Comme d’habitude, la France, en matière de courants musicaux avait un train de retard dans les années 80, et le Heavy Metal ne dérogeait pas à cette règle. Quant eu Thrash, n’en parlons même pas… Mais ne blâmons pas les groupes qui tentaient désespérément de sortir de la norme, et parlons plutôt des structures de production et de l’attitude frileuse des labels qui hésitaient au moins trois ans avant d’oser sortir quelque chose de neuf en notre beau pays.

Le cas LOUDBLAST est des plus élémentaires. Sevrés de son saturés conjointement envoyés par la côte Ouest des USA (METALLICA, SLAYER), et la côte est (l’école TAMPA et les studios Morrisound où ils finiront par enregistrer), autant que par les débordements de l’Europe centrale (KREATOR, DESTRUCTION, SODOM, quoique cette vague là inspira plus des combos comme MASSACRA ou les fameux AGRESSOR…), la bande à Stéphane Buriez ne désirait que propager la bonne parole extrémiste dans l’Hexagone.
Bénéficiant d’une solide réputation de groupe live, et auréolés d’un Split LP légendaire avec les potes d’Antibes (encore AGRESSOR…), LOUDBLAST finit par son sortir son premier longue durée sur un label confidentiel et spécialisé (Jungle Hop, Thrash, Hard-Core et autres défenseurs de la cause animale…), et pu enfin exposer ses arguments de manière décente.

Tenant plus du cri primal post accouchement que de la digression explosive sur des théories Freudiennes contestables, Sensorial Treatment méritait fort bien son nom, et nous explosa bien les oreilles en cette magnifique année 1989. Bien qu’imparfait, ce premier album reste selon moi, l’achèvement définitif des Français, tant sa fraîcheur et son caractère instantané restent inégalés si l’on prend en compte le reste de leur discographie, plus réfléchi mais infiniment plus pompeux.

Un peu MORBID ANGEL pour les structures alambiquées, pas mal EVIL DEAD pour la brutalité obèse, avec un soupçon de WERHMACHT / CRYPTIC SLAUGHTER pour les tempi incontrôlés, Sensorial Treatment privilégie la brutalité outrancière, en la mâtinant de finesses de compositions qui annoncent la maturité à venir. Alors évidemment, les riffs ont parfois un air de déjà entendu, les breaks ne sont pas toujours d’une précision chirurgicale, mais mettons ces petites maladresses sur le compte d’une jeunesse enthousiaste et désireuse de faire partager sa passion pour la folie musicale.
L’histoire retiendra de cet album les « hits », si tant est que l’on puisse les appeler ainsi, et « Trepanning » accompagné de son petit frère « Malignant Growth » de vous replonger dans le contexte de l’époque. Mais oublier de fantastiques morceaux telle l’ouverture lourde et pesante de « Fatal Attraction », avec sa double pédale nonchalante, ou l’hystérique « From Beyond », traversé d’un pont lumineux, serait pure hérésie.
« Agony », le titre le plus long de l’ensemble, et son intro grondante mérite aussi qu’on s’y attarde, ne serait ce que pour son aspect hermétique et sa démarcation par rapport au reste de l’édifice.
Niveau production, pas grand-chose à dire, elle reste dans les standards de la fin des 80’s, et permet de discerner tous les instruments, et même la basse, fait rare pour l’époque. La voix de Steph reste sourde, menaçante, sauf bien sur sur la private joke et célébrissime « Pouss Mouss », cheval de bataille de fin de concert.

Avec Sensorial Treatment, LOUDBLAST prenait une envergure européenne, ce qu’il confirma par la suite, avec des albums impeccables, même si je ne peux m’empêcher de leur trouver un aspect clinique un peu rebutant. Ce premier véritable LP montre un groupe sur de son potentiel, mais pas encore débarrassé de certains tics non dénués d’un certain charme (Il existe des fans qui préfèrent encore In The Sign Of Evil à Agent Orange dans le cas de SODOM…), car révélateurs d’une adolescence pas encore terminée et chargée en souvenirs pour la plupart d’entre nous.
Il n’en reste pas moins que cet album fut une sérieuse carte de visite, qui s’écoute encore avec grand plaisir en 2011, n’ayant que très peu vieilli.