LINKIN PARK (usa) - Minutes To Midnight (2007)
Label : Warner Bros. / Machine Shop Recordings
Sortie du Scud : 14 mai 2007
Pays : Etats-Unis
Genre : Néo Metal / Rock Alternatif
Type : Album
Playtime : 12 Titres - 44 Mins
C’est étrange comment on peut en venir à renier, voire haïr un groupe pour, la majorité du temps, se faire bien voir parmi la communauté Metal. C’est le cas de LINKIN PARK. Le nom vous donne des haut-le-cœur ? Tant pis, je ne vous force pas à lire la suite. LINKIN PARK est un de ces groupes que l’on écoute principalement au début de l’adolescence, pendant nos années collèges, alors que l’on cherche sa propre identité musicale. Puis on découvre des groupes moins médiatisés, plus extrêmes, et l’on se rend compte que dénigrer les groupes commerciaux, souvent de Néo, Metal Alternatif ou Metalcore, est un loisir purement "TrVe", et on cherche alors à adopter un comportement similaire. Ainsi, on crache à notre tour sur ces groupes à succès que l’on avait pourtant appréciés lors de notre jeunesse.
Mais voilà, si, au début, c’est consciemment que l’on décide de ne plus écouter le groupe et intégrer tous les avis négatifs dans sa propre réflexion pour finalement n’en penser que du mal ; avec les années, ce réflexe péjoratif devient inconscient et l’on critique sans même savoir de quoi l’on parle et ni pourquoi l’on n’aime pas. La seule raison est : « J’écoute du Metal extrême, je ne vais pas me rabaisser à cet immondice commercial ». Et devant le manque flagrant d’originalité de Meteora, sorti quatre ans plus tôt, ainsi qu’avec l’arrivée de son nouvel opus, Minutes To Midnight, LINKIN PARK a déchaîné les attitudes de ce genre…
Débutée en 2003, l’écriture de cet album a été par la suite repoussée puis, après l’annonce d’une sortie en 2006, de nouveau décalé jusqu’à mai 2007. Entre temps, le groupe a pu travailler une centaine de compositions, dont ils ont, tout d’abord, extrait les dix-sept meilleures, puis réduit ce choix à douze pour finalement obtenir Minutes To Midnight. Autant dire qu’avec quatre ans de réflexion, les Californiens ont grandi, et cela se retrouve indubitablement dans les écrits des morceaux qui ont souvent nécessité une multitude d’ébauches pour s’ancrer convenablement dans le pseudo-concept entrevu à travers le titre de l’album, soir l’horloge de l’Apocalypse, censée représenter la fin du monde lorsqu’elle indique minuit (en 2007, elle pointe 11:55). Ainsi, les paroles se veulent plus matures et réfléchies, s’éloignant fortement des classiques amours perdus pour privilégier un engagement politique qui va à l’encontre du gouvernement Bush. A contrario des deux albums précédents, la vulgarité fait également son apparition sur plusieurs titres. Néanmoins, ce concept eschatologique ne s’applique pas seulement à la vision du monde par LINKIN PARK, mais aussi au groupe lui-même puisqu’avec Minutes To Midnight, il s’apprête à fortement changer.
Si le sextet américain s’était imposé comme un des piliers du Néo Metal, ils choisissent, sur cet album, d’expérimenter vers d’autres rivages sonores pour éviter de ressasser et s’enterrer dans un même style musical. Et cette évolution a été permise, principalement, grâce à l’arrivée de Rick Rubin en tant que producteur. Il a orienté le groupe vers un son davantage Rock et plus brut, mais qui n’en garde pas moins leur patte distinctive.
Bien que des influences de Rock britannique, ou encore de Punk/Rock californien, ressortent sur quelques morceaux, c’est davantage une prédominance Post-Rock Atmosphérique qui apparaît, essentiellement due au travail réalisé par le synthé, à l’instar du titre d’ouverture « Wake » qui n’est pas sans rappeler GOD IS AN ASTRONAUT sur l’intensité croissante des nappes aériennes accueillant les guitares, ou bien l’outro de « Shadow Of The Day ». Joseph Hahn a effectivement mis de côté les effets de scratches offrant, à la place, ces samples atmosphérique sur plusieurs titres, octroyant une ambiance particulière à l’album. Ce qui ne l’empêche pas, toutefois, de se laisser aller à des expérimentations électroniques, ou de programmation, sur « In Pieces », par exemple, où son jeu prend d’étranges tournures.
Un des éléments qui s’est également appauvri est la présence des vocaux rappés de Mike Shinoda qui ne sont présents que sur l’efficace « Bleed It Out » et « Hands Held High ». Sur ce dernier morceau, il est, par ailleurs, le seul au micro, tout comme sur « In Between » où il place un chant mélodique, juste sur des éléments de synthé et de rares notes de basse. Chester Bennington, quant à lui, conserve son timbre si reconnaissable et délivre une prestation tout à fait convaincante et énergique en voix claire, mais également lorsqu’il monte dans un registre hurlé convenablement maîtrisé, notamment sur « Given Up » où, lors d’un break introduit par des cordes acoustiques, il laisse exploser de longs hurlements, dont un approchant les vingt secondes, sur une section rythmique imposante. Il montrera également son talent à distiller les émotions au travers de cordes vocales aériennes (« Leave Out All The Rest ») et touchantes (« Shadow Of The Day »). Mais, à la différence des albums précédents, les multiplications de chant ne sont pas présentes sur Minutes To Midnight, permettant au groupe de proposer un rendu plus naturel.
La mélancolie que l’on peut ressentir sur l’album est due, outre le ton apocalyptique dénotant des textes et les vocaux saisissants de Chester et Mike, à l’agencement de cordes frottées que sont le violon, le violoncelle, et la viola, bien plus évidentes que sur Meteora, au sein de plusieurs titres dont « Hands Held High », déjà dramatique de part son tambour militaire et l’orgue d’église, et « The Little Things Give You Away » qui, selon la formation elle-même, représente l’apogée de ce qu’ils peuvent créer musicalement. Cette piste, la plus longue jamais réalisée par le groupe (6:25), débute en guitare acoustique et programmation soutenant des paroles délicates et bouleversantes, puis croît tranquillement en intensité, au travers du synthé et de l’instrumentation aérienne, toujours dans ce même esprit Post-Rock présent dès le premier titre. Sur le final, introduit par un très bon solo de Brad, Mike vient ajouter sa voix harmonieuse aux lignes de Chester jusqu’à ce que les deux terminent a cappella. On restera tout de même sur notre faim, dans l’attente d’une explosion sonore épique qui semble promise mais ne se produit pas.
Pourtant, il serait faux de croire que LINKIN PARK ne s’en est remis qu’à l’écriture de morceaux sombres et langoureux qui, bien qu’ils soient réussis, ne satisfont pas toujours le désir de l’auditeur souhaitant des passages plus agités. Le groupe possède toujours cette capacité à composer des pistes mémorables, et énervées, qui rappellent évidemment leurs deux premiers disques. Tout d’abord avec « Bleed It Out » (rappelant fortement « Faint »), titre direct disposant d’un riff principal entraînant et d’une rythmique bien sentie appuyée par les applaudissements d’une foule, ou encore le tube « What I’ve Done », avec ses lignes instrumentales efficaces et son refrain accrocheur, le tout appuyé par un synthé pertinent, mais aussi « No More Sorrow », possédant une introduction massive, malgré un mix un peu brouillon, et un son de guitare plutôt particulier de part l’emploi d’un EBow. Qui plus est, Chester y explore un peu toutes les facettes de son registre vocal, ce qui confère une énergie appréciable au morceau.
Et pour ce qui est de la section rythmique, elle est souvent soutenue par des beats ou sonorités en tous genres comme des claquements (« Given Up »). La batterie reste, finalement, plutôt discrète, le mix favorisant le son Rock des guitares et les nombreux samples ; elle s’emballera et sera mise en avant davantage sur les titres pêchus. Le même constat est attribuable à David Farrell, à la basse, qui ne se fait guère entendre, quelque soit la nature du morceau.
En outre, à quelques exceptions près, et comme sur leurs précédents opus, on constate rapidement, malgré une nouvelle direction musicale, que les compositions ont tendance à posséder une structure relativement simple et similaire dans leur exécution. C’est-à-dire que l’on assiste souvent à un enchaînement classique entre couplets et refrain, deux tiers du morceau durant, puis arrive à ce moment une expérimentation ou modification dans l’agencement des éléments, faisant office de pont. On peut citer « Bleed It Out », gratifié d’un très bon riff mélodique, « In Pieces », qui, bien qu’il soit banal, présente le premier solo de guitare du groupe, ou le break entre batterie et clavier qui s’ajoute à « Valentine’s Day ». Et puis, certains morceaux ont tout simplement du mal à retenir l’intérêt, à l’instar de celui précédemment cité et « In Between ».
Beaucoup diront, qu’avec ces nouvelles sonorités, LINKIN PARK la joue plus commercial ; pour ma part, ce n’est pas la motivation première derrière cet album. On sent la conviction au travers de certaines pistes et les émotions qu’elles parviennent à véhiculer. De là le groupe a mûri, puisque dans ses deux précédents albums, il était rare d’y ressentir de quelconques sentiments sur chaque piste. Et puis, pour un groupe soi-disant commercial, ce nouvel album a mis du temps à sortir alors que d'autres s’octroient un nouveau disque par an dans leur discographie, preuve de la volonté de soigner leurs compositions. De plus, l’implication et le dévouement qu’ils portent à leur musique se voient au travers de leurs clips vidéo, toujours peaufinés et travaillés à l’extrême pour un rendu bien au-dessus de la majorité des formations de Metal, et même de Rock en général.
Au final, LINKIN PARK fait évoluer son Néo Metal en un Rock énervé terriblement accrocheur et bien plus réfléchi, qui correspond davantage à l’image musicale du groupe. Car, même si la formation existe depuis plusieurs années, elle n’en est qu’à son troisième opus et peut alors se permettre d’élaborer de nouvelles sonorités. LINKIN PARK délivre sur cet album une musique agréable, et entraînante, qui n’a, par ailleurs, aucun mal à s’écouter en compagnie d’oreilles plus sensibles, tout en en profitant également. L’ensemble des compositions se montre donc réellement appréciable et plaisant ; seulement, pour cela faut-il encore être ouvert d’esprit et posséder ses propres goûts musicaux…
Ajouté : Samedi 06 Novembre 2010 Chroniqueur : CyberIF. Score : Lien en relation: Linkin Park Website Hits: 10751
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