MÖTLEY CRÜE (usa) - Generation Swine (1997)
Label : Elektra Records
Sortie du Scud : 24 juin 1997
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Metal Alternatif
Type : Album
Playtime : 13 Titres - 64 Mins
Le problème du mauvais timing revient souvent dans mes chroniques. Qu’il s’agisse d’albums sortis un poil trop tard, injustement ignorés, ou carrément à côté de la plaque question mode, ils ont tous manqué le coche, esquivant bien malgré eux une reconnaissance de masse amplement méritée.
Pour certains, c’est vraiment dommage. Pour d’autre c’est dommage, mais quand même bien fait pour eux. Il fallait faire un peu gaffe et être moins grande gueule à la base. Parce que l’esprit frondeur, c’est bon quand on a le vent en poupe, mais ça ralentit sévère quand on se le prend de face.
Prenez le cas MÖTLEY. Ah c’est sur, dans les années 80, ça flambait sec. Permanentes ahurissantes, Ferrari flambant neuves, Harley custom et filles de joies peroxydées à l’arrière. Evidemment, avec des albums de platine plein la musette, tous leurs caprices devenaient anecdotiques au regard des millions engrangés grâce à leur musique. Et force est d’admettre qu’elle était fameuse la plupart du temps. De l’extraordinaire Too Fast For Love qui suintait le stupre et les nuits sans dormir à plein nez, au monumental Dr Feelgood qui avait enfin permis au CRÜE de passer du stade superstar au stade multi platine, en passant par le très méchant et Heavy Shout At The Devil, il y avait largement de quoi s’enthousiasmer. Si vous ajoutez en plus les sales habitudes des gus qui passaient autant de temps le nez dans la poudre que la queue exhibée à la caméra (remember Manœuvre et Cap ???), vous aviez au final un groupe Rock, qui jouait Rock et qui vivait Rock.
Mais malheureusement, les modes sont des salopes. Elles font oublier les idoles d’antan au profit de nouveaux héros plus accessibles, et plus trash. Et dès les années 90, après un premier Best-of qui fit le dernier plein avant la traversée du désert, MÖTLEY sombra corps et âme, commercialement parlant. Pourtant, après le départ/limogeage de Neil, tous les espoirs étaient permis. Un nouveau chanteur plus cru, plus rugueux, le très brun et fessu John Corabi (ex THE SCREAM), et un album superbement bétonné, au son plus âpre et aux guitares moins joyeuses, dont le groupe était tellement fier qu’il l’intitula de son propre nom. Las, les voies du business étant plus impénétrables que le vagin de la petite fille de Tipper Gore, Mötley Crüe, l’album, fit un flop au regard des productions précédentes du groupe, et tout le monde s’en trouva fort marri.
Alors, première décision, faire le ménage. Et virer un peu tout le monde. Le manager, trop voyant, le producteur, trop tape à l’œil (récupéré entre temps par METALLICA, qui s’en trouva au contraire fort aise…), et une bonne partie de l’équipe. Mais tout ça, au regard de la maison de disque, n’était pas suffisant. Il fallait plus. Il fallait retrouver la morgue et la superbe des 80’s. Vendre, à n’importe quel prix. Alors, les pressions commencèrent à s’accumuler sur les frêles épaules de Sixx et Lee. Du tube, mais surtout, ramener Vince au bercail, et fissa. Peu importe la fierté et l’envie d’aller de l’avant, il fallait mettre sa dignité en berne et retrouver la formule magique du platine facile. Doug Morris, de Warner Bros, et Allen Kovac, leur nouveau manager se firent donc de plus en plus pressants. Le blême, c’est que ni Nikki/Tommy, ni Vince ne semblaient emballés par cette idée. Les premiers s’entendaient assez bien avec Corabi, et restaient satisfaits de la musique composée avec lui, et Neil s’éclatait bien en solo, et venait en plus de perdre Skylar, sa fille. Alors… Mais la pression fut trop forte, et la solution fut apportée par le pauvre John Corabi, futur-ex nouveau chanteur, fatigué de cette situation, et lassé de retrouver ses compositions complètement transformées au point de les rendre méconnaissables. Il finit par prendre la porte (et intenta quelques temps plus tard une action en justice pour une affaire de royalties non honorées, pour une requête totale de quatre millions de dollars…), et la logique élémentairement mathématique s’imposa d’elle-même. Sixx/Lee/Mars d’un côté, Neil de l’autre. Un plus trois égal quatre, égal le line-up d’origine, égal le retour du succès. Mais dans le Rock, la logique a rarement droit de cité… <br<
De ce qui au départ devait s’intituler Personality #9, resta un certain nombre de morceaux, de mélodies. L’enregistrement se poursuivit avec Neil au chant, qui eut bien du mal à se glisser dans les santiags de Corabi, la faute à des possibilités vocales bien plus limitées. Generation Swine vit le jour, et c’était tout sauf un travail de cochon. Une gigantesque campagne de pub démarra (avec en point d’orgue, d’énormes placards sur tous les buildings et routes de Californie, sur lesquels figurait un fanfaron « They’re Back… »), et l’album eut tôt fait de se retrouver aux premières places du Billboard.
Et vous savez quoi ?
Rien de plus normal.
Attention, pas de blague. J’adore le MÖTLEY période Corabi. Plus plombé, plus organique, moins tape à l’œil. Et j’aurais été enthousiasmé par un autre LP en sa compagnie. Mais là, même avec un maximum de mauvaise foi, il faut reconnaître que cette génération de porcs ne méritait rien de moins que des louanges.
Opportunisme ???
Faux. Réécoutez Decade Of Decadence. Surtout l’inédit « Primal Scream ». Vous pigez ? Vous ne sentiez pas déjà la semence du changement ?
Si.
Et puis…Qui dans les années 90 peut se targuer d’avoir conservé ses racines en l’état sans s’être un minimum adapté à l’air du temps ? Et puis au moins, le CRÜE avait gardé le look. C’est déjà ça.
Plus sérieusement, Generation Swine est le seul album du quartette que j’écoute encore de bout en bout, sans zapper une seule piste (Bon, j’avoue, « Brandon », c’est pas systématique. De moins en moins même) et dont je savoure chaque morceau.
Déjà, l’intro, bon. Destrooooooooooy ! (Hommage à peine déguisé au « Get pissed, destroy » du père Rotten). Et puis Nikki au chant sur les couplets. « Find Myself », c’est juste trop bon. Je l’imagine bien pieds nus, sur scène, balancer sa montée/descente de basse l’air vraiment goguenard. Même la reprise de Vince sur le pré chorus est parfaite. Sick Motherfucker ?? Tu m’étonnes. Le riff est killer, Tommy joue lourd de chez lourd, tout est solide et compressé, et le son est large comme les hanches d’une vieille groupie de 81.
On aurait beau jeu de comparer « Afraid » à une combinaison SMASHING PUMPKINS / ALICE IN CHAINS. C’est vrai qu’il y a du Corgan dans l’air. Les effets sont multiples, la guitare joue à cache-cache, et les chœurs sur les refrains sont tout sauf francs. Mais la mélodie. Désolé, mais c’est bien du CRÜE. Made in 1997, c’est tout.
« Flush », ou ancienne collaboration avec Corabi, ça commence à loucher sévère. C’est vrai que la partie chant complètement traitée, c’est de l’inédit. Mais la tension maladive du pré refrain couplée à cette explosion de guitare sur le chorus lui-même, c’est vraiment, mais vraiment du grand art. Une des meilleures réalisations de MÖTLEY ? Sans problème.
Surtout que le title-track est là en sniper pour bien nous moissonner les jambes au passage. On retrouve le groupe festif, qui s’auto lâche la bride et se complait dans le Rock déjanté. Un peu plus de quatre minutes d’upbeat non-stop, avec un Neil déchaîné et un Lee magistral. Pas étonnant qu’on retrouve ce mec sur un paquet d’albums extérieurs pour une participation inestimable. C’est simple, il sait tout faire. Et à part Carmine Appice, je ne vois personne pour frapper aussi fort. Et je ne parle même pas de la reprise orgiaque après le break, sinon, c’est l’apoplexie.
« Beauty » (le second single après « Afraid », pas meilleure carrière dans les charts d’ailleurs…) et « Glitter » sentent l’apport d’appoint. Le producteur Scott Humphrey d’un côté, le vieux pro radiophonique Bryan Adams de l’autre, ce sont deux tubes mais pas que. Et tout sauf du remplissage. C’est une fois de plus tendance, mais tellement bien fait qu’on ne voit rien à redire.
Malgré l’analogie du titre, « Anybody Out There? » ne doit pas grand chose à Roger Waters. C’est du MÖTLEY punky pour jus, le quickie bref et percutant qui relance la machine. On s’imagine trop bien durant un wild party de ouf, chanter ça comme des burnes, en défonçant tout ce qui passe à portée de main. Défouloir. Oh ouiiiiiiiiiiii…
La fin de l’album laisse la parole presque exclusivement à Nikki, (sauf sur « Let Us Prey », cosigné Corabi), et ne faiblit guère… Jusqu’à ce que l’on tombe sur ce fameux « Shout At The Devil ‘97 », qui avait de quoi effrayer. L’auto citation étant rarement gage de qualité (on ne compte plus en 2012, le nombre de ré enregistrements d’albums/morceaux cultes qui tombent complètement à côté de la plaque…), il y avait matière à s’inquiéter. On en était resté à une version Heavy en diable, véritable hymne live, et on revient avec la même chose, en plus furieux, et plus syncopé. Et plus hargneux. Si la chose était possible. Bang, encore dans le mille.
« Brandon », c’est la friandise offerte par Lee à ses fans les plus fidèles. On peut aisément s’en passer tant elle est sucrée, mais c’est tellement mignon de se rappeler que Tommy est capable de douceur paternelle entre deux torgnoles à ses femmes/ex…
Lancé avec tambour et trompettes, et cotillons de rigueur, Generation Swine, après de très bons débuts dans les charts (#4 quand même), succès célébré prématurément à longueur d’interview par Lee et Sixx tout guillerets, fit long feu. Avec à peine un peu moins de 400.000 copies écoulées à ce jour, il fit un flop encore plus retentissant que son éponyme prédécesseur. Ce qui déclencha des frictions évidemment, et finit par faire fuir Lee qui ne supportait plus Neil et inversement (on ne s’amusera pas à recenser l’intégrale des règlements de compte par presse interposée…). Depuis, le CRÜE aligne des albums, qui s’ils ne sont jamais complètement inintéressants, n’ont jamais retrouvé l’éclat de cette génération porcine qui respectait l’esprit sombre des 90’s, tout en restant optimiste. On peut lui préférer Dr Feelgood, plus clinquant, Too Fast For Love, plus râpeux, mais certainement pas Girls, Girls, Girls, trop facile, ni Theater Of Pain, trop inégal et léger. Mais prenons les paris. Je suis sur - et j’en mettrais d’ailleurs ma main droite au feu - que si ce LP était sorti sous un autre nom, de la part d’un groupe moins typé, il eut été un succès énorme. Car les compos, même quinze ans après, n’ont rien perdu de cette patine éclatante et abrasive à la fois. Mais les préjugés, comme les tiques, ont la vie dure.
En même temps, c’était un peu de leur faute. On pardonne rarement quoi que ce soit aux grandes gueules.
Ajouté : Vendredi 23 Mars 2012 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Mötley Crüe Website Hits: 9660
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