MEHTNAKRISS (FRA) - A Grey Moment (2011)
Label : Noise Head Records
Sortie du Scud : 27 janvier 2011
Pays : France
Genre : Death / Thrash Metal Mélodique
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 44 Mins
Il y a un an et demi, MEHTNAKRISS se faisait enfin connaître de façon professionnelle, grâce à la sortie d’un premier EP qui a su surprendre de par sa qualité et son efficacité. Parfaitement ancré dans une optique Death Mélo, il rendait honneur aux piliers du genre, en restituant des mélodies maîtrisées et ambiancées, ainsi qu’une puissance rythmique, et vocale, consistante. A l’époque, le problème récurrent du groupe bisontin était la forte instabilité de son line-up qui permettait, difficilement, de tirer des plans sur la comète quant à de futurs projets. Malgré le remplacement de Chewkey par Phil, juste après la réalisation de l’EP, il semble que la formation soit désormais parvenue à maintenir un quintette durable, ce qui ne peut lui être que favorable pour son évolution musicale. Ainsi, l’année 2010 a été riche en concerts qui leur ont offert l’occasion de déployer et affiner leur talent scénique, et ensuite, de signer un contrat avec le label Noise Head Records. Ce dernier a alors octroyé ses studios aux Bisontins afin qu’ils puissent, enfin, enregistrer A Grey Moment, leur premier album censé confirmer le fort potentiel discerné sur l’EP.
Grâce à Trëz, déjà au pinceau pour la sortie précédente, l’opus se pare d’un artwork au style bien personnel et particulier, du quel on peut reconnaître les influences de Seth Siro Anton, pour sa capacité à imposer sa vision pessimiste de l’être humain - l’Obscurarium telle qu’il la définit - au travers de ses œuvres. L’artiste livre ainsi une représentation macabre de l’Homme de Vitruve, tourmenté et se dressant au centre d’un univers oppressant. Une pochette qui suffit à s’imaginer des pistes sombres et torturées.
Alix, au chant, emploie son talent à retranscrire ce ressenti, réitérant avec des invectives puissantes et habitées (« Precious Stone »). Le groupe n’a pas flanché à incorporer des passages en voix claire, et estampille donc ce disque d’une férocité mordante. Même si l’on sent encore une maîtrise qui demande à être perfectionnée, la prestation du frontman reste constamment extrême et hargneuse, et apporte leur virulence aux compositions. Loin d’être monotone, ses lignes se révèlent expressives et oscillent généralement entre un chant égosillé et râpeux, et des growls gutturaux. De là, il réalise différents enchaînements et combinaisons pour tenter de nuancer les morceaux et concorder avec la rythmique vive qui ne fait que renforcer l’âpreté de ses propos. Ainsi, ses lignes vocales s’orientent parfois vers des tournures Black, à l’instar de « The Weight Of Sickness » et ses hurlements criards dépressifs, ou même le dernier titre qui prend vraiment une dimension Black épique sur son introduction. De surcroît, les nombreux hurlements de folie que pousse Alix au long de l’album ne font que renforcer ce côté du genre musical. En plus de cela, on y retrouve également quelques dédoublements vocaux, appuyant la frénésie des pistes, ainsi que pas mal d’overdubs, généralement placés aux moments des refrains pour accroître la profondeur. Ceux-ci se veulent d’ailleurs encore, majoritairement, peu démarqués du reste des titres, même si certains se voient plus intenses, essentiellement grâce aux guitares y insufflant des riffs accrocheurs (« Grey Zone »).
Concernant ces dernières, le principal regret va en défaveur de la production qui apparaît moins propre qu’auparavant et dessert ainsi les riffs rythmiques dont le rendu est bien trop saturé, ce qui entraîne plusieurs passages brouillons, devenant un brin ennuyants pendant trois quarts d’heure. Il suffit d’écouter l’arrivée explosive inaudible de l’instrumentation sur « From My Afterlife » pour s’en rendre pleinement compte, et c’est dommage puisque ce titre, tout comme l’ensemble de l’opus, dispose de guitares agressives aux riffs tranchants qui ne se ménagent pas pour stimuler les morceaux sur des tempos décapants. Malheureusement, il est également le bénéficiaire d’une démonstration maladroite et trop étendue, ce qui n’est pas les cas des autres plages telles que « The Everlasting Night », et son solo véloce, ainsi que celui de la piste suivante, bien qu’il ne soit pas assez mis en avant. Côté jeu mélodique, Schap et David conservent une approche suédoise et, plus spécialement, puisent leur bagage dans les années 90, aux débuts de la scène Death Mélo. On est donc en présence de riffs classiques mais qui se montrent toujours aussi efficaces (« A Grey Moment »). Néanmoins, c’est sur « Sink To Madness » que les deux guitaristes révèlent une maîtrise mélodique de qualité, qui ne fait pas dans la virtuosité, mais s’établit de par des leads texturés participant à la construction d’une atmosphère riche et empreinte de sentiments.
La qualité sonore des riffs grondants n’accorde pas, du coup, l’occasion à la basse de se distinguer à sa convenance des autres cordes, et Chewkey se voit donc contraint de s’embourber dans les saturations, sans que l’on sache vraiment à quels moments il est véritablement présent. Il faut donc se contenter des nombreux ponts où l’instrument ressort agréablement en acoustique, et bâtit confortablement l’ambiance, comme sur les breaks pianotés de « Golden Fields », ou même sur « From My Afterlife », où sa présence est plus prononcée, notamment lors des relances rythmiques. Il faut dire que la batterie ne laisse aucune hésitation à avoir quant à l’efficience de son jeu. Yvan tabasse tout ce qui lui passe sous la baguette sans concession, sur des cadences toujours bien poussées. En dépit d’une exposition moindre, comparée au disque précédent, et de sections parfois lésées par la production (« I Am Your Regret »), cela n’empêche pas le batteur de sonner le branle-bas de combat au travers d’une double pédale qui bénéficie d’un rendu correct et puissant, et ainsi dominer les compositions de par son dynamisme brutal, se perdant souvent en de furieuses accélérations et blast beats endiablés, généralement pour soutenir les impétuosités d’Alix. Qui plus est, il propose un jeu qui laisse peu de place à la répétitivité.
Précisons alors que les pistes jouissent d’un travail d’écriture correct qui leur permet de se développer en évitant les combinaisons classiques entre couplets et refrains. De nombreux breaks s’inscrivent dans les structures, les faisant évoluer vers des phases plus déchaînées, ou plus placides et axées sur les claviers. Au regard des durées, MEHTNAKRISS occupe surtout les quatre minutes et plus, et l’on ressent à l’écoute que les idées sont présentes. Toutefois, malgré l’efficacité des titres, l’album a bien du mal à se faire marquant, et ne commence à être intéressant qu’à l’arrivée de la quatrième piste, grâce aux intenses passages entre growl et mélodies oldschool bien senties. Et c’est un des inconvénients majeurs de ce disque ; après maintes écoutes, difficile de se remémorer les morceaux, sans doute car MEHTNAKRISS est encore trop plongé dans des sonorités convenues et peine à surprendre. Pourtant, la composition « No Rest For Me » est clairement à souligner, démontrant que le groupe dispose quand même d’idées originales et de qualité. Il s’agit en fait d’une instrumentale, osée pour un premier album, puisqu’elle marque un des temps de lecture les plus longs du disque. Introduite par un oud, sur un air oriental, puis rejointe par la rythmique, bénéficiant étonnamment d’une meilleure production, la structure évolue alors avec cohésion, entraînant l’auditeur séduit aux détours de riffs cinétiques et de percussions dynamiques, puis à l’encontre de cordes plus symphoniques, ou acoustiques lors d’un pont atmosphérique.
D’ailleurs, le disque a beau être orienté vers une ancienne époque, les claviers, réalisés informatiquement par Schap, y trouvent tout de même une place pour apporter leur petite touche de modernité. On les croise sur un grand nombre de titres, en quantités plus ou moins mesurées, et selon diverses utilisations. En effet, lors des ponts, les nappes ambiantes installent une atmosphère pondérée, que le groupe se fait ensuite une joie de briser sauvagement, comme sur « Sink To Madness », où des tonalités symphoniques se font également entendre, « From My Afterlife », qui accueille une sorte d’orgue d’église, ou encore « Dead Again Lady », qui s’accorde avec l’acoustique sur des tons légèrement Folk, tandis que les samples électroniques de « Grey Zone » profitent à l’accroche du morceau en lançant les riffs et envolées mélodiques.
En soit, ce A Grey Moment n’est pas un mauvais album. Le groupe s’y montre énergique, tentant de balancer entre des rythmiques brutes et agressives et des mélodies efficaces, teintées par endroits d’un modernisme électronique. Néanmoins, le disque peine à apporter cette petite touche mémorable qui permet aux morceaux de vraiment briller et de s’imposer comme des incontournables. Bien qu’on apprécie le travail réalisé quant à la construction des titres, la production trop brouillonne et acerbe dessert, paradoxalement, les compositions, par un rendu sonore peu clair sur une section rythmique un peu trop en retrait. La qualité de la piste instrumentale laisse toutefois espérer que le groupe tente plus d’approches personnelles, dans cette optique, de leur musique ; ce qui s’avèrerait bien plus intéressant que de resservir un Death/Thrash Mélodique convenu. MEHTNAKRISS livre donc un premier effort qui possède ses moments forts, mais qui souffre de son aspect générique qu’il a du mal à neutraliser, contrairement à l’EP. A défaut de servir un album inoubliable, les concerts des Bisontins s’annoncent, quant à eux, d’intenses défouloirs, qui permettront aux compositions de prendre une toute autre ampleur, au vu de l’énergie délivrée par le groupe !
Ajouté : Vendredi 01 Avril 2011 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Mehtnakriss Website Hits: 10384
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