Mieux vaut prévenir de suite. LELAHELL à beau nous venir d’Algérie et soulever une épineuse question avec son premier EP, il n’y aura pas de politiquement incorrect dans cette review. Aucun coup bas, aucune petite phrase. A l’image du président sortant, j’ai changé. Enfin, plus qu’un changement, ce sont surtout des mentalités qui évoluent et à l’écoute d’Al Intihar, je dirais que c’est tant mieux. Fondé en 2011 par Lelahel (chant et guitare) qui est aussi le frontman de LITHAM, un projet de Death Metal très populaire en Algérie et malheureusement en stand-by, LELAHELL fait écho à toutes ces formations nord-africaines qui espèrent pouvoir percer dans un style musical qui puise ses racines à des milliers de kilomètres de là. Encore une fois, Al Intihar est un album qui sait précisément où il va et qui, parce qu’il n’a pas à rougir de sa provenance, mérite bien une écoute attentive.

La vérité, c’est qu’on trouve de bons groupes de musique extrême en Algérie, de même qu’on trouve d’excellents danseurs de flamenco en Corée du Nord. C’est rare, mais ils existent. C’est peut-être pour ça que LELAHELL est une pépite. Il serait tentant de croire que le trio va nous pondre un Death parfumé d’Orient. Pour être franc, rien dans cette œuvre ne laisse deviner un quelconque rapprochement avec les pays du Maghreb. Au contraire, on fait la même came un peu partout en Europe, et parfois en pire. Officiant dans un Death Metal qui n’hésite pas à se diversifier, versant parfois dans le Brutal, parfois dans le Slamming, parfois dans le progressif, rarement dans le technique et encore moins dans le Djent, cet EP est un mouvement harmonieux qui s’équilibre naturellement, malgré diverses petites fantaisies stylistiques qui ont tendance à se désolidariser d’avec cette base Death. Vocalement, LELAHELL effectue un travail remarquable, regroupant sur une même composition des growls, des screams, des pig-squeals et de la narration. Cette diversité a tendance à faire oublier le classicisme des riffs, qui ne mettent jamais bien longtemps à verser dans le Groove. Certains travaux se démarquent, comme « Into The Past » sur laquelle on retrouve un partenariat constructif entre Death et Thrash qui rappelle un peu la lourdeur frénétique du « Ghouls Of Nineveh » de MELECHESH. Globalement, LELAHELL ne manque pas de poigne, mais affiche certaines carences lorsqu’il s’agit de fluidifier son jeu. Tout ça est encore un peu saccadé, un peu hasardeux par endroits. Les enchainements ne sont pas toujours bien pensés, comme sur « Hermanos » dont les incessants changements de rythmes rendent la piste un peu hachée. Cependant, les algériens ont le mérite d’essayer des choses, comme cette reprise surprenante du mythique « Freezing Moon » de MAYHEM. LELAHELL a très bien réussi à en faire une réinterprétation purement Death, tout en conservant la rage et l’instinct primaire de ce morceau. C’est toujours assez risqué comme pari et même si on ne perçoit pas toujours l’utilité de reprendre invariablement les mêmes groupes, on peut se satisfaire de la qualité d’exécution ici.

Je suis vraiment optimiste quant à leur avenir. Les garçons qui composent ce combo ont du métier et une bonne dose de talent dans les burnes. Il leur faut juste remettre un peu d’ordre dans leurs idées afin de les rendre vraiment excellentes. Mais le boulot est fait et bien fait. Al Intihar est un brûlot dont la force de persuasion est absolument exemplaire. Et vu que le public est friand d’exotisme, cet EP pourrait parler à beaucoup d’entre nous, qui souffrons de voir les scènes européennes tirer la langue.