Par un étrange concours de circonstances que je ne saurais expliquer rationnellement, BETRAYING THE MARTYRS a survécu. Survécu aux attaques, viles et basses, de l’opinion publique. Survécu aux coups de Trafalgar et aux bâtons qu’on leur a planté, non pas dans les roues, mais dans le dos. Avec une pugnacité admirable, les martyrs ont poursuivi leur dessein de propager des ondes positives au gré d’un Deathcore touffu et plein de bonnes intentions. Souvenez-vous, le 18 novembre 2009 paraissait The Hurt, The Divine, The Light, entrainant derrière lui un quintal de réactions qui laissaient apercevoir dans le meilleur des cas, de l’indifférence. Je faisais jadis les louanges de cet EP dans ces mêmes colonnes (ce qui m’a couté quelques railleries, parfois déplacées) et j’en ferais de même aujourd’hui avec Breathe In Life, un premier album qu’on savait attendu. Et qu’importe les emportements que ces lignes provoqueront, je les assume pleinement. Vous constaterez d’ailleurs de vous-même que les arrivées conjuguées d’Aaron (chant, ex-FOR UNTOLD REASONS) et de Lucas (guitare, BLACK CURTAINS) pour remplacer respectivement l’emblématique Eddie et Fabien vont conférer à BETRAYING THE MARTYRS des atouts nouveaux que vous ne suspectiez pas et que je vous suggère de découvrir.

Ce groupe là n’a plus grand-chose à voir avec celui qui avançait parfois à tâtons sur l’EP. Il leur sera certes difficile de décoller l’étiquette de « groupe MySpace », mais Dieu sait qu’avec Breathe In Life, ils vont clouer quelques caquets. Parlons d’abord de l’introduction, très imagée avec des chœurs, des pianos, des orchestrations magistrales qu’Hans Zimmer lui-même jalouserait. C’est un avertissement, sonnant et trébuchant. Une mise en garde contre quelque chose qui pourrait bien nous dépasser. Et en effet, « Martyrs » le confirme. On découvre le chant d’Aaron, et le bestiau sait y faire. Dans un registre différent de celui d’Eddie, notre anglais débite ses couplets avec un excellent flow et surtout, un timbre guttural et massif qui colle parfaitement à la musique. Le chant clair de Victor, un peu nasillard et assimilable à celui de Ben Bruce (ASKING ALEXANDRIA) s’incruste rapidement dans l’affaire pour un refrain transportant, porté par des lignes de guitares syncopées et explosives. On retrouve parfois l’ancien BETRAYING THE MARTYRS, celui de l’EP, comme sur l’énormissime « Because Of You » dont le refrain dirigé de voix de maîtres par Aaron et Victor côtoie les étoiles, avant un final atmosphérique et entêtant. Un grand professionnalisme et une grande maitrise se dégage de Breathe In Life, qui jouit d’un mixage très américain, œuvre de Charles Wall (WHITECHAPEL). Les petits français semblent avoir trouvé une identité, une marque de fabrique. Les compositions sont oppressantes, la plupart du temps guidées dans des sentiers tortueux par Lucas et Baptiste (guitares), monstrueux de technicité. A partir de « Liberate Me Ex Inferis », l’album prend une tournure plus sombre encore. Les passages en mid-tempo s’additionnent et aboutissent à une composition malsaine et pessimiste comme « Love Lost » avec une guitare lead qui fait tranquillement cavalier seul pendant que tous les autres sont occupés à envoyer la sauce. C’est sur cette création que les claviers font également le meilleur effet, car ils auraient été plus épiques que je ne m’en serais pas plaint. BETRAYING THE MARTYRS nous fait aussi l’effort d’une composition plus poétique avec « Azalee », sur laquelle Aaron s’absente au profit de Victor et de ses claviers. Un choix qui n’est pas sans rappeler le « Louder Than Thunder » de THE DEVIL WEARS PRADA, placé exactement en même position sur l’album With Roots Above And Branches Below. Les martyrs nous quittent avec « When You’Re Alone » qui fait un peu étalage de leur catalogue et démontre clairement une volonté de pousser la démonstration de force jusqu’au bout. La messe semble dite que des orgues viennent nous achever et achever de nous faire penser que définitivement, on est face a une entité qui a tout compris.

On ne pouvait espérer meilleur réponse que ce Breathe In Life. On leur disait de prendre leur temps tout en leur reprochant finalement de trop le prendre. L’impatience impie se lisait sur les visages, ou peut-être était-ce juste l’envie d’avoir un argument matériel pour pouvoir ajouter un clou à leur cercueil. Mais BETRAYING THE MARTYRS ne leur a pas donné cette chance. Certains se repentiront après cette expérience et d’autres persisteront, convaincus de leur foi, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Mais une chose est sûre, un seul des deux larrons dort aujourd’hui l’esprit tranquille.

L'un des malfaiteurs suspendus à la croix l'injuriait : « N'es-tu pas le Christ ? Sauve-toi toi-même, et nous aussi. »
Mais l'autre, le reprenant, déclara : « Tu n'as même pas crainte de Dieu, alors que tu subis la même peine ! Pour nous, c'est justice, nous payons nos actes : mais lui n'a rien fait de mal »
Et il disait : « Jésus, souviens-toi de moi lorsque tu viendras avec ton royaume. »
Et il lui dit : « En vérité, je te le dis, aujourd'hui tu seras avec moi dans le paradis. »

Evangile selon Saint-Luc, 23, 39-43