CELTIC FROST (ch) - Morbid Tales / Emperor's Return (1984)
Label : Noise Records
Sortie du Scud : juin 1984
Pays : Suisse
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 46 Mins
Après avoir pris conscience qu’il valait mieux mettre un terme à l’aventure HELLHAMMER, de par l’ensemble des réactions négatives des medias d’une part, causées par l’imagerie du groupe et sa faible capacité à jouer correctement, et aussi pour avoir expérimenté une recette qui de toute façon, ne le mènerait nulle part, Tom WARRIOR débaptise son groupe pour le renommer CELTIC FROST, loin de toute connotation péjorative.
Et c’est bien là la seule différence qui puisse exister entre les deux combos, tant la musique pratiquée est similaire, avec toutefois des nuances de taille, notamment au niveau technique des instrumentistes, qui cette fois ci, jouent presque correctement.
L’histoire de Morbid Tales est multiple. Pour un six titres en Europe, les Américains eurent droit à un 8 titres (phénomène courant dans l’industrie du disque, puisque le The 5.98 dollars Garage Days Re-re Visited de METALLICA fut amputé pour des raisons de durée de « The Wait » en Angleterre), pour que le produit corresponde à un format LP. Puis, il fut réédité avec en bonus le EP Emperor’s Return. Il convient donc de prendre en compte la sortie augmentée de ce disque pour en faire une analyse exhaustive, car parmi tous les titres supplémentaires, « Dethroned Emperor » et « Morbid Tales », font parties des moments forts de l’album.
Alors que nombre de kids en Europe, ainsi que pas mal de journalistes de l’underground de l’époque considéraient Apocalyptic Raids comme une référence, et une réelle innovation dans le petit monde sclérosé du Metal, Tom avait une vision bien différente de son œuvre. Fasciné par le Heavy, il souhaitait en effet jouer la musique la plus lourde du monde, mais pas de n’importe quelle manière. A terme, et relativement court, il rejeta son premier enfant, sans doute lassé de constater que les critiques le considéraient comme une blague.
Un peu honteux mais sans se départir de ses ambitions, il se remit au travail en essayant de gommer les imperfections de son séminal et initial effort pour produire quelque chose de plus abouti.
Et de dire qu’il réussit la gageure est loin d’être inepte.
Car Morbid Tales n’est rien de moins qu’une relecture d’Apocalyptic Raids, l’expérience en plus.
Avec pour seul comparse, Martin Eric Ain à la basse, et des difficultés permanentes pour trouver un batteur digne de ce nom, l’histoire de CELTIC FROST commençait bien mal. Mais tous ces problème de line-up – à l’instar d’un autre groupe éminemment influent de l’époque, qui détestait par ailleurs la musique du FROST, je veux bien sur parler du Quorthon de BATHORY – ne firent que confirmer Tom Warrior dans son désir de proposer une musique novatrice, qui se démarquait des us et coutumes de l’époque.
Et tout comme le seul et unique EP de HELLHAMMER, le premier vinyle de CELTIC FROST se basait sur des ambiances malsaines, sur des accords sombres, ainsi qu’une alternance de climats pesants et envoûtants, et de furieuses accélérations speed tout aussi inconfortables.
Le morceau d’ouverture en est la plus parfaite illustration. Car après une courte intro aussi dépouillée que réussie, « Into The Crypts Of Rays » déboule sans crier gare et nous ramène au bon souvenir de « Massacra », sortie quelques mois plus tôt. La voix de Tom est toujours aussi intrigante, mais le rythme rapide est beaucoup plus assuré, et cette fois ci ne dessert pas les riffs simples et ténébreux. « Visions Of Mortality », loin d’être anecdotique, multiplie les breaks, les accélérations, et les passages pesants. Offrant une fois de plus un solo aux limites du non sens, CELTIC FROST assure la transition en douceur, tout en restant plus noir que bon nombre de ses collègues.
« Dethroned Emperor » mise sur la lourdeur, avec son refrain emphatique et majestueux, qui a du tomber plus d’une fois dans l’oreille de John Tardy d’OBITUARY. Avec un riff une fois de plus épuré à l’extrême, et qui sera repris par bon nombre de groupes de Thrash/Death, le FROST instaure une ambiance poisseuse, et invente du même coup le Death Metal et le Doom moderne. Pas mal pour un petit combo Suisse autant décrié !
Absent du pressage européen, « Morbid Tales » vient achever cette face A comme elle avait commencé, dans un tempo très rapide, portant sur ses épaules solides une ligne de guitare tranchante comme l’acier. Le fameux « Are your morbid ? » lancé par Tom, devient de fait implicite, tant il est certain que son public va le suivre dans cette aventure.
La seconde face s’ouvre sur un des plus grand morceaux du FROST (repris notamment par…OBITUARY !), « Circle Of The Tyrants », archétype de la compo glauque et poisseuse. Une fois de plus, le groupe joue sur les contrastes, et alterne les rythmiques avec une précision qui ne lui était guère coutumière jusqu’alors. Le fantastique pattern de batterie de Reed St Mark avec ses roulements de caisse claire/grosse caisse apporte un véritable plus à la composition, et on peut déjà sentir toute la maturité à venir.
« Procreation Of The Wicked », le morceau le plus linéaire du LP, mais en aucun cas le plus faible, n’est que pesanteur. La voix de Tom, très éraillée, traîne des pieds comme son lick de guitare gluant, et colle à l’oreille comme un vieux chewing-gum tombé là par hasard.
« Return To The Eve », est assurément le morceau le moins intéressant du LP, tant il se complait à proposer des recettes déjà éprouvées auparavant, sans y ajouter d’ingrédients nouveaux. Un « filler » comme on dirait dans le langage studio. Son seul intérêt réside dans l’utilisation furtive de chœurs féminins, ce qui deviendra par la suite une des obsessions de Tom, et un gimmick récurrent.
« Danse Macabre » est sans doute le lien le plus fort qui puisse exister entre HELLHAMMER et CELTIC FROST. Sorte de demi instrumental macabre, comme son nom l’indique, uniquement constitué de digressions vocales et d’arrangements synthétiques, il se calque sur la ligne de « Triumph Of Death », et annonce avec un paquet d’années d’avance les débordements d’ABRUPTUM et son piano funèbre, ainsi que la vague de Funeral Black des années 2000. Une véritable réussite, sorte de pendant maléfique au « Revolution 9 » de Lennon, il met mal à l’aise, et dérange de la même façon que bon nombre d’expérimentations de Diamanda Galas, voire même d’EINSTURZENDE NEUBAUTEN.
Alors pour aérer un peu le tout, « Nocturnal Fear », en bon burner qui se respecte recentre les débats, et clôture l’album (dans sa version 6 ou 8 titres) comme « Into The Crypts Of Rays » l’avait commencé.
« Suicidal Winds » reste emblématique de la nouvelle tendance du parti, et insère des parties très rapides dans un ensemble mid tempo, avec une voix étrangement sous mixée.
On peut au final considérer « Visual Aggression » comme une version accélérée de « Nocturnal Fear », avec toutefois une partie centrale bien Heavy, et cette fois ci, le gosier de Tom qui ressurgit au premier plan pour se montrer plus menaçant.
Morbid Tales sera l’album de la bande à Warrior qui aura eu le moins d’influence sur la scène underground, ce qui parait logique, puisqu’il ne fut qu’une extension améliorée de son prédécesseur, Apocalyptic Raids. Un meilleur son, un niveau instrumental un cran au dessus, et une propension à abandonner petit à petit les oripeaux sataniques pour des textes plus fouillés, quoique encore assez naïfs dans leur expression. A partir du LP suivant, CELTIC FROST délaissera petit à petit les tempi speed pour développer des ambiances très lourdes, et une fois de plus endosser le rôle de leader de l’extrême, influençant au passage quelques uns des groupes les plus fameux de l’histoire du Metal.
Discographie Complète de Celtic Frost :
Morbid Tales / Emperor's Return (Album - 1984),
To Mega Therion (Album - 1985),
Into The Pandemonium (Album - 1987),
Cold Lake (Album - 1988),
Vanity/Nemesis (Album - 1990),
Parched With Thirst Am I And Dying (Best-Of - 1992),
Monotheist (Album - 2006)
Metal Impact Bonus :
HELLHAMMER (ch) - Apocalyptic Raids (EP - 1984),
HELLHAMMER (ch) - Demon Entrails (Best-Of - 2008),
Order of The Tyrants (Tribute - 2003)
Ajouté : Mercredi 04 Mai 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Celtic Frost Website Hits: 29506
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