Vu de l’extérieur, on a franchement l’impression que la scène parisienne se connaît parfaitement en son propre sein. Tout le monde est au courant qu’untel joue dans tel groupe, qu’il a X side-projects et surtout, c’est assez impressionnant, chacun a un avis tranché, peu importe le sujet. Ce qui me permet d’affirmer ça ? Vous allez rire… Facebook ! Pour un provincial comme moi, on a parfois un peu de mal à suivre. BLACK CURTAINS est un exemple assez typique de cette promiscuité entre les groupes. Avec dans ses rangs, les deux guitaristes de BETRAYING THE MARTYRS (Lucas et Baptiste), les parisiens nous avaient déjà gratifiés en février 2008 d’un premier album, Forgotten Sons, qui s’est révélé être un étrange mélange de Metal moderne, de Heavy vieille école (pour des jeunots de 19 piges, un comble !) et de Thrash Revival. Un cocktail qui m’avait jadis donné un sérieux mal de crâne, de ceux qu’on s’attrape en tripotant un Rubik’s Cube.

J’avais passé quelques bonnes minutes à chercher la solution à ce problème d’accroche avant de conclure que j’avais mieux à faire de ma vie, à savoir commencer par régler mes propres problèmes avant de m’attaquer à ceux des autres. La chronique de The Shape Of Life To Come arrive donc à point nommé, près de deux ans après celle de Forgotten Sons. Des choses se sont passées depuis, les mentalités ont évoluées et mon regard sur BLACK CURTAINS est un peu différent aujourd’hui. Différent, car cet EP l’est également ! Si y a un truc qu’on ne peut pas leur enlever, c’est l’énergie et la pêche qu’ils dégagent. Déjà présente sur l’album, elle se retrouve décuplée sous on ne sait quel prétexte. Le tubesque « Tomorrow’s Just Like Yesterday » le confirme. Premiers envois de guitare très Thrash dans l’âme, toujours et encore dans un esprit hommage aux pionniers du style. J’ai pensé un instant que ça allait mal tourner mais non… A ma grande surprise, les sonorités old-school s’estompent vite au profit de riffs Metalcore et d’un refrain martial. Lucas a conservé son timbre granuleux mais en lui faisant gagner en profondeur. C’est déstabilisant au passage d’entendre un chant si rauque sortir d’une gueule d’ange pareille. Il débite désormais à intervalles réguliers avec son copain Nimrod (batterie et choeurs) des growls, des screams, des pig-squeals (?!) sur l’éponyme et « Falsity », du chant clair sur « Pandemic Skies » ou « This Is Already Afterlife » ainsi que toute la panoplie du bon petit chanteur, sans artifices apparents. Grosse nouveauté pour moi également, l’arrivée, peut-être motivée par le succès de BETRAYING THE MARTYRS, de breakdowns résolument « crabbys », tout du moins éléphantesques. C’était quelque chose qui passait totalement inaperçu sur Forgotten Sons, autant dire que là, on ne peut pas les rater ! Après avoir tapé dans l’ancien, BLACK CURTAINS fait désormais dans le moderne, et je ne vais pas m’en plaindre, puisqu’il en découle des points positifs inespérés. Tellement plus accrocheur, cet EP fait ce qu’on lui demande ; frapper dans les zones sensibles. C’est carré, propre, assez technique. Certes, les parisiens font encore un peu de touche-pipi et on sent qu’ils jouent parfois avec le frein à main, mais pourquoi s’évertuer à dire du mal de compositions massives et intelligentes comme « This Is Already Afterlife » ou « Falsity », qui font parler la poudre aux moments opportuns ?

Malgré le peu d’enthousiasme que suscite en moi les chroniques d’albums « deuxième chance », c’est sans regrets que j’en ai donné une à BLACK CURTAINS. Je partais sans grandes attentes avec ce combo qui m’a très agréablement surpris. Je me disais qu’au pire, ils me feront perdre à nouveau une demi-heure de mon temps et qu’au mieux, ça sera moins pire que la dernière fois. Bingo ! The Shape Of Life To Come a dépassé toutes mes espérances. En même temps, avec un groupe qui passe ostensiblement de « Thrash vieillot » à « Metalcore moderne », ça ne pouvait que bien se passer.