HEATHEN (usa) - Breaking The Silence (1987)
Label : Combat/Music For Nations (LP) / Century Media (CD Reissue)
Sortie du Scud : 1987 (8 Tracks LP) / 1999 (13 Tracks CD)
Pays : USA
Genre : Speed/Thrash Metal
Type : Album
Playtime : LP : 8 Titres – 43 Mins / CD : 13 Titres – 62 Mins
Il existe en ce bas monde, des groupes qui sont touchés par la grâce à un moment précis de leur carrière. Et puis plus rien. Par manque de conviction, désaffection du public, largage express de leur maison de disques, séparation pour éternelles divergences musicales. Ou parfois tout simplement parce qu’ils sont incapables de reproduire la recette qui a abouti à une réussite totale la première fois.
Le premier album est souvent le meilleur pour les fans absolus. Ainsi, certains abrutis sont encore persuadés en 2007 que Kill’Em All est un chef d’œuvre insurpassable, ou que Show No Mercy n’a jamais eu de vraie suite. Grand bien leur fasse, je les laisse dans leur ignorance. Dans le cas d’HEATHEN par contre, rien n’est plus vrai.
En 1986, tout auréolés du succès incroyable de leur première démo, Pray For Death, les membres du groupe se sentent pousser des ailes. Après quelques ajustements de line up, Lee ALTUS et Carl SACCO trouvent l’équilibre parfait, en ayant récupéré au passage Dave WHITE, ex BLIND ILLUSION (mais si, vous savez, un des premiers groupes de Les CLAYPOOL !!), et Doug PIERCY d’ANVIL CHORUS.
Il est temps de rentrer au studio pour graver dans de meilleures conditions sonores, leur répertoire aussi frais qu’étonnant. Car il ne faut pas s’y tromper, Breaking The Silence n’est ni plus ni moins à l’époque qu’une relecture plus professionnelle de leur démo, avec comme détail, le titre « Heathen » en moins (mais qu’on retrouve sur le pressage CD sorti 12 ans plus tard chez Century Media).
Une anecdote tout à fait perso si vous le permettez, avant de commencer à parler des morceaux proprement dits. Lorsque cet album est sorti chez mon crémier local, j’ai un choc. Je l’ai écouté le matin, et je n’avais pas une thune. J’ai donc emprunté 100 balles à ma petite amie de l’époque (que je ne lui ai pas rendus d’ailleurs….), et je suis retourné l’acheter l’après midi même. Chose qui ne m’est arrivé que deux fois dans ma vie. Pour HEATHEN, et pour un autre petit groupe qui venait juste de sortir son troisième album, Beneath The Remains. C’est vous dire à quel niveau je les place…
Breaking The Silence débute de la meilleure façon qui soit. Une intro apocalyptique, faite de roulements de batterie, et d’une guitare qui égrène ses griefs contre les sextolets. Le décor est planté. Un son à décorner les bœufs (merci Ronnie MONTROSE !), et puis on démarre la machine, avec une vitesse de pointe qui sait rester dans le domaine du raisonnable. Un riff simple mais accrocheur, une voix surprenante, agressive mais intelligible, une rythmique créative et précise et l’affaire et dans le sac. Si vous ajoutez à cela des soli extrêmement mélodique, vous comprendrez vous-même qu’il ne fallait pas beaucoup de temps à HEATHEN pour envoûter l’auditeur. Un titre, « Death By Hanging » et c’est l’addiction. Puis déboule l’intro de « Goblins Blade » et on navigue en plein rêve. L’association mélodie/puissance n’a jamais été aussi efficace. Car nous n’avons pas affaire à de médiocres musiciens essayant en vain de camoufler une technique déficiente derrière un mur de son, mais bien à de réels amoureux du genre, le speed/thrash, en perte de vitesse depuis l’apparition de groupes ultra violents, reléguant la mélodie derrière la vélocité. « Goblins Blade » c’est la sérénade folle d’instrumentistes en roue libre, maîtres absolus de leur art, qui font virevolter l’inspiration comme d’autres les rubans de soie. La voix de Dave GODFREY, tour à tour plaintive ou grinçante se fond dans l’ambiance jusqu’aux limites de l’osmose totale. Après cette cavalcade, « Open The Grave » et ses 7’30, nous emmène dans un tourniquet heavy où les guitares assurent le lest indispensable à cette expédition. Le titre se déroule au gré de nombreux riffs et rythmes, jusqu’à l’explosion finale, contenue pendant 5 minutes, ou tous se libèrent totalement, pour nous faire tourner la tête jusqu’à la dévisser. La première face se termine sur le titre le plus faible de l’album, « Pray For Death », morceau classique qui ne fait pas vraiment avancer les choses avec sa mélodie rebattue déjà des centaines de fois.
Une fois le vinyle retourné, c’est une autre paire de manches. La face débute avec une reprise de SWEET, « Set Me Free », exécutée avec révérence, peut être un peu trop d’ailleurs, mais le grain de folie n’est pas loin.
Puis, alors que tout semblait calmé, « Breaking The Silence » vient rompre le miroir une bonne fois pour toutes. Bien que j’exècre les jugements définitifs, ce morceau est ce qui s’est fait de mieux dans le style, l’équivalent du « Va Pensiero » chez les headbangers. Le lick de guitare est hypnotique, et Dave, bien au-delà de la simple interprétation vocale, est habité par son chant. Le climat se déchaîne pendant près de 3 minutes, et là, même après un bon millier d’écoutes depuis 20 ans, j’ai toujours le même frisson qui me parcourt l’échine. Le plus bel échange de soli de tous les temps, reléguant les duettistes d’IRON MAIDEN à des années lumière de toute imagination. Puis le morceau reprend sa trame d’origine, comme si rien ne s’était passé. Une tuerie. Un massacre. Pipo et Mollo font du ski, un supo et au lit. Rideau.
Malgré cela, la messe n’est pas encore dite, car au détour des sillons, vous attend la pièce de choix de l’album, « Worlds End » et son intro à la guitare classique sur fond de solo électrique majestueux. C’est le bouquet final, le feu d’artifice à 2 millions de dollars pour pas plus cher. Après ces quelques instants de douceur, HEATHEN décide de cramer ses dernières cartouches pour prolonger la féerie jusqu’au bout de la nuit. S’ensuivent 7 minutes de diction de maître, ou les donneurs de leçons d’antan deviennent les disciples d’aujourd’hui. On se tait, on ramasse ses billes en silence, et on va chialer au fond de la cour, écœuré de ne pas avoir compris ça plus tôt. « Save The Skull » n’a plus qu’à enfoncer le clou, nous sommes tous convaincus.
C’était ça Breaking The Silence. Une fête païenne à la gloire de la perfection absolue. Le meilleur de la Bay Area en 40 minutes. L’intelligence. La volonté.
Un peu comme lorsqu’on croise une femme superbe dans la rue, on se retourne pour l’admirer plus longtemps, mais elle est déjà partie. Ne reste plus que son parfum, et un souvenir inoubliable.
C’était ça HEATHEN.
Ecoutez et réfléchissez. Le vrai Kill’Em All est là. Sorti 3 ans trop tard.
La vie est mal faite…
Ajouté : Dimanche 16 Septembre 2007 Chroniqueur : Mortne2001 Score : Lien en relation: Heathen Website Hits: 15213
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