YEARNING (fi) - Juhani Palomäki (Nov-2007)
Petite discussion avec Juhani Palomäki, leader du groupe de Metal Gothique Finlandais YEARNING, à l’occasion de la sortie de son dernier chef d’œuvre : Merging Into Landscapes.
Line-up : Juhani Palomäki (chant, guitare, basse, clavier), Aki Kuusinen (batterie)
Discographie : With Tragedies Adorned (1997), Plaintive scenes (1999), Frore Meadow (2001), Evershade (2003), Merging Into Landscapes (2007)
Metal-Impact. Salut Juhani, votre nouvel album « Merging into landscapes » vient juste de sortir, très exactement trois ans après « Evershade » qui fût acclamé par la critique. As-tu eu les retours que tu attendais avec cet album ? En es-tu toujours satisfait ?
Juhani Palomäki. « Evershade » a eu en grande majorité des retours très positifs. On a même eu la note maximum dans de nombreuses chroniques et il est très dur de faire mieux. Je n’ai pas trop pour habitude d’écouter mes propres albums, mais je suis toujours satisfait de celui-là. C’est tout simplement de la bonne musique, et ça, tu ne peux pas dire le contraire. Les ventes n’ont pas été extraordinaires, mais il faut bien sûr garder à l’esprit que le groupe n’a pas fait de tournées, n’a pas de clips, etc… C’est super qu’il y ait des gens qui apprécient cette musique et je dois reconnaître que les retours ont été extrêmement positifs. C’est un peu une honte qu’il n’y ait pas plus de gens au courant de l’existence de ce groupe. Enfin bon, l’aventure continue de toute façon.
MI. Juste une dernière question au sujet d’ »Evershade »: au moment de l’enregistrer, vous aviez évoqué votre intention d’y ajouter quelques parties de violon. Aussi, vu que l’album est déjà très riche et abouti, j’étais juste curieux de savoir sur quels morceaux vous aviez l’intention d’en ajouter.
Juhani. Les parties de violon devaient figurer sur le morceau "Contemplation" dans la deuxième partie plus calme sur laquelle il y a du piano, de la basse, de la batterie et de la flûte. Comme le violoniste n’a pas été capable de bien jouer sa partie, j’ai utilisé des claviers avec un son de flûte pour jouer les mélodies qui étaient sensées être jouées au violon. Ca n’a donc pas été une grosse perte au final. Jouer du violon avec justesse n’est pas du tout chose aisée.
MI. Maintenant, parlons vraiment de ta nouvelle oeuvre: le premier changement notable est le départ de Toni du groupe. Pourquoi est-il parti et peux-tu nous présenter Aki, ton nouveau batteur ? Au passage, je dois dire qu’il a fait un boulot remarquable sur le nouvel album.
Juhani. Avec Toni c’était dur de faire avancer les choses même si c’est un super musicien. L’argent disparaissait toujours comme par enchantement, ça et d’autres problèmes du même genre. Tu finis simplement par en avoir marre quand ça se reproduit sans arrêt. Aki est le batteur de SINKING et de quelques groupes de Death Metal et c’est vraiment un super batteur. Je lui ai demandé d’être batteur de session pour cet album, ce qui ne lui a posé aucun problème. Il a répété les morceaux et les a couchés sur bande en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire. Il est jeune, enthousiaste à l’idée de jouer et vraiment très professionnel. Un musicien très technique et talentueux.
MI. En ce qui concerne la texture de l’album en lui-même, ma première réaction fut de penser que tu avais réussi à assembler les meilleurs éléments de chacun de vos albums: les guitares acoustiques et les atmosphères oniriques de “With tragedies adorned”, les structures expérimentales et le chant feminine de “Plaintive Scenes”, les claviers atmosphériques et l’aspect hivernal de “Frore Meadow”, les leads accrocheurs et l’aspect monolithique de “Evershade”. Es-tu conscient de celà ou te contentes-tu de composer sans trop réfléchir à ce genre de chose ?
Juhani. Tel que tu le présentes, ça paraît cohérent, mais ça n’a absolument pas été conscient à quelque moment de l’élaboration de l’album que ce soit. Quand je compose, je ne pense pas aux albums précédents ou à des choses de ce genre, je ne me concentre que sur la musique du moment. Quand j’y travaille, je réfléchis juste à la structure des accords, aux mélodies, aux harmonies, à l’atmosphère et tout ce qui s’ensuit. J’imagine que j’ai développé ma propre manière de faire de la musique et que c’est ça qui est toujours reconnaissable. On acquiert plus d’expérience au fil des ans et on apprend comment faire les choses bien et d’une manière intéressante. Certaines caractéristiques de la musique demeurent, même s’il se peut que la forme et les techniques changent. Le nouvel album sonne toujours comme du YEARNING mais avec évidemment une nouvelle saveur. Pour la première fois je suis très satisfait du son des guitares sur l’album. Il est beaucoup plus massif que sur les albums précédents et ça grâce à du nouveau matériel de tueur. Beaucoup de gens ont déjà affirmé que “Merging into Landscapes” est le meilleur album de YEARNING au jour d’aujourd’hui. Certains ont même affirmé que c’est comme si le style de « With Tragedies Adorned » avait été ressuscité d’une façon plus professionnelle et sophistiquée. Pour moi c’est difficile de porter un jugement, mais ce nouvel album est de toute façon un très bon album.
MI. Tout fan de YEARNING connaît ton talent pour la guitare acoustique, la guitare électrique et le chant depuis le premier album mais peux-tu nous dire depuis quand tu joues de la basse et du clavier ? As-tu commencé à jouer de ces instruments et as-tu progressé dans leur pratique suite aux départs des autres membres de YEARNING ou bien as-tu toujours été un multi-instrumentiste ?
Juhani. En fait, j’ai aussi joué du clavier sur le premier album de YEARNING. A ce moment-là, les parties n’étaient pas trop dures à interpréter mais j’ai secrètement [rires] appris à jouer du clavier de façon plus rigoureuse au fil des ans. Je me suis entraîné sur quelques pièces de Beethoven, Debussy, etc et j’ai fait un peu n’importe quoi avec l’instrument pour dégoter des structures intéressantes. J’ai toujours travaillé avec des claviers pendant la phase de composition parce que ce sont des outils vraiment géniaux pour ça et, quand tu passes plusieurs heures par jour avec cet instrument et que tu es emballé par ce que tu fais, il faut bien que tu en retiennes quelque chose au fil des ans. Mon père jouait de la basse et de la guitare, il m’a appris à en jouer quand j’étais enfant et pour un guitariste, c’est assez facile de se mettre à la basse par la suite si on a fait ne serait-ce qu’un peu attention à la façon dont elle doit sonner. La basse devient, elle aussi, un instrument étonnament intéressant quand tu as compris comment ça marche avec les différents accords. J’ai aussi fait de la batterie avec quelques groupes par le passé, mais je n’ai pas eu l’occasion de faire ça longtemps.
MI. Comment travailles-tu avec ton batteur ? Est-ce qu’il ajoute la batterie quand les morceaux sont finis ou est-ce que vous répétez beaucoup et travaillez la structure des morceaux ensemble ?
Juhani. Pour cet album, j’ai fait une maquette pour le batteur avec tous les instruments et une boîte à rythmes. Aki a répété la batterie dans sa propre salle de répétition et puis on est allés en studio. En fait, on n’a pas répété ensemble une seule fois. Mais ça a l’air de marcher comme ça. Je pense que pour un batteur professionnel c’est assez facile quand les morceaux sont entièrement prêts. Tu fais juste les arrangements nécessaires, ceux qui te paraissent convenir le mieux. Bien sûr, ça demande du talent, mais Aki en a, à n’en pas douter.
MI. Quelque chose qui manque avec YEARNING, c’est la possibilité de vous voir sur scène: tu ne ressens pas comme de la frustration de ne pas pouvoir partager ta musique avec tes fans à travers l’Europe et le reste du monde ? Comptes-tu résoudre ce "problème" un jour ?
Juhani. Il n’y a pas eu de concert depuis des années. J’ai demandé à Holy (NdR : Records, leur label) si ça les intéresserait d’organiser une tournée, mais apparemment ça n’est pas le cas. Donc on n’a pas répété avec les membres de session cette fois-ci. De ce côté-là c’est la honte, mais au moins on a un nouvel album qui sort et c’est déjà ça. On verra bien ce que l’avenir nous réserve.
MI. Je sais que beaucoup ont été déçus par la pochette d’“Evershade”. En particulier après les remarquables oeuvres que Jean-Pascal Fournier avait réalisé pour vous: que s’est-il passé avec celle-ci et peux-tu nous dire quelques mots sur les raisons qui t’ont amené à choisir la pochette de “Merging into landscapes” ?
Juhani. Pour celle d’”Evershade”, Holy nous ont dit qu’ils ne débourseraient pas un centime pour l’illustration de la pochette. Du coup, j’ai demandé à un gars mais ça ne l’intéressait pas trop de réaliser une pochette gratuitement. Le résultat final a été bien naze. En revanche, “Merging into Landscapes” a lui bénéficié d’une très bonne illustration pour la pochette. Je suis tombé sur cette jeune photographe anglaise, Naomi Morlan, et, quand j’ai vu sa photographie: "What's inside is outside", j’ai su qu’il fallait que ça soit sur la pochette d’un album de YEARNING. C’est une très belle image et elle colle à merveille avec le titre de l’album.
MI. Concernant les paroles: dirais-tu que les auteurs que tu cites comme influences (Nietzsche, Tolstoï, Kafka, Lovecraft…) t’influencent plus dans ton style d’écriture ou dans les sujets dont tu traites ? (J’entend par là: est-ce une influence sur le fond ou la forme ?)
Juhani. Je n’ai absolument pas été influence par Tolstoï puisque je n’ai jamais lu ses oeuvres (NdR: Désolé, je me suis planté sur ce coup-là !). Nietzsche a une réflexion intéressante sur le développement personnel, mais on ne peut pas le voir lui non plus comme ayant une forte influence sur mes paroles. J’ai été quelque peu influencé par Lovecraft quand j’ai écrit les paroles pour Colosseum, mais l’auteur et influence qui m’est le plus proche est vraiment Kafka. Je suis tellement dérangé moi-même que je vis dans le monde de Kafka.
(Rires) non, peut-être pas, mais il a de superbes ambiances surréalistes dans ses livres, sombres et angoissantes à la fois et c’est quelque chose que j’apprécie énormément. J’avais parlé de Kafka avec mon ami qui était un grand passionné de philosophie (et s’est suicidé il y a cinq ans, paix à son âme) et lui avais dit que j’aimerais parvenir à la même atmosphère dans ma musique que celle contenue dans les écrits de Kafka. Et, en fait, il m’avait dit qu’il pensait que cette atmosphère y régnait déjà. C’est un commentaire qui m’avait fait assez plaisir. Pour répondre à ta question, je vise plus le fond et l’ambiance, pas la forme.
MI. As-tu jamais envisagé d’écrire en finnois ? Pourquoi ne pas le faire ?
Juhani. J’ai écrit quelques morceaux en finnois, mais pas pour YEARNING à l’exception de “Datura Stramonium” sur le nouvel album dans laquelle il y a une sorte de poème récité en finnois. Si j’arrive à faire quelque chose d’intéressant en finnois, il se peut que j’essaye ça à l’avenir.
MI. Avoir sorti cinq albums, être toujours là et continuer à s’améliorer est quelque chose dont on peut être fier dans le domaine du “dark” Metal : peux-tu juste nous dire à la lueur de ton état d’esprit actuel et en quelques mots ce que tu éprouves maintenant quand tu écoutes chacun de tes albums et les éléments que tu regrettes/dont tu es fier ?
Juhani. “With Tragedies Adorned” : Atmosphère trèèès déprimante. J’ai dû être "très, très" joyeux quand j’écrivais ces morceaux-là. Je n’aime pas trop la production et le chant est faux par endroits, mais il y a quelques temps forts et une atmosphère poignante.
“Plaintive Scenes” : Cet album sonne plus comme du Dark Metal progressif. Quelques super compositions, une meilleure interprétation et une meilleure production. J’apprécie toujours beaucoup de ces morceaux, même si je les ai joués un nombre de fois incalculables. Holy a prétendu que cet album était pompé sur ARCTURUS, mais était-ce vraiment le cas ? Peut-être quelques influences, en particulier sur la batterie.
“Frore Meadow”: Un album qui a été grosso modo improvisé en studio et se voulait expérimental. Disons qu’il y a quelques bonnes chansons, quelques petites choses bizarroïdes un peu prog/jazz et des parties classiques et ambiantes. Un assemblage assez bizarre, mais il y a de bons moments.
“Evershade”: Un album avec d’excellents morceaux et une atmosphère poignante. Il y a eu beaucoup de travail de fait pour cet album et ça a été payant. Progressif dans le bon sens, accrocheur dans le bon sens.
MI. A quoi ressemble la vie de Juhani Palomäki quand il ne travaille pas pour YEARNING ? As-tu un travail avec des horaires de bureau ? D’autres loisirs ? Une vie de famille ou que sais-je encore ?
Juhani. En ce moment je suis au chômage, j’ai ma vie de famille, je travaille avec mes groupes, j’essaye de ne plus trop me mettre en vrac. J’aime lire et marcher dans les bois en l’honneur du Démon (NdR : Pour l’avoir rencontré, je précise qu’il manie l’humour à froid avec aisance).
MI. Cet album est dédié à ta mère, décédée. Etait-elle attentive aux travaux de son fils et les appréciait-elle ? Ou était-ce un monde qui lui était étranger comme pour beaucoup ?
Juhani. Hé bien, ma mère appréciait et soutenait ma carrière musicale, même si elle n’était pas trop portée sur le Metal je dois dire. Elle préférait écouter du classique, bien entendu. Elle était très croyante et moi non, mais on ne peut pas tout avoir. Je garde d’elle un bon souvenir quoi qu’il en soit.
MI. Pour ceux qui aiment le côté le plus sombre de la musique de YEARNING, je sais que tu as monté ton propre groupe de Funeral Doom, COLOSSEUM, que tu as déjà fait quelques concerts avec eux et que vous allez sortir votre premier album bientôt, tu peux nous en dire plus sur tout ça ?
Juhani. J’ai commencé à composer les morceaux de COLOSSEUM après avoir fini les chansons pour l’album de YEARNING. Je voulais pousser ces ténèbres et cette obscurité vers des extrémités absolues en puisant mes influences dans le « dark ambient », le classique et des groupes comme UNHOLY et d’autres. Du Doom orchestral suicidaire, très lent et pesant accompagné de chant hurlé et grogné. Le premier album “Chapter 1 : Delirium” sortira chez Firedoom Music en novembre 2007. Je trouve que COLOSSEUM se démarque des autres groupes de Funeral Doom et mérite que vous vous y intéressiez si vous voulez guérir en broyant vos névroses. Il y a une formation au complet dans ce groupe et on prévoit aussi de faire d’autres concerts, même si ce n’est peut-être pas la forme de musique la plus abordable sur scène, avec des morceaux qui durent plus de dix minutes. Quoi qu’il en soit, ma démarche avec ce groupe est sérieuse elle aussi et c’est une musique de qualité une fois que vous parvenez à vous l’approprier.
MI. Et pourquoi as-tu éprouvé le besoin de t’exprimer musicalement avec un autre groupe que YEARNING ?
Juhani. J’ai voulu pousser l’expression musicale vers les extrêmes et ça ne rentrait pas dans les plans de YEARNING. C’est rafraîchissant de faire de la musique sous un angle différent et, comme les morceaux de YEARNING étaient prêts et que j’avais encore beaucoup d’idées en tête, j’ai voulu me lancer là-dedans. Là, je suis assez fatigué après avoir enregistré deux albums cette année, mais le résultat final est gratifiant en tout cas. On verra bien combien de temps ça va prendre jusqu’aux prochaines sessions.
MI. Comment vois-tu l’avenir pour YEARNING ?
Juhani. Je n’en suis pas tout à fait sûr là maintenant, on verra bien ce que l’avenir nous réserve. Il est probable que je continue à faire de la musique dans les temps qui viennent aussi. On verra si il y a des concerts, un nouveau contrat avec un label et les choses habituelles du même type.
Ajouté : Vendredi 09 Novembre 2007 Intervieweur : Zegogo Lien en relation: Yearning Website Hits: 20436
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