Du haut d’un beffroi, une sirène. Elle hurle, crache des pointes stridentes. Elle annonce une attaque, imminente. Sur ses terres, TREPAN’DEAD est revenu. Après six années d’errance, entrecoupées par un split et un mini-CD, un des plus beaux atouts du Grindcore tricolore à décidé de faire un petit frère à l’enthousiasmant Obsessional Dysfunctions de 2006. Le mot à la mode ? Instinct. Comme le titre de cet album. J’avais quitté ces français il y a plus de trois ans. J’avais d’eux l’image d’un groupe bruyant mais marrant. Du sample à gogo, de l’humour benêt, une pochette dégoulinante, un titre bien trouvé, voilà ce qui faisait la force d’Anonymous Grindoholics. Alors tomber nez-à-nez avec un disque au visuel austère, aux couleurs tristes comme un lendemain de Fukushima, flanqué d’un nom à vous ramener Maitre Capello des enfers, comment dire, ça ne fait pas vraiment bander.

Pire encore, l’instinct de chacun sera suffisant pour comprendre qu’on va beaucoup moins rigoler. Loin de moi l’idée de faire passer TREPAN’DEAD pour des troupiers. Mais quand même. L’engagement qu’ils mettent dans leur musique, doublé d’une vraie bonne volonté, triplée d’une relative bonne humeur et quadruplée d’un capital sympathie authentique, tout ça n’est pas vraiment inhérent à un groupe dont l’état d’esprit serait monacal. On ne s’y trompera pas. Fidèles parmi les fidèles, les Nordistes vous soufflent dans les bronches leur Grindcore le plus abrasif. La température est volcanique et suffira surement à réchauffer l’atmosphère sibérienne de cette semaine de grand froid (-10° à l’heure où j’écrivais ces lignes). Instinct dégage effectivement une chaleur incroyable, libère dans l’air des vapeurs brulantes. Autant il m’arrive souvent d’utiliser l’adjectif « bruitiste » pour qualifier le Grindcore, autant sur ce coup, c’est plus que ça. La notion de bruit est parfaitement contrôlée par des musiciens qui dégoulinent de métier. Difficile, dans ce contexte survolté de ne pas remarquer particulièrement la complémentarité de Chris et Boub, les deux vocalistes qui se démènent pour offrir un semblant de diversité sur un opus qui forme un bloc hermétique et étanche. TREPAN’DEAD a muri et il convient d’aborder cet album avec tout le sérieux qu’on lui doit. En effet, ceux qui espéraient encore se payer une bonne tranche de samples déglingués seront désabusés de constater que le quintet est désormais établi sur un piton rocheux quasiment inaccessible. Les Nordistes règnent sur ce domaine d’une main de fer, frôlant parfois la souplesse propre au Brutal Death mais jamais ne faisant l’erreur de donner la parole à chacune de ses envies. Résultat, cette musique reste assez rigide, péniblement accessible mais surtout, elle transmet une rage, une motivation qui est totalement… instinctive ! Oui, c’est le mot. Définitivement, les Ch’tis squattent le haut du panier avec leur Grindcore de luxe, inoxydable, inamovible, tellement prévisible mais tellement puissant, capable de synthétiser de longs discours politiciens en moins de deux minutes d’une furie peu scrupuleuse.

C’est ainsi. On le savait, que cet album serait un shooter de Destop. Instinct vous débouche avec une facilité déconcertante tous vos conduits les plus obstrués, de l’oreille à l’anus. Mais ce serait bien réducteur de le voir comme un défouloir. On y trouve surtout des émotions, primaires certes, mais prenantes. Cette galette hyper calorique suinte le sang et la sueur par tous les pores. Et entre vous et moi, ce second opus mérite le détour, juste pour les vibrations qu’il véhicule dans l’estomac.