Imaginez un groupe de Metal français qui s’appellerait « 7.62 CENTIMETRES DE SANG ». On rigolerait bien, pas vrai ? Pourtant, je n’ai encore entendu personne s’offusquer de leur équivalent canadien de 3 INCHES OF BLOOD. Peut-être car, eux, détiennent le secret de la mesure de sang idéale à verser dans la recette du bon vieux Heavy/Power nuancé de Thrash qui vous envoie dans des batailles glorieuses où les têtes et les corps jonchent le champ d’action encore fumant. Ceci n’est que pure supposition. Pourtant, il n’empêche que le quartet de Vancouver, qui a migré de Roadrunner Records vers Century Media et qui a récemment perdu son bassiste en la personne de Nick Cates en arrive avec Here Waits Thy Doom à sa quatrième offrande, l’année de son dixième anniversaire. Un beau cadeau donc, que ce nouveau palet.
Au regard de la pochette, je constate déjà qu’en comparaison du très bon grand frère qu’avait été Fire Up The Blades il y’a deux ans, le sens du visuel à évolué. Cette cover est un hybride entre une prise de vue empruntée à l’univers de Tolkien et une inspiration flagrante des clichés de SUMMONING. Quand on sait à quel point le premier à influencé le second, difficile de ne pas s’imaginer une musique tout aussi épique, savoureusement relevée d’une pointe de gothisme ou de romantisme pervers. Mais aussi incroyable que cela puisse paraître, le visuel et le contenu sont à des années lumières l’un de l’autre. Le premier est froid quand le second est chaud. Le premier est sombre quand le second est lumineux. Le premier est déprimant quand le second est un concentré de vitamines. La musique de 3 INCHES OF BLOOD donne carrément dans le Heavy Metal old-school. Il y’a parfois quelques hallucinations auditives, mais je vous confirme bien qu’ALICE COOPER, MÖTLEY CRÜE, SAXON ou IRON MAIDEN n’ont pas participé, de près ou de loin à cet album. Les guitares suivent, tout naturellement, les caractéristiques du Heavy avec les distorsions et les solos à tire-larigot. Il en va de même pour la batterie qui procure, avec sa vitesse d’exécution, des sensations de vraies cavalcades rythmiques. Le tout dans une atmosphère bon enfant, joyeuse qui redonne vite le sourire aux plus tristes. Je prends l’exemple du morceau « Preacher’s Daughter » qui est une prise de risque certaine puisqu’elle ne se prend au sérieux pour rien au monde avec ses allures de litanie Rock Indie enjouée et pêchue. Il fallait oser cette composition très Rock & Roll au sein d’un essaim de Heavy/Power fulgurant. Hélas, à partir de ce check point, les morceaux deviennent un poil plus anecdotique et déraillent un peu vers un Heavy plus traditionnel, moins barré et donc, trop scolaire. Néanmoins, en dépit d’une fin qui met du temps à venir après les six minutes d’« All Of Them Witches » et les sept d’« Execution Tank » (un final assez barbant entrecoupé d’une petite instrumentale assez pauvre), ce Here Waits Thy Doom est un effort globalement réussi. Aussi, comment ne pas mentionner 3 INCHES OF BLOOD sans parler de son vocaliste, Cam Pipes. Oubliez-le chant Heavy de pucelle. Ici, c’est place à un chant d’ours. Mais d’ours émasculé ! J’entends par-là qu’aucune justesse n’est à attendre (contrairement au Heavy classique), mais que ses vocaux complètement déjantés, suraigües et hors du temps offrent à leur musique un caractère presque… humoristique.
Alors si j’ai un tout petit conseil à vous donner, c’est de ne pas vous arrêter à l’apparence de cet opus si vous l’entrevoyiez chez votre disquaire. Car définitivement, l’habit ne fait pas le moine. Et ce moine là est dévêtu, impudique et totalement déficient. Sans se prendre au sérieux, avec ironie et talent, 3 INCHES OF BLOOD nous livre une prestation honnête, dans la joie et la bonne humeur. C’est tout ce que j’aime.