BLIND ILLUSION (usa) - The Sane Asylum (1988)
Label : Combat Records / Under One Flag
Sortie du Scud : 1988
Pays : Etats-Unis
Genre : Thrash Metal
Type : Album
Playtime : 8 Titres - 40 Mins
Groupe inclassable et culte parmi les cultes (et Dieu sait s’ils sont nombreux à cette époque), BLIND ILLUSION doit sa réputation à de nombreux éléments extérieurs à la musique du groupe. Fondé à la fin des années 70 par Marc Biederman, alors lycéen, le combo connut de multiples changements de line-up, d’enregistrements de démos qui ne firent qu’accroître leur noyau dur de fans, avant de se stabiliser pour enfin signer avec Combat Records pour graver leur premier album longue durée.
En précisant d’emblée qu’un fameux producteur se pencha sur une de leurs maquettes, en l’occurrence le Comics Addict Kirk Hammett, vous comprendrez que l’impact de BLIND ILLUSION portait jusqu’aux plus hautes sphères.
Et si je rajoute que les membres qui entrèrent en studio pour épauler Biederman dans sa tâche (car ne nous y trompons pas, BLIND ILLUSION était plus un one-man-project qu’autre chose, et vu la vision très personnelle de la musique qu’avait le bonhomme il n’y a rien d’étonnant à cela !), s’appelaient Les Claypool et Larry Lalonde, le doute n’est plus permis. Transfuge temporaire du bizarroïde PRIMUS pour le premier, ex POSSESSED pour le second, The Sane Asylum avait des allures de farandole du bizarre, de pierre précieuse de l’incongruité, et c’est finalement quasiment ce qu’il fut.
Car le sieur Biederman, outre son intérêt indéniable pour le Thrash de la Bay Area, nourrissait une autre passion, le Rock progressif des années 70. Et il faut admettre qu’à la sortie de ce LP, nous fumes nombreux à réagir de la même façon, « Non, mais c’est quoi ce truc ??? ».
Il est vrai que de jeunes oreilles de 17 ans, sevrées de riffs francs et de tempi épileptiques n’avaient pas la capacité d’appréhender cette œuvre avec toute l’attention qu’elle méritait. D’où, cette chronique emplie d’une réelle volonté de réhabilitation.
Imaginons si vous le voulez bien un Christian Vander de MAGMA désireux de durcir sa musique. Un KING CRIMSON devenu méchant avant l’heure. Un savant mélange de structures alambiquées et de franchise Metal assumée. Ou plutôt un Thrash intelligent travaillé comme un album de GENESIS, son d’époque y compris. Et c’est sans doute ce qui a coûté la reconnaissance à The Sane Asylum, cette production sortie de nulle part, comme exhalant d’un vieux 4 pistes des studios 3 d’Abbey Road.
La voix de Marc n’arrangeait rien à l’affaire. Sorte de mélange nauséeux entre les acidités vocales de Dave MUSTAINE et les facéties de gosier de CLAYPOOL, il lui était difficile de remporter une adhésion massive. Loin de la possession effrayante de Tom ARAYA ou de l’assurance d’un James HETFIELD, ce timbre geignard a rebuté bien des auditeurs décidemment peu prompts à l’expérimentation, majorité dont je faisais partie je le crains.
Mais les compositions avant-gardistes ont aussi beaucoup joué dans le destin funeste qu’à connu le groupe. Très très difficile d’accès, pour le moins, mis à part le morceau d’ouverture, « Blood Shower » assez classique, les titres étaient le plus souvent constitués de 4, 5, voire 6 parties différentes, clairement dissociables, s’imbriquant dans l’ouvrage général d’une manière peu commune. Attention, ne parlons pas ici de Techno Thrash, car les prouesses instrumentales n’étaient pas le parangon de l’édifice, bien au contraire, mais plutôt d’un Thrash fabuleusement progressif, n’admettant aucune limite, ni dans l’imagination, ni dans la construction.
Le fabuleux « Vengeance Is Mine » et son refrain lapidaire tombant comme une chape de plomb sur un paysage dévasté en est le parfait exemple.
Il n’est pas étonnant non plus, au regard du pedigree des musiciens de constater que les longs passages instrumentaux occupaient une bonne partie de l’album. Larry LALONDE, fraîchement échappé des démoniaques POSSESSED parsemait les titres d’interventions aussi agressives que psychédéliques, au point de tomber parfois dans le franchement glauque (le bien nommé « Death Noise », réellement inquiétant parfois…), et le seigneur CLAYPOOL d’apporter une touche Funky/Underground du meilleur tonneau, donnant un relief inédit à un genre à la base plutôt linéaire.
Laissant aux chansons le temps de se développer et d’installer un climat vraiment envoûtant, comme à l’occasion d’un « Kamakazi » symptomatique des fausses ballades des 70’s devenant franchement méchante une fois passé le premier couplet plutôt doucereux, BLIND ILLUSION formait un réel creuset d’émotions variables, passant de ci de là d’une haine farouche à une tentative de séduction vénéneuse. Et au-delà de la simplicité aliénante d’un SODOM, ou de la complexité à outrance d’un MEKONG DELTA ou d’un WATCHTOWER, BLIND ILLUSION n’avait de sorte que de surprendre l’auditeur avec une musique riche et ciselée qui en a bien sur désappointé plus d’un.
Le rythme savait pourtant se fondre dans un moule connu de la syncope bienvenue (« Smash The Crystal » et sa structure plus que digne d’un MEGADETH des meilleurs jours…), mais l’originalité n’avait de cesse de pointer le bout de son nez, au moment d’un final laissant un goût amer d’incertitude dans la bouche (« Vicious Visions » et « Metamorphosis Of A Monster », les deux plus anciens morceaux, hermétiques en diable).
Il est toujours difficile d’extraire de son contexte un élément à priori un peu perdu dans la masse des données saturant le libre arbitre d’un jeune auditeur avide de sensations fortes. Lancé dans une époque et un style peu fertiles en tentatives osées destinées à déstabiliser l’ordre établi, The Sane Asylum était condamné à l’échec.
Reformé en 2009 avant de sortir en 2010 un Demon Master bien moins captivant, BLIND ILLUSION a fait les frais de son intransigeance et de sa volonté sans faille de proposer quelque chose de différent.
Marc Biederman est retombé dans l’oubli, après une participation en tant que bassiste sur le très moyen Victims Of Deception des néanmoins fabuleux HEATHEN et guitariste sur le LP du grand retour de BLUE ÖYSTER CULT Imaginos.
CLAYPOOL s’en retourna nous compter fleurette sur fond de gruyère fondu dans PRIMUS, rejoint pour la bonne cause par LALONDE, et ils devinrent à la surprise générale, une attraction quasiment mainstream.
Et je terminerai en clamant bien haut que BLIND ILLUSION aurait pu parfaitement être résumé par ces quelques vers extraits du morceau « Metamorphosis Of A Monster » :
« A moments reflection
Mirrored imperfection
Then all madness will subside ».
Ajouté : Lundi 21 Février 2011 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Blind Illusion Website Hits: 13460
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