La nouvelle sensation scandinave pourrait venir de LEVERAGE, qui sort ces jours-ci son troisième album en trois ans, incontestablement le plus abouti et cohérent de tous. Tides et Blind Fire ont ouvert la voie à ce nouveau brûlot passionnant et au fort potentiel artistique et commercial. Autour de leur principal compositeur, le guitariste Tuomas Heikkinen, et sans faire de bruit, les finlandais nous reviennent en force avec Circus Colossus, dont la pochette réussie n'est qu'un avant-goût de ce qui va suivre, une fois le cd dans le lecteur.
LEVERAGE évolue dans un Heavy rock soigné, élégant et puissant, classieux sans être snob, avec une touche de prog bienvenue. Dès les premières mesures, et de manière générale au fil du disque, se dégage une grande maîtrise et intelligence au niveau des structures des morceaux. Les écueils du genre sont évités, la facilité rejetée, et se déroule au long de ces 50 minutes une oeuvre aboutie et rassasiante. Le chant est solide, bien placé, puissant, sans grande surprise ni amplitude démesurée, mais précis et convenant parfaitement au style du groupe. Les guitares sont là, elles s'imposent sans écraser, et se savent aériennes et virtuoses sur les soli, comme lourdes et épaisses sur les rythmiques. Beaucoup de claviers, des orchestrations justes et à propos, denses mais pas envahissantes, mais apportant une valeur ajoutée non négligeable à l'ensemble, une grandiloquence qui jamais ne déborde ("Movie Gods"). Le batteur apporte la technique de son jeu, avec une double pédale utilisée avec parcimonie, mais qui booste certaines parties instrumentales avec brio. Une grosse production comme souvent pour ces pays nordiques permet à Circus Colossus de prendre toute sa dimension, avec un son qui insiste sur la profondeur et l'ampleur des arrangements, et la puissance de mélodies plutôt sombres. Parmi les meilleurs morceaux, citons "Wolf & The Moon", un mid-tempo aux guitares agressives, bien construit. On sait depuis Blind Fire LEVERAGE capable de sortir de vrais tubes dignes de la Fm, et c'est encore le cas ici avec "Revelation", mais surtout "Legions Of Invisible", aux refrains simplement imparables. "Prisoners" brille par ses couplets bien écrits et refuse l'évidence de certaines mélodies sans surprise, alors que "Don't Keep Me Waiting" est une bien belle balade, essentiellement piano-voix, un exercice dans lequel le groupe excelle également. Difficile de trouver un point faible à cet album qui assure à LEVERAGE une place dans l'antichambre de la cour des grands, et une exposition médiatique plus conforme à son talent.
Si l'abondance de groupes montés sur le même moule fausse souvent la donne, et implique plus de comparaisons que de louanges à raison, il est tout de même réconfortant de constater qu'on peut encore sortir du lot ceux qui innovent et savent se constituer leur propre son. De même que la concurrence est dure sur la scène Metal, soyons sûrs que s'il continue à ce train LEVERAGE s'y fera sa place sans aucun mal.