Dire que les légendes du Black Metal sont toujours bien portantes est un doux euphémisme. Alors arrêtons d’emblée les figures de style et comparaisons niaises qui fleurent bon l’herbe fraichement coupée et l’humus florissant, ENTHRONED va vous foutre une de ces ambiances avec son Pentagrammaton que vous allez vite perdre le gout à la vie et l’envie d’aller faire un tour de poney. Je croyais également, à l’heure où l’on s’approche du printemps, que les belges allaient nous livrer un truc un peu fleuri, chaleureux et bon enfant comme le dernier IMMORTAL, idéal pour se dégeler les orteils. C’était mal les connaître. Trois ans après Tetra Karcist, la rage a eu le temps de bouillonner en eux pour coucher le résultat sur une rondelle qui vous fera passer un sale quart d’heure. Niveau line-up, il y’a eu quelques modifications. Le très effrayant Nornagest est toujours en place aux incantations et à la guitare, tout comme Phorgath à la basse et aux chœurs. Mais Nguaroth et Ahéphaïm se sont fait souffler la vedette, au profit de Neraath et Garghuf, respectivement guitariste/chanteur et batteur. ENTHRONED est coutumier des changements, ce n’est donc pas une surprise si je vous dis que l’alchimie a très vite opéré malgré la refonte.
Une fois encore, la cible directe des suppôts de Satan est le christianisme. Religion perfide, peste mondiale qui gangrène le bas peuple. De ce côté-là, pas d’inquiétude à avoir : Nornagest, à sa façon de vociférer, n’est toujours pas baptisé ! Bien sûr, ce n’est qu’après une petite introduction aliénante en bon latin (« In Missi Solemnibvs ») que le carnage a lieu. Avec « The Vitalized Shell » d’abord, qui renoue avec une production très crade et old-school où les cordes pétillent et les percussions mitraillent. Encore une fois, je ne suis guère surpris, vu qu’ENTHRONED porte désormais les couleurs de Regain Records, autrement plus authentique dans ses productions Black Metal que Nuclear Blast. J’avais à vrai dire, quelques craintes concernant le remplacement de ce diable d’Ahéphaïm. Mais à l’image de DARK FUNERAL récemment, ENTHRONED s’est dégoté un diable de bon marteleur en la personne de Garghuf. Le bonhomme a une détente très vive et frappe avec fermeté et conviction. Le boulot derrière est donc facilité pour la section corde qui se contente de sortir des riffs Black typiques accommodé selon le rythme des morceaux, qu’ils soient effrénés (« The Essential Chaos ») ou plus mid-tempo (« Ornament Of Grace »). Les belges reviendraient presque à l’essence même de leurs croyances, si le souci du détail n’était pas parfois exagéré. Il y’a dans le Black une histoire de feeling. Je crois qu’ENTHRONED a davantage voulu nous conter une histoire d’horreur. Les ambiances sont glauques, presque à outrance. Il y’a une volonté de terrifier, un rapport soumis/dominateur, une grandeur édifiante. Nornagest s’impose comme un roc. On l’imagine blasphémer, torse bombé, droit comme un i. Menaçant. C’est l’impression que m’a laissé Pentragrammaton.
Evidement. Il y’aura toujours mieux ailleurs. Et je suis sans doute trop naïf pour comprendre quoi que ce soit à cet album. Mais le peu que j’ai compris m’a forgé la conviction que si ENTHRONED n’est pas le plus original ni le plus entrainant des groupes de Black Metal de cette planète, il est sans doute l’un des plus influent et effrayant qu’il m’ait été donné de croiser. Rien que pour cela, je pose un genou à terre. Vaincu.