Il y avait longtemps que je n’avais pas mis le nez dans le moteur de ma Ford. Le radiateur était dans un piteux état, les pistons à moitié morts, et l’huile devait se sentir claustrophobe puisqu’elle s’était étalée partout. Pas vraiment envie de me coller du cambouis sur les mains, mais pas envie non plus de l’apporter au vieil Ed, qui allait encore me faire payer 100 billets pour une réparation de fortune.
Je devais pourtant partir, prendre la route tôt, écumer les routes désertiques jusqu’à plus soif et rejoindre Bill pour une dernière tequila, avant de passer la frontière. Putain, le Mexique…
J’ai alors décidé de balancer un truc dans l’autoradio, défoncé certes, mais encore capable de cracher ce qu’il faut de décibels.
Un pote chelou m’avait refilé un CD qui payait pas de mine. GIDEON SMITH & THE DIXIE DAMNED. Pochette assez naze, la confiance était limite, mais bon, comme je ne pouvais aller nulle part, je l’ai collé quand même dans le mange-disque et je me suis assis.
La voix du bonhomme m’a d’abord un peu rebuté, mais on s’y fait vite, parce que le backing-band derrière est pas là pour amuser la galerie. Ca sue, ça suinte la graisse même. Rien que le titre d’intro, « Indian Larry » m’a filé la pêche en moins de temps qu’il ne m’en faut pour descendre une canette. C’est greasy, ça colle aux santiags, et ça fait tourner la tête pire qu’une vieille caisse de bourbon. C’est dingue ce groupe, il peuvent aussi facilement passer du Boogie atomique (« Feather’s Shadow »), au Heavy diabolique (« Devil’s Night »), en passant par des ballades au doux parfum du LYNYRD (« Daughter Of The Moon », « Lay Me Down In Ecstasy »).
Polyvalents on dirait, mais toujours authentiques. Les riffs dodus, les arpèges doucereux, le rythme trapu, on dirait le Sud. C’était pourtant bien.

Ma Ford me fait chier, je vais la coller à la casse. La tequila attendra et Bill aussi. Après tout le Mexique ne va pas bouger. Moi non plus.

Je vais réecouter South Side Of The Moon. On voyage aussi bien avec ça.
Et plus léger…