SKID ROW (usa) - Slave To The Grind (1991)
Label : Atlantic Records
Sortie du Scud : 11 juin 1991
Pays : Etats-Unis
Genre : Heavy Rock
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 48 Mins
Après avoir mis le monde à genoux avec un premier effort qui, s’il ne faisait pas vraiment avancer les choses avait le mérite de les présenter telles qu’elles étaient, SKID ROW revint deux ans plus tard, avec la même équipe et toujours Michael Wagener à la production. 1991 fut la dernière année faste du Heavy Metal aux USA, juste avant que NIRVANA ne convertisse les médias à la rébellion made in Seattle, chemises à carreaux et retournements de vestes à l’appui. DEF LEPPARD eut juste le temps de vendre un dernier album avant de tomber dans les oubliettes des charts, et les GUNS en profitèrent pour ramasser la mise avec deux doubles albums pompeux et grandiloquents.
A ce moment là, MTV tourna sévèrement le dos à tous les groupes qui avaient fait les beaux jours de la heavy rotation, et le Hair Metal devint l’ambulance sur laquelle il fallait tirer. Pour survivre, nombre de combos adoptèrent des poses plus agressives, et durcirent considérablement le ton de leur musique (WINGER et son excellent Pull, en 1993, WARRANT et son abominable Dog Eat Dog en 1992, ou même MÖTLEY avec l’album éponyme featuring John Corabi en 1994, etc…).
Le mot d’ordre était lancé, haro sur le baudet, et SKID ROW ne fit pas exception à la règle. La seule différence, c’est qu’il réorientèrent leur style bien avant, et restèrent donc de facto plus crédibles que les autres.
Et là où bon nombres de leurs confrères se plantèrent en beauté en troquant le make-up contre la graisse de vélo, Sebastian et les siens s’autorisèrent une des plus belles excursions du Hard Rock aux frontières du Power Metal, dans la plus droite lignée de JUDAS PRIEST, IRON ANGEL, LEATHERWOLF, ou autres ICED EARTH.
Car ne nous y trompons pas, Slave To The Grind est bien plus que du simple Heavy Metal puissant. C’est une déclaration d’intention, un bras d’honneur aux conventions, une chaîne de la haine perdue dans un océan de confusion et de lettres mal écrites.
Alors que les SKIDS auraient pu se contenter de reproduire une recette qui avait fait d’eux des stars mondiales, ils tentèrent la prise de risque maximale, en mixant leur attitude punky dans de purs riffs thrash, et ils accouchèrent ainsi d’un des disques les plus fondamentaux des années 90.
Dès l’intro de « Monkey Business », on sentait que les choses allaient être différentes. Le chant suave de Seb’ serrait les dents, et la guitare se faisait déjà plus que menaçante. Mais lorsque cette putain de gueulante nous vrilla les tympans, il fallu se résoudre à accepter l’inévitable. SKID ROW était devenu une machine à broyer. Rien que ce morceau suffit à enterrer bien profond le Painkiller de son idole Rob Halford sorti l’année précédente, et de faire de lui un vulgaire aboyeur de basse cour. Le sieur Bach voulait son trône, et il alla loin pour le conquérir. Aidé en cela par un quatuor d’instrumentistes plus malins que la moyenne, et d’une production qui déchirait tout sur son passage, « Monkey Business » sonnait l’hallali du Hard Rock timoré et tiède avant d’avoir été consommé, et préfigurait le PANTERA de Vulgar Display Of Power.
« Slave To The Grind » était juste incroyable pour l’époque. Rythmique Speed Metal, guitares tranchantes, basse au rasoir et batterie enclume, le tout enrobé d’un chant vindicatif sorti des tripes. Oser débuter un album par deux beignes aussi magistrales était un rude signe de confiance en soi, et c’est bien d’Ego dont il s’agit ici. Bien décidés à s’affranchir du parrainage désormais encombrant du pape du Hard-Fm tonton Bongiovi, les SKIDS ridiculisent la concurrence et la laissent dix bornes derrière.
Mais si « Monkey Business » et « Slave To The Grind » remirent bien vite les pendules à l’heure, que dire de « The Threat » qui puait la baston de rue à cent bornes ? Osons le néologisme stylistique, et affirmons que SKID ROW inventa avec ce morceau le Gangsta-Métal. Car si les ICE-T et autres Dr DRE manièrent les mots comme les triades le règlement de compte au couteau, avec ce morceau, Rachel Bolan transforma sa basse en hachoir, et lacéra nos enceintes de ses attaques de médiator.
Si toutes les midinettes attendaient leur « 19 and Life », elles durent être sacrément déçues lorsque « Quicksand Jesus » retentit. Mythe improbable de la Power Ballad, qui relègue « This Love » de PANTERA au rayon des invendus du romantisme létal, cette chanson offre à Sebastian l’occasion de démontrer toute l’étendue de son talent vocal, de la simple caresse buccale qui séduit, au hurlement déchirant qui fait éclater tous les miroirs. Je l’ai déjà dit, je le répète, et je l’affirmerai toujours, Sebastian reste LE chanteur de Heavy Metal à part, avec une classe et une désinvolture hors norme qui lui permettent tous les écarts.
« Psycho Love » recentre le propos, et une fois de plus Rachel s’en donne à cœur joie, tandis que Scotti et Dave torturent leurs six cordes avec délectation. Et lorsque la première salve prend fin avec le terriblement juvénile « Get The Fuck Out », on se souvient avec un sourire aux lèvres d’EXTREME qui se contentait d’un « Get The Funk Out », et on se plait à mesurer toute la distance qui sépare les gentils fouteurs de merde des sales batards désoeuvrés. Et lorsque Sebastian, dans un élan d’élégance rare envers la gent féminine, leur lance l’injonction de bien envelopper son « attitude » dans leur bouche, on l’imagine sans problème le pantalon sur les chevilles.
« Livin’ On a Chain Gang » et « Creepshow » auraient pu être vendues en duo, tant leur trame est similaire. Toujours cette même colère à peine contenue, toujours ce refrain qui explose, et on se laisse prendre au piège, comme un pauvre collégien racketté pour la centième fois.
« In A Darkened Room », petite demi-sœur de « Quicksand Jesus » nous laisse le temps de reprendre notre souffle, avant le gigantesque pain qu’est « Riot Act ». Sorte de « Sweet Little Sister » sous speed, ce morceau autorise une fois de plus Seb à cracher son ressenti sous la forme d’un gros glaviot qui vous tombe sur la gueule en passant sous une fenêtre. Passons sous silence « Mudkicker » dont la lourdeur n’est utile que pour introduire la perle finale, le sublime « Wasted Time », hymne à la perte d’un être cher, et qui justement file la chair de poule. Dire que tout est à sa place, telles une seringue et une cuillère posées sur une table de nuit est un euphémisme inacceptable. Peut être le plus grand morceau de SKID ROW tant le chant vous étrangle, et ce, jusqu’au « I’d never thought you’d let it get this far, boy » final, poignant…
Alors oui, SKID ROW a osé. Et le pari a payé. « Monkey Business », « Slave To The Grind », « In A Darkened Room » ont toutes trois trouvé leur place dans les classements, et la réputation du groupe resta sans tâche. Sortir un tel chef d’œuvre après un seul album, est une gageure qu’il fallait remporter, sous peine de disparaître corps et âme dans les souvenirs de fans éplorés. Mais les SKIDS n’ont jamais eu l’instinct grégaire, et il fallait s’y attendre, un jour, à ce cavalier seul.
Quel dommage que ce pic fut quasiment signe de la fin de la cordée, avant le départ de Seb.
Mais nous n’en sommes pas encore là.
Ajouté : Lundi 18 Avril 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Skid Row Website Hits: 11014
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