londoniennes. Mais résumer un tel LP par deux simples aussi accrocheurs soient-ils serait un raccourci bien malheureux.

Car Liam avait prévu bien d’autres pièges. A commencer par le titre d’ouverture, ce « Smack My Bitch Up » qui fera couler beaucoup d’encre. Avec la participation de Kool Keith d’Ultramagnetic MC’s (dont le morceau « Give the Drummer Some » sert de sample de base, qui sera remixé avec le flow live du rappeur), la basse et la batterie Jazz du « In Memory Of » de Randy Weston, et le riff accéléré du « Funky Man » de KOOL AND THE GANG, ce morceau tend plus de l’explosion interne provoquée par une absorption de crack initiale que de la simple mise en garde après un stick de marocaine. Six minutes et tout le monde est dans le bain. Le clip génial tout en faux-semblant affolera les ligues de vertu, dont la fameuse National Organization for Women qui y verra une insulte envers la gent féminine, et un cas flagrant de misogynie. Liam se contentera d’un lapidaire « Ce clip illustre le fait de tout faire d’une manière intense ». C’est le moins que l’on puisse dire. Du sexe, de l’alcool, de la drogue, un night club, la dérive et l’immersion dans l’interdit pur, cette vidéo illustre à elle seule toutes les options choisies pour cet album.

« Firestarter » et « Breathe » peuvent être analysées conjointement. Ce sont bien sur deux brûlots intemporels et furieux. Et si vous doutiez encore de l’allégeance à la scène Rock de PRODIGY, sachez que le premier fut bâti sur un sample de THE BREEDERS, et le second sur une boucle tirée du « Da Mystery of Chessboxin' » du WU-TANG CLAN. Pas mal comme références. « Inhale, inhale, you are a victim ! ». Et c’est vrai, car l’addiction n’est pas loin. Composés comme deux salves Techno-Metal, elles ont converti bien des disciples dépourvus d’œillères et prêts à accepter l’union contre nature entre les BPM et les riffs sauvages.
Dans la même veine, le sanglant « Serial Thrilla » empruntera le riff killer du « Selling Jesus » de SKUNK ANANSIE. Encore des doutes ?

Car même si « Narayan » et ses neufs minutes prennent la pause, et si « Funky Shit » se permet de citer les ineffables BEASTIE BOYS, The Fat Of The Land fut pensé, construit, enregistré et promut comme un véritable album de Rock, ce qu’il est assurément, et même plus crédible dans le fond et la forme que bien des albums de Metal de l’époque. Et ça n’est pas le final électrique « Fuel My Fire » avec Donita Sparks des L7 qui me contredira. Il est clair que THE PRODIGY, à ce moment précis, était tout sauf un collectif de square…

L’énergie et la haine contenues dans The Fat Of The Land ridiculisait bien des groupes radicaux de l’époque. Certes, la guitare n’était pas jouée, les gus n’étaient pas des musiciens stricto sensu, et il est difficile pour un amateur de Rock/Metal d’admettre que cette musique puisse être mise en parallèle de quelque manière que ce soit avec celle de combos comme MACHINE HEAD, OASIS, IRON MAIDEN ou même RANCID. Mais tout est affaire d’intensité. Comment préférer un album conçu et enregistré de manière traditionnelle mais déjà tiède lors de son arrivée dans les bacs, à un LP certes « bidouillé » par un ingénieur du son/DJ, mais considérablement plus crédible et novateur ? Vous me répondrez certainement, « Les premiers sont des instrumentistes qui jouent, et ont plus de mérite ». Je vous dirais qu’il faut savoir vivre avec son temps et accepter les innovations, lorsqu’elles sont présentées et utilisées de manière pertinente. La musique est affaire de sensations parfois. Et celles procurées par THE PRODIGY étaient alors beaucoup plus intenses. Après tout, certaines œuvres de Folk Rock, voire de Country sont parfois plus compactes et nihilistes que bien des disques de Black-Metal ringards. Ecoutez pour l’exemple le Tonight’s The Night de Neil Young, ou n’importe quel album de Johnny Cash.

Lorsque SUICIDE sortit son album éponyme, ils avaient des années de lutte derrière eux pour faire accepter au public le fait que leur musique froide et électronique était bien plus dangereuse que n’importe quel album de BLACK SABBATH ou des RAMONES. Qui eux aussi, jouaient de leur instrument en prise directe. Le problème est le même pour THE PRODIGY.
Sauf que Liam Howlett n’en a franchement rien à foutre.



Ajouté :  Vendredi 23 Mars 2012
Chroniqueur :  Mortne2001
Score :
Lien en relation:  The Prodigy Website
Hits: 8882
  
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