« Je voulais avancer. Je voulais changer les choses. Faire des choses que nous ne sommes pas censés faire. Je voulais transformer l’art en quelque chose de différent, qui ne soit pas conforme aux normes en usage. Nous n’avons pas fait un album de Dubstep. Nous avons fait un album de KORN » (Jonathan Davis)

Ne donnez pas à cette déclaration une intention justificative, une excuse facile, une échappatoire irresponsable. KORN, depuis son premier et séminal album a des responsabilités. Il les a toujours assumées, même dans l’erreur et dans l’errance.
Et si pour beaucoup Korn III avait remis le groupe sur les rails, celui-ci a encore emprunté un chemin de traverse. Long et dur est le chemin qui mène à la lumière. C’est justement le thème de ce dixième album de KORN.
L’association avec les cadors du Dubstep avait de quoi donner des sueurs froides. Ok, à la rigueur, une collaboration pour des B-sides, pourquoi pas ? Mais un album complet ET officiel ? Dangereux, pour le moins. Mais au final, l’entreprise se justifie d’elle-même.
Si les METS ont fini par devenir le backing band du New Yorkais REED, pour une hybridation improbable, le quartette de Bakersfield n’est en aucun cas devenu le jouet de Skrillex, Datsik, Feed Me, Excision, 12th Planet, Flinch, Downlink, Tylias, Kill the Noise, ou Noisia. Il leur fallait juste un bon coup de fouet pour avancer.

Le voici. Il s’appelle The Path Of Totality. Et il claque comme manié par les mains même du Marquis de Sade.

Avec « Get Up ! » et « Narcissistic Cannibal » comme avertissements, il y avait de quoi se poser des questions. Skrillex, OK, c’est un ténor. Mais dénaturer la musique de KORN a ce point, ça ressemblait presque à de la vivisection. Mais point de cadavre à l’horizon. Au contraire, des cendres de la crainte est né un monstre surhumain à la puissance tout simplement assourdissante. Quand le quintette flirtait avec le Hip-Hop, certains n’étaient déjà pas très rassurés. J’imagine qu’ils sont maintenant traumatisés.
Ces rythmiques élastiques, ces arrangements saturés de bidouillages électroniques, pourquoi ? Simple. Pour mettre en exergue certains des riffs les plus puissants du groupe. Le Dub n’a pas noyé la bête dans son magma de léthargie digitale, elle lui a envoyé une bonne rasade d’eau de mer dans la gueule. Et permis à Jonathan et les siens de proposer l’album impersonnel le plus personnel de sa carrière. Un bloc incompressible. Certains vont s’accrocher aux singles pour se rassurer. Je les laisse faire et je ne peux les blâmer.

Mais écoutez « Bleeding Out » et ses syncopes sur fond de tissu sonore urbain ET onirique. Il justifie quasiment à lui tout seul toute l’aventure. Et il est à placer aux premières places des hymnes de KORN, aux côtés de « Blind », « Twisted Transistor » et « A.D.I.D.A.S ».

Lorsque Dylan au festival de Newport avait osé brancher sa guitare électrique en pleine cérémonie Folk, il avait été menacé du pire. KORN, dans une moindre mesure, a aussi franchi une limite.
Rien de vraiment inédit, stricto sensu. Car la BO du calamiteux Spawn était déjà passée par là, avec ses mélanges de riffs d’acier et de rythmique techno. Mais jamais elle n’avait réussi à atteindre cet équilibre.
Equilibre, un mot important pour le groupe, qui est toujours sur la brèche, sur le fil du rasoir. Toujours en clair obscur, toujours caché derrière un mur de haine…

Si j’osais un parallèle tentant, je dirais que The Path Of Totality est le Dark City impeccable d’un combo sur de lui, et content de brouiller les pistes jusqu’à l’asphyxie. KORN a toujours joué à cache-cache avec son public, au point de s’en aliéner une partie. Qui ne reviendra pas forcément au bercail. Mais que faire ?

« Nous mélangeons le Metal et l’Electro, et nous ne sommes pas supposé le faire. Depuis le départ, KORN a toujours nagé à contre courant, en expérimentant et en tentant d’emmener la musique vers des horizons différents » (Jonathan Davis)

Parce qu’au final, aussi compliqué soit le problème, il ne reste qu’une seule question à vous poser.

Allez-vous suivre le leader ?