En 2007, ce jeune quintette originaire de Jyväskylä avait bien surpris les amateurs du genre avec son premier album, qui proposait un Metal atmosphérique sombre, mélancolique et violent. Leur passage au Hellfest, notamment, les a également dévoilés à un plus large public. Et c’est donc une attente palpable qui a fini par s’installer, au sein du cercle de connaisseurs, lorsqu’Isolation Songs a été annoncé.

La formation ne se contente pas de reproduire son premier album et, si Guided By Fire était nerveux, ce nouvel opus joue davantage la carte de l’affliction. Ils composent avec leur cœur, et cela se ressent dans les nombreuses lignes de guitares, toutes plus bouleversantes les unes que les autres. La majorité des titres sont, d’ailleurs, conditionnés à faire mouche dès leur entame du fait des omniprésentes introductions d’arpèges acoustiques sensibles, accompagnées de cymbales légères et d’un fond atmosphérique. Et si l’effet ne prend pas, il suffit d’attendre les refrains, lancés par des leads magnifiques, qui finissent par s’harmoniser pleinement avec la brutalité des vocaux engendrés. Sublimes et renversantes, les mélodies des guitares de Tommi, et Wille, éclairent les plages d’une touche d’espoir, tout en apportant plus d’entrain. Car les morceaux sont généralement longs, et parfois complexes, à l’image de « Concealed Revulsions » qui, malgré ses multiples pistes mélodiques, s’avère facilement accessible et d’une grande addiction. Ou, tel que sur la magistrale instrumentale qu’est « 22:22 - Nihil », leur participation divine tend à rapprocher d’horizons élégiaques. Avec l’intégration d’Aleksi comme membre permanent, les titres sont parés de nappes atmosphériques, ainsi que de partitions de piano qui enrobent les riffs solides pour adoucir leur colère. Les ambiances, non exemptes d’influences Post-Rock par le biais des arpèges aériens, sont alors subtilement arrangées pour provoquer les sensations refoulées de l’auditeur. Cela mène à la présence de maintes sections calmes, reposantes et berçant habilement les mélodies, tout en sachant croître en tension (« A Storm Inside »).

Un titre avec un chant clair bien à propos qui plus est. Car, si les instruments s’échangent avec cohésion entre passages mélancoliques enjoliveurs, et d’autres dominés d’une rythmique affutée, il est un membre qui exprime, à lui seul, toute cette harmonie de saveurs. Manne pose ainsi, de sa voix des plus reconnaissables, un chant clair très épuré pour le genre, avec quelques consonances Rock et Pop. Apparaissant sur les breaks minimalistes, embrumés de samples, sa voix, d’une sincérité rare, offre des intonations agréables, réellement travaillées sur leur aspect émotionnel. Ses lignes, d’une pureté inconcevable, transcendent les sentiments à l’aide des cordes solennelles. Le frontman est passionné, s’accouplant aux riffs d’orfèvre (« Into The Black Light »), ou menant un voyage nostalgique, au travers de « Secrets Of The Earth », empreint de claviers affectés. En plus de ces atouts charmeurs, Manne continue de fasciner par la totale maîtrise de sa palette vocale riche en nuances. Exploitant bien mieux son chant hurlé, il se sert de l’énergie délivrée par les riffs pour intensifier son impact. « Architect Of New Beginnings » affirme cette forte conviction avec laquelle il sort ses vocaux déchirés.

Et ce, principalement lors des couplets, également parcourus de riffs modernes et efficaces (« Suffocated »). En ces sections offensives, l’on assiste à une véritable symphonie des motifs forts et entraînants des cordes, complètement envoûtés par les leads se glissant au sein des structures. Ces même leads, splendides, qui invitent la rythmique à se tordre de douleur en se déversant dans ses entrailles. Hormis quelques envolées rageuses déconcertantes, sachant toutefois conserver une part de beauté (« My Heart Is A Tomb »), le tempo se veut globalement morne, seulement perturbé de quelques relances dynamiques des riffs. La batterie est donc suffisamment en rentrait pour temporiser les morceaux sans les écraser, prolongeant, en outre, la dimension onirique des textures du fait de ses composants clairs mis en avant. Veli-Matti livre des plans saisissants aux côtés des guitares impassibles, poursuivant impétueusement son but. Il exhibe, par la même occasion, un jeu époustouflant de maîtrise pour accompagner les vocaux monstrueux de « Birth ». Enfin, de sa participation bourdonnante, sur les portions laissées à la mélodie intimiste, à la vigueur retenue dont il fait preuve pour tapisser les titres, Janne s’exécute sur une basse palpitante, résonnant pleinement aux milieux des cymbales. Ses quelques éruptions pour enrober les lignes principales suffisent à prendre aux tripes. Et, sur « Lost In A Loop », l’instrument se montre pachydermique en complément des percussions menaçantes, créant une ambiance lourde, qui sera sciée d’un pont majestueux au violoncelle, figeant la piste en un diorama intemporel.

GHOST BRIGADE ne s’impose pas de limitations des genres qu’ils font intervenir dans leur album. Entre voix gracieuses, cordes détonantes, et mélodies enivrantes, l’ampleur atteinte est incommensurable, faisant chavirer n’importe quelle émotion dans sa lancée. L’on pourrait néanmoins reprocher l’utilisation constante des mêmes artifices infaillibles sur l’auditeur : intros d’arpèges, sections énervées en alternance, et apparition décisive des leads enterrant toute réclamation. Ce constat est, toutefois, relatif, au vu de la qualité intrinsèque de chaque composition à briller amplement d’elle-même, tout en se montrant indispensable à l’accomplissement diversifié du disque. Il est effectivement difficile de résister à ces sonorités antinomiques qui se complètent, malgré tout, à merveille, dans l’optique d’élaborer de somptueuses fresques riches en sensations, au sein de cet auguste polyptyque qu’est Isolation Songs.