BURZUM (no) - Burzum (1992)
Label : DSP / Voices Of Wonder
Sortie du Scud : mars 1992
Pays : Norvège
Genre : Manifeste Nihiliste et Misanthropique Ultime
Type : Album
Playtime : 9 Titres - 49 Mins
La Norvège, comme d’autres pays nordiques, possède à l’orée de l’hiver le plus fort taux de suicides du monde. Ses ténèbres précoces, son froid insupportable, et ses activités ludiques réduites à néant n’y sont sûrement pas étrangers. Ce climat, qui ferait fuir tout individu normalement constitué a pourtant été le ciment qui a colmaté les brèches de l’esprit chez certains musiciens, voyant dans cette noirceur inévitable le reflet de leurs propres croyances/déviances.
Chaque philosophie, aussi extrême soit elle, naît de frustrations, de velléités de compréhension, bien au delà de la morale, des coutumes et de ce le commun des mortels appelle « la normalité ».
Et plus ces croyances sont transgressives, plus leur leitmotiv est profondément ancré dans un rejet, quel qu’il soit. Si l’on accepte la vie comme un cadeau, alors il nous revient de pérenniser cet héritage par des actes d’attrition, d’abnégation et d’empathie, à l’égard de nos contemporains s’égarant sur les chemins du péché et de l’égocentrisme.
Si l’on considère notre existence comme un fardeau que l’on a pas demandé à porter, l’autre devient l’ennemi, la solitude notre unique compagne, et la misanthropie la plus poussée l’unique chance de salut.
La clé permettant l’appréhension de toute réponse peut prendre alors des formes expressives diverses. De la parole à l’art pictural, du silence à la musique.
Et à force d’auto persuasion, on s’enfonce dans des délires paranoïaques peuplés de traîtres à la cause, de crédibilité entachée, d’honneur fantoche.
Et c’est ainsi que débute le bal des marginaux, sombre marigot de sang, de tripes, et de dogmes ultimes.
La scène Black Metal nordique du début des années 90 s’est nourrie de tous ces postulats jusqu’à vomir à la face du monde son dégoût de toute forme de compromission. Rejetée de toute part, décriée, pointée du doigt comme un affront intolérable à la bienséance, elle ne devait son salut de courte durée qu’à la foi inébranlable d’une poignée d’individus ayant décidé de faire tomber les dernières barrières d’un credo judéo-chrétien usé jusqu’à la corde.
Kristian Vikernes et Øystein Aarseth furent les deux seuls sorciers de la pénombre à emprunter jusqu’au bout la route sans issue de l’hiver de l’âme.
Oublions quelques instants que leurs motivations ne furent que bassement mercantiles. Ne voyons chez ses deux figures qu’un désir inaltérable de reconnaissance dans le mal absolu. Leur seul tort fut de croire en leur propre unicité, et de transformer en compétition absurde ce qui aurait pu devenir une alliance infernale que nul n’aurait pu stopper.
Si ces deux imbéciles avaient uni leurs forces, la planète aurait connu un destin encore plus funeste.
Tout comme De Mysteriis Dom Sathanas, Burzum ne s’écoute pas, il se ressent, il se vit comme un des premiers chapitres d’un conte cauchemardesque. Car encore plus que le seul véritable album du line-up culte de MAYHEM, il symbolise à lui seul les méandres inextricables d’une âme incarnée au centre le plus noir d’une forêt dont personne ne revient.
Varg était Dead et Euronymous à lui seul. Plus intelligent que le second, moins torturé et plus extraverti que le premier, sans aucun scrupule, parce que seul à la barre de son navire.
Et depuis ce vaisseau fantôme, il a gravé sur vinyle une des pires déclarations d’intention de l’histoire de la musique.
Un son sec comme un coup de poignard dans le cœur. Une schizophrénie vocale à la limite du surnaturel. Des lignes de guitare désespérées, perdues dans le froid du futur, qui n’existera jamais.
Un exercice périlleux dont personne ne sort vainqueur, et surtout pas lui.
Il faut écouter et réécouter Burzum pour bien comprendre de quoi il en retournait vraiment. S’immerger dans cette mer qui noie les plus téméraires. Cet hiver musical encore plus rigoureux et dense qu’une brume un matin de décembre, plié en deux sur une tombe profanée pour le simple plaisir de sentir la mort d’un peu plus près.
C’est la seule façon d’appréhender ce conte fantasmagorique que ses héros ont écrit au mépris de leur propre vie.
Il fallait ceci, nous avions besoin de cela. Nous avions besoin de ces trahisons, de ce sang versé, de cette philosophie répandue derrière des barreaux plantés par la société pour nous protéger des tabous intransgressibles.
La souffrance se vit de l’intérieur. La torture se chante, se loue, et nous transfigure à jamais.
Varg, qui que tu sois, tu as fait le bon choix. Tu dois bien rire maintenant de voir cet Hadès que tu as crée transformé en vulgaire cirque de l’étrange pour adolescentes en mal de satanisme de supermarché.
Ne les regarde pas, méprise les, et continue ton chemin.
Il sera toujours temps pour toi de voir le monde s’écrouler sur sa propre suffisance.
Et là, tu reviendras, une dernière fois.
Pour dire que tu nous avais prévenus…
Ajouté : Mercredi 24 Mars 2010 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Burzum Website Hits: 15050
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