GUILT MACHINE (nl) - On This Perfect Day (2009)
Label : Mascot Records
Sortie du Scud : 28 août 2009
Pays : Pays-Bas
Genre : Rock / Metal Progressif
Type : Album
Playtime : 6 Titres - 58 Mins
Retiré du groupe STREAM OF PASSION, Arjen Lucassen devait bien fonder un nouveau projet pour occuper son temps libre, et c’est chose faite avec GUILT MACHINE. On se demande où il trouve toute cette disponibilité et créativité, entre la sortie du dernier AYREON, en 2008, celle du premier album de ce nouveau projet, en 2009, et celle du prochain STAR ONE, en 2010. Quoi qu’il en soit, difficile de chroniquer ce On This Perfect Day sans le comparer aux précédentes œuvres du géant néerlandais. Mais, ne connaissant pas tous ces classiques sur le bout des doigts, ce sera donc une oreille plutôt nouvelle au talent de Mr. Lucassen qui chroniquera ce CD, comme un disque à part entière, sans réelle comparaison avec d’autres activités parallèles, même s’il est bon de préciser que la musique qui nous est présentée, ici, se rapproche fortement de AYREON, les concepts de science fiction et la pléthore de chanteurs en moins, ainsi qu’une constance plus marquée dans le style musical qu’il couvre.
Mais, de toute façon, "Arjen is God" me dit-on parmi la communauté Prog’ ; d’où, probablement, la présence de seulement six pistes sur cet opus, puisqu’après, c’est l’instant du repos. Etonnant donc, de la part du Monsieur qui nous avait habitués à des œuvres gargantuesques étayées sur deux disques. Avec On This Perfect Day, proposant tout de même une heure de musique, le Néerlandais a préféré confiner son talent et essayer de transmettre tout ce qu’il souhaitait sur un seul et unique album. Et on peut dire qu’il y est arrivé, non sans l’aide de Lori Linstruth, à la guitare, qui a écrit l’ensemble des paroles, plutôt sibyllines, relatant de thèmes destructeurs tels que la culpabilité, le regret ou même le refus de la vérité, qui ont fait parti de leur passé à tous deux. Et pour interpréter ces écrits, Arjen a réalisé un choix assez surprenant, en délégant le poste, non pas à un chanteur Metal avec qui il avait déjà eu l’occasion de travailler, mais à Jasper Steverlinck, frontman d’un groupe de Rock Alternatif, qui ne connaissait rien au Metal Progressif. Et le jeune homme s’en sort parfaitement bien parvenant, à lui seul, à enrichir pleinement les compositions. Pour le batteur, c’est une décision similaire qu’a prise Arjen, puisque ce n’est pas son éternel compagnon Ed Warby, mais Chris Maitland (ex-PORCUPINE TREE) qui fut recruté pour apporter sa dose de puissance et subtilité aux titres complexes.
Pas facile de parler d’un album comme On This Perfect Day sans en décrire chaque titre séparément, puisque le travail de composition dont ils résultent s’avère magistral et soigneusement calibré. S’ils s’assemblent pour former cette œuvre aux différentes sonorités, ils représentent également, à part entière, des tableaux harmonieux évoluant au gré des sections mélancoliques et atmosphériques, et d’autres plus sombres et agressives. L’apogée de cet agencement musical se rencontre sur le titre « Season Of Denial », lorsqu’un break partagée entre percussions, chœurs, et une ligne de basse grossissante, introduit une boucle de violon somptueuse et architecturale. Sur fond de cymbales légères, mais rythmées, les cordes frottées entament une ligne d’une mélancolie poignante et déchirante, qui laisse ensuite place à une section rythmique lourde où les riffs grondants se calquent sur les impacts de la batterie, menant finalement, de nouveau, à cet air de violon émotionnel, cette fois appuyée de toute l’instrumentation ; un résultat grandiose aux allures orchestrales. Seulement, suite à une accalmie de guitare acoustique au sein d’une nappe de clavier angélique, la boucle se réamorce par un riff de cordes frottées, repris par la guitare, qui presse le rythme du titre, débouchant, encore, sur la sublime mélodie du violon, toujours supportée par le reste de l’instrumentation, mais avec un élément supplémentaire qui se greffe majestueusement par-dessus : les envolées vocales somptueuses de Jasper.
C’est cela qui fait la force de cet album. Arjen a redoublé d’inventivité afin d’éviter les banales répétitions au sein d’une même composition, préférant intervenir sur l’ordre et la place des lignes instrumentales et vocales au cours d’un même motif rythmique, ou mélodique, pour obtenir des morceaux évoluant sans cesse, mais toujours fluide, chaque élément en entraînant un autre. En dépit de ce travail, il arrive que l’on ne soit pas toujours sensible à tous les passages d’une même piste, tels que sur « Perfection? » où les moments plus agités n’accrochent pas forcément, ou encore « Green And Cream », progressant péniblement. On remarque aussi que les titres ont tendance à s’agencer d’une manière assez similaire. En effet, toutes les intros se veulent atmosphériques, sombres et oppressantes, surtout de par l’ajout de nombreuses sonorités industrielles, appartenant à d’imposantes machines d’usine, comme une presse hydraulique, ou une soufflerie, mais également à travers l’usage de multiples samples vocaux dans différentes langues (provenant des fans), utilisés de manière dramatique. Et, combinée à ces éléments, se pose une pulsation inquiétante, soit par effets électroniques, ou bien à la basse, présente comme rarement sur un disque Metal. Puis les morceaux débutent calmement, mélancoliques, réservés, ou bien, allègres dans des atmosphères riches et complexes.
Le clavier, bien évidemment, n’y est pas anodin, couchant des nappes densifiées par des percussions bien placées, des accords aériens de guitare et les lignes touchantes de violons et violoncelles, ou exécutant des notes cristallines contrastant lors des sections plus sombres. Même quelques riffs incisifs viennent en soutien de son homologue à six cordes. C’est sur « Leland Street » qu’est instaurée l’ambiance la plus perturbante, avec un clavier, tout d’abord, profond et enveloppant l’auditeur, puis plus angoissant lors des breaks où il complète, soit des cordes semblant s’étirer et s’altérer dans toutes les directions, soit des samples vocaux déstructurés. Mais, au final, l’usage de l’instrument est fait avec parcimonie, puisqu’il se contente de compléter les morceaux, sans jamais s’imposer, à l’instar des cordes frottées, restant discrètes tout en amenant la pointe d’émotion nécessaire, bien qu’elles aient aussi leur point d’orgue, sur « Season Of Denial », décrit précédemment, ou sur le final de « Perfection? », durant lequel elles mènent la mélodie et entament une partition typée néoclassique, avant de prendre des allures d’orchestre, voire même de ballet. Une mélodie dansante qui se crée également lors des interventions de mandoline, jouée par Arjen, à l’exemple de la fraîcheur apportée par l’air folk sur « Green And Cream », ou de la section flamenco rythmée de « Season Of Denial ».
Il se trouve que c’est également le génie néerlandais qui est en charge de la basse et, comme je l’écrivais précédemment, elle se montre, ici, particulièrement audible et mise en avant, ayant une importance cruciale lors des passages moins agités. Dès lors qu’on l’identifie, ses cordes vibrantes ne cessent de se faire entendre, même lorsqu’elles se cantonnent à seulement durcir le son et préparer les lignes instrumentales plus lourdes. Sur un morceau tel que « Over », elle prend rapidement les commandes de la composition, imposant ses propres atmosphères. La basse se fait également insistante sur « Twisted Coil », au travers d’un solo entraînant autour duquel se greffent des samples électroniques avant que le titre ne devienne plus énergique, ou d’un pont partagé avec les cordes frottées, et se montre aussi originale sur « Perfection? » lorsqu’elle exécute un riff jazzy au milieu de violons calqués sur un air oriental. Quoi qu’il en soit, son utilisation la plus efficace reste au sein des sections plus explosives, sans lesquelles toute l’atmosphère développée aurait un impact clairement réduit.
C’est donc grâce au batteur que ces intenses passages ont lieu d’être. En effet, celui-ci rythme à merveille les titres, tout d’abord pondérément, sans perturber le flot éthéré installé qui entraîne l’auditeur dans un voyage envoûtant, et sachant agrémenter ce climat de cymbales légères puis, graduellement, il durcit le ton, accentuant le tempo, et se faisant davantage présent pour, finalement, garnir les titres d’un jeu puissant et maîtrisé, accompagné par une basse solide et une guitare agressive. Toutefois, la batterie ne se démarque pas par sa vélocité accrue, ni sa violence exagérée, mais sa capacité à varier les rythmes et rendre la cadence presqu’organique en dosant justement lorsque nécessaire. Chris dynamise ainsi parfaitement les morceaux, introduit parfois par la mesure d’un autre instrument qu’il continue naturellement.
Pour ce qui est des lignes de guitare, elles sont davantage prononcées lors des envolées instrumentales intenses, délivrant des riffs énergiques et massifs, permettant de marquer le contraste avec les parties plus calmes. Néanmoins, Lori possède un jeu très mélodique qu’elle se fait un plaisir d’exposer au travers d’excellents solos, loin d’être insérés aléatoirement mais toujours dans le but de nourrir la structure des compositions, et soit pour introduire ou représenter l’apogée d’une boucle musicale, accentuant la fluidité et l’harmonie des titres. Lors de passages plus mélancoliques, atmosphériques, elle distille de longs accords aériens (« Twisted Coil », « Perfection? ») ou se fait plus discrète, laissant entendre seulement quelques notes, en compagnie de l’acoustique, avec laquelle elle réalise un break intéressant sur « Green And Cream ».
Finalement, le nouveau chanteur dégoté par Arjen, qu’il soutien d’une voix vocodée, est sûrement celui dont les lignes se révèlent les plus remarquables. Jasper délivre une prestation magistrale, s’adaptant parfaitement à la musicalité des compositions. Usant d’une voix sensible et envoûtante sur le développement des ambiances, il est capable de transmettre une rare puissance lors d’envolées vocales vibrantes et maîtrisées, tout en conservant un timbre parfaitement clair, qui fait indubitablement penser à Freddie Mercury, ou Matthew Bellamy, et marque également une opposition paisible avec les schémas menaçants de la rythmique. Il sait également jouer avec les variations de son chant, se montrant plus intimiste et frêle sur le clavier chagriné de « Leland Street », ou débutant « Season Of Denial » sur un air plus symphonique, et apparaissant plus chaleureux sur la fin de « Perfection? ». Bien que son talent soit incontestable, il rend néanmoins les compositions plus prévisibles puisque lorsque son intonation se presse et croît en intensité, cela mène souvent à une section instrumentale plus agitée.
On This Perfect Day n’est peut-être pas parfait, mais il ne peut qu’embellir les journées de l’auditeur, lui faisant parcourir différentes fresques musicales et poétiques consciencieusement articulées et composées pour se suffire à part entière. Tout en suivant un parcours similaire à celui tracé par AYREON, Arjen prouve, encore une fois, son énorme talent de composition en créant des ambiances contrastées et complémentaires toujours aussi prenantes, et leur apportant une touche unique pour porter, sans mal, ce nouveau projet, qui ne serait, évidemment, rien sans le line-up d’exception que le Néerlandais a su rassemblé. Avec cet album et la sortie de KALISIA, 2009 est assurément une année de choix pour tout amateur de Progressif !
Ajouté : Mercredi 30 Mars 2011 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Guilt Machine Website Hits: 10180
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