QUEENSRYCHE (usa) - Empire (1990)
Label : EMI
Sortie du Scud : 20 août 1990
Pays : Etats-Unis
Genre : Perle de prophètes
Type : Album
Playtime : 11 Titres - 63 Mins
Le versant « intelligent » du Hard Rock US. Mais à force de trop intellectualiser le propos de QUEENSRYCHE pour faire oublier les débordements stupides de MOTLEY CRUE et les écarts bovins de W.A.S.P, on a eu trop tendance à occulter la force de leur musique.
Des lyrics certes concernés socialement, une attitude noble, ont fait de QUEENSRYCHE le porte étendard d’une crédibilité trop longtemps refusée pour cause de vulgarité ambiante.
Mais le quintette de SEATTLE était (est ?) beaucoup plus que cela. Outre le fait qu’ils étaient tous les cinq des musiciens d’exception, ils savaient aussi composer de vraies chansons, qui auraient pu toutes être jouées hors d’un contexte Heavy Metal trop restrictif. Je serais tenté de dire qu’ils étaient au delà de toute catégorisation, évoluant dans un univers qui leur était propre, unique.
On sortait leur disque des étagères pour se rassurer, pour montrer aux amis que l’on était sensible à la finesse et l’émotion. Ok, bon choix. Mais encore fallait il vraiment les écouter.
J’ai longtemps eu ce réflexe consensuel qui consistait à dire que Operation Mindcrime était leur meilleur album. Et puis en vieillissant, en évoluant, je me suis tourné vers son successeur. Moins conceptuel certes, mais diablement plus homogène. Et le public américain m’a donné raison.
Ne vous y trompez pas. Mindcrime reste au travers des années une réussite indéniable. Mais je ne peux m’empêcher de lui trouver un côté tape à l’œil. Comme si le groupe avait voulu prouver quelque chose, et du coup, tenter le coup de l’Opus Magnus dès le début de carrière. Empire est plus sobre, plus « propre ».
Beaucoup plus hermétique, plus précieux, mais aussi plus sensible, plus humain.
Mindcrime c’était « Allez y, prenez ! », Empire était plus « C’est à prendre ou à laisser ». Et nous avons pris.
Beaucoup de critiques avaient surnommé QUEENSRYCHE « la Testarossa » du Heavy Metal. Rien n’est plus faux.
Et Empire se pose en pierre de Rosette du Metal dit « moderne ». Une fois de plus, ils avaient dix ans d’avance, et on ne s’en est rendu compte que trop tard. Chaque intervention, chaque solo, chaque arrangement semble juste à sa place. La voix de Geoff, la guitare de Chris, les chœurs, ont ouvert un espace sonore inédit, qui semble même plus futuriste et poli que le Hysteria des LEP. Je serais même tenté de dire que les LEP auraient sonné ainsi s’ils avaient pu rester « organiques ».
En écoutant cette œuvre de bout en bout, on se dit que la perfection tient à peu de choses. Un chanteur hors norme, un guitariste au service des morceaux, et une section rythmique impeccable, loin de la démonstration gratuite.
Operation Mindcrime avait son lot de morceaux dispensables. Quand bien même son statut culte lui confère une aura particulière, il restait un assemblage de titres disparates, et pas véritablement d’un même standard qualitatif. Il manquait au groupe un élément clé. La reconnaissance apportant à un ensemble une liberté de mouvement totale.
Sur Empire, rien n’est dû au hasard. Tous les morceaux sont indissociables, indispensables, réalistes dirais je même. C’est la bande son urbaine d’une ville en pleine déliquescence. Sorte de « New York, New York » onirique et décalé, mais pourtant très ancré dans le réel.
Alors bien sur, de ces onze morceaux émergeront des classiques instantanés ou pas. Le titre d’ouverture, « Best I Can » qui sonne comme le leitmotiv parfait d’une entreprise préméditée, en est un parfait exemple. « Empire », et son clip soulignant toute la dangerosité des capitales américaines, offrant leur lot de déviances et de paradis factices, avec la mort au bout du chemin pour les égarés, ou encore « Resistance », qui aurait facilement pu figurer sur Rage For Order.
Le hit « Silent Lucidity » bien sur, qui ouvrit en grand au groupe les portes du Billboard en portant sur ses arpèges le lourd fardeau de faire décoller les ventes de l’album…Mais si cette ballade reste magnifique, si délicate, c’est grâce à la combinaison quasiment surnaturelle des talents conjugués de Tate et DeGarmo. Une berceuse fatale, éclairée d’un solo si émouvant que les larmes ne sont jamais loin…Et même si les notes qui se dispersent dans un ciel étoilé ne sont pas sans rappeler le lacrymal « Is There Anybody Out There ? » des FLOYD, c’est justement parce que leur destin est similaire…
Empire préfigurait tous les grands changements du Heavy Metal à venir. Il sonnait comme un avertissement aux générations futures avides de décibels, leur pointant du doigt tous les disfonctionnements d’une industrie dont le principe reposait sur la provocation cheap et les riffs instantanés.
Mais c’est aussi un postulat incontournable qui prouve qu’à un moment T de leur histoire, tous les membres d’un groupe atteignent un point d’osmose total, au point d’accoucher de l’œuvre de leur carrière.
Une œuvre intemporelle qu’on citera en exemple au moment des souvenirs d’une jeunesse qu’on croyait idéale, et qui l’était par certains côtés.
Et il n’est pas anodin de souligner qu’au moment de refermer cette page, QUEENSRYCHE s’interrogera une dernière fois, avec « Anybody’s Listening ?», pour bien mettre l’emphase sur une ultime prise de conscience.
Les gens vont-ils comprendre ?
Mais ils se trompaient. Il n’est pas question de compréhension ici, mais d’émotion.
Ajouté : Mardi 14 Septembre 2010 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Queensryche Website Hits: 10794
|